Overview
Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 3)

DOI article:
Bonnaffé, Edmond: Le commerce des objets d'art et les ventes publiques, [3]
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.16906#0228

DWork-Logo
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
194 L'ART.

Chilpéric aimait la belle orfèvrerie et paraît avoir eu quelques prétentions à ce sujet1 ; il
confiait le soin de ses acquisitions à un juif nommé Priscus, qui ei ad species coemendas fami-
liaris erat2. Ce n'est pas d'hier que les enfants d'Israël jouent un rôle dans la curiosité. Maîtres
à peu près exclusifs du commerce d'argent, habiles à pratiquer l'usure et le prêt sur gage, ils
trouvaient l'occasion d'utiliser leur savoir-faire dans ces temps de trouble et d'aventure, où la
guerre et le pillage bouleversaient rapidement les fortunes. A force de patience et d'adresse,, ils
finissaient toujours par accaparer les objets de prix qu'on leur avait engagés, si bien que, la paix
une fois rétablie, celui qui voulait acheter quelque pièce exceptionnelle était sûr de trouver son
affaire chez le marchand juif. Comme dans l'opéra de Scribe, les princesses ne craignaient pas de
pénétrer au fond du Ghetto pour découvrir et marchander

le joyau magnifique
Que portait autrefois l'empereur Constantin.

Mais on trouvait de belles choses ailleurs que dans les juiveries. Les corporations tenaient
boutique ouverte et leurs étalages étaient bien pourvus. Au ivc siècle, « il y avait près de l'église
cathédrale de Paris une vaste place, voisine du pont qui joignait les deux rives du bras méri-
dional de la Seine. Cette place, destinée au commerce, était bordée de comptoirs et de magasins
où s'étalaient des marchandises précieuses, de toute espèce 3. » Un jour que Leudaste, ex-comte de
Tours, voulait offrir à Frédégonde un cadeau royal, « il se mit à parcourir cette place, dit
Grégoire de Tours4, allant d'une boutique à l'autre, domos negotiantium etreumiens, regardant
tout avec curiosité..... Puis, comme un acheteur entendu, se recueillant pour délibérer en lui-
même et choisir avec discernement, il maniait les étoffes, essayait sur lui les bijoux, soupesait la
vaisselle de prix, species rimatur, argentum pensât, et quand son choix était fixé, il reprenait
d'un ton haut et avantageux : « Ceci est bien, mettez ceci à part, je me propose de prendre
cela. »

L'industrie de luxe s'était maintenue tant bien que mal sous les premiers Mérovingiens ;
ruinée par les invasions du vme siècle, rétablie et encouragée par Charlemagne, elle disparut à la
mort de ce prince, dans le grand naufrage qui faillit emporter la civilisation tout entière.

La renaissance commerciale et industrielle date des Croisades. A la vue des merveilles de
l'Orient, le rude conquérant de la Palestine s'était façonné. Sa curiosité devenait moins accom-
modante; il lui fallait désormais des tapis sarrasinois, des étoffes tissées de soie et d'or, des
verres et des armes de Damas, de l'orfèvrerie et des bijoux à la façon d'outre-mer. La route
était ouverte et les fabriques orientales allaient approvisionner l'Europe pour longtemps. Mais nos
corporations n'entendaient pas leur laisser un monopole ; fraîchement échappées du cloître et
jalouses de conquérir une clientèle, elles s'emparent des procédés à la mode et rivalisent avec
leurs concurrents. Ainsi l'industrie renaît, le commerce maritime est organisé, et le rétablissement
des foires ouvre des débouchés nouveaux, des marchés libres, faciles, définitifs.

Le marchand forain est un des grands pourvoyeurs de la curiosité. Chaque année, la pro-
vince et l'étranger arrivent en caravane sur le champ de foire, apportant les plus beaux échan-
tillons des manufactures de France, d'Allemagne, d'Italie et du Levant, tout ce qui peut tenter la
coquetterie ou la curiosité. On attend ces grands jours pour faire ses emplettes, on s'y prépare à
l'avance et chacun accourt au rendez-vous, le Parisien à Saint-Ladre, à Saint-Denis et au Lendit;
les Normands à la Guibray ; la Champagne et la Brie à Troyes; le Languedoc à Beaucaire.

En dehors des foires, des boutiques et des juiveries, il restait encore une ressource éven-
tuelle, la vente mobilière.

Les Romains nous ont légué le procédé des ventes à la criée, à Yencan, mot nouveau dont
l'étymologie a beaucoup tourmenté les glossateurs; vient-il de l'interrogation in quantum, pour
combien? ou du mot cantus, par analogie avec la voix du crieur « qui s'élève en manière de chant,

i. Grec. Toron., Hist. Franc, V.
a. Grec. Turon., id. — Du Cange, au mot species.
). Aug. Thierry, VI' Récit des temps mérovingiens.
4. Id., ibid. — Greg. Turon., Hist. Franc, VI.
 
Annotationen