NOTRE BIBLIOTHÈQUE.
léger. S'il a rarement été' chargé de la composition des principaux
sujets dans les grandes illustrations des ouvrages de son temps,
et si sa collaboration n'a guère été que le complément des tra-
vaux des Eisen, des Moreau, des Cochin et des Monnet, il faut
dire que le complément a singulièrement fait valoir et quelque-
fois fait pâlir l'œuvre principale. Du reste il a souvent interprété
ses grands collaborateurs avec un art, une fidélité et une richesse
de tons dont ils ont dû être fort satisfaits, et on peut répéter de
lui ce beau titre qui lui a été donné jadis de graveur-coloriste. »
Cela dit, l'auteur cite quelque contemporain de son artiste.
pour s'y rallier cette fois, cette chaleureuse appréciation que la
fille de Moreau, Mme Carie Vernet, a faite du talent de son père,
dans la notice placée en tète de l'œuvre que l'artiste avait formé
pour l'empereur de Russie, et qui fut cédé plus tard, en i8i8,au
cabinet des Estampes :
« Dans cette prodigieuse variété de sujets de tous les temps
et de tous les genres, ce qui étonnera toujours et ce qu'on ne
saurait trop admirer, c'est en même temps la fécondité et la
flexibilité du talent de Moreau ; c'est cette merveilleuse facilité à
concevoir une scène pittoresque et à la disposer d'une manière
Pour Chofiard, c'est intéressante et vraie
Ponce, dont on con-
naît les Mélanges sui-
tes Beaux-Arts. Pour
Eisen, à propos de
l'illustration de la
Henriade, il trans-
crira une lettre de
Voltaire, qui a bien
son prix, mais qu'il
faut se garder de
prendre... à la lettre,
car les compositions
d'Eisen pour ce poè-
me pseudo - épique
sont peut-être les plus
faibles de ce char-
mant artiste, maître
incomparable des su-
jets élégants et gra-
cieux, mais auquel
les allures héroïques
convenaient moins
que les badinages vo-
luptueux. « Je com-
mence à croire, mon-
sieur, lui écrit Vol-
taire le 14 août 1767,
que la Henriade pas-
sera à la postérité en
voyant les estampes
dont vous l'embellis-
sez. » Cette galanterie
de poète n'est pas le
jugement d'un criti-
que. Voltaire, très-
■111111
y
Ifepii
n
sJSlifesaiï.
dans l'espace le moins
étendu, et quelque-
fois , même le plus
souvent, rebelle par
ses dimensions. C'est
cette rare habileté à
saisir le caractère con-
venable, à prendre le
style propre à chaque
sujet, c'est cette jus-
tesse et cet aplomb
dans la composition ;
cette netteté dans les
plans, cette intelli-
gence dans les grou-
pes, cet esprit et cette
vérité dans la pose et
l'expression des figu-
res, qui font que l'on
voit réellement l'ac-
tion représentée ; c'est
enfin cette inépuisa-
ble variété et ce goût
exquis dans l'emploi
des accessoires, pro-
pres à indiquer la
condition des person-
nages, le temps et le
lieu de la scène. »
Tout cela est par-
fait, mais quel que
soit l'intérêt des no-
tices et des apprécia-
tions de l'auteur, de
ses recherches et des
plaisant d'ailleurs ,. documents qu'il a dé-
Co m position de Moreau le jeune,
quand il joue la mo- pour l'édition des Œuvres de Jean-Jacques Rousseau (1774). — Fac-similé de la gravure de N. Le Mire. pouillés, on ne serait
destie, n'avait pas pas fâché d'avoir sous
besoin d'Eisen pour passer à la postérité, et celle-ci s'inquiéterait
médiocrement d'Eisen s'il n'avait illustré que la Henriade. Aussi
M. le baron Roger Portalis a-t-il soin de relever dans ces illus-
trations les défaillances d'un talent peu fait pour l'épopée.
S'il s'agit de Moreau le jeune, l'auteur citera, pour la con-
tester, — car il invoque les jugements des contemporains avec
une entière liberté d'esprit, tantôt pour appuyer son propre ju-
gement, tantôt pour les combattre, — cette note de Renouard à
propos des pièces des Grâces (1768) : « Cette édition et ses ima-
ges sont un triste monument élevé aux Grâces, car un volume
portant ce titre devrait être tout chef-d'œuvre. 1 Ou bien, et
les yeux quelques échantillons du savoir-faire des artistes à la
glorification desquels il s'est laborieusement consacré.
Mais si l'on ne peut pas tout dire, on ne peut pas tout faire,
et surtout l'on ne peut pas tout avoir.
Tel qu'il est l'ouvrage de M. le baron Portalis est agréable,
intéressant. Publié avec luxe sur beau papier de Hollande, par
MM. Morgand et Fatout, imprimé avec goût par M. Georges
Chamerot qui en a fait un véritable chef-d'œuvre d'exécution
typographique, il a sa place marquée dans toutes les bibliothè-
ques d'amateurs.
T. Chasrki..
léger. S'il a rarement été' chargé de la composition des principaux
sujets dans les grandes illustrations des ouvrages de son temps,
et si sa collaboration n'a guère été que le complément des tra-
vaux des Eisen, des Moreau, des Cochin et des Monnet, il faut
dire que le complément a singulièrement fait valoir et quelque-
fois fait pâlir l'œuvre principale. Du reste il a souvent interprété
ses grands collaborateurs avec un art, une fidélité et une richesse
de tons dont ils ont dû être fort satisfaits, et on peut répéter de
lui ce beau titre qui lui a été donné jadis de graveur-coloriste. »
Cela dit, l'auteur cite quelque contemporain de son artiste.
pour s'y rallier cette fois, cette chaleureuse appréciation que la
fille de Moreau, Mme Carie Vernet, a faite du talent de son père,
dans la notice placée en tète de l'œuvre que l'artiste avait formé
pour l'empereur de Russie, et qui fut cédé plus tard, en i8i8,au
cabinet des Estampes :
« Dans cette prodigieuse variété de sujets de tous les temps
et de tous les genres, ce qui étonnera toujours et ce qu'on ne
saurait trop admirer, c'est en même temps la fécondité et la
flexibilité du talent de Moreau ; c'est cette merveilleuse facilité à
concevoir une scène pittoresque et à la disposer d'une manière
Pour Chofiard, c'est intéressante et vraie
Ponce, dont on con-
naît les Mélanges sui-
tes Beaux-Arts. Pour
Eisen, à propos de
l'illustration de la
Henriade, il trans-
crira une lettre de
Voltaire, qui a bien
son prix, mais qu'il
faut se garder de
prendre... à la lettre,
car les compositions
d'Eisen pour ce poè-
me pseudo - épique
sont peut-être les plus
faibles de ce char-
mant artiste, maître
incomparable des su-
jets élégants et gra-
cieux, mais auquel
les allures héroïques
convenaient moins
que les badinages vo-
luptueux. « Je com-
mence à croire, mon-
sieur, lui écrit Vol-
taire le 14 août 1767,
que la Henriade pas-
sera à la postérité en
voyant les estampes
dont vous l'embellis-
sez. » Cette galanterie
de poète n'est pas le
jugement d'un criti-
que. Voltaire, très-
■111111
y
Ifepii
n
sJSlifesaiï.
dans l'espace le moins
étendu, et quelque-
fois , même le plus
souvent, rebelle par
ses dimensions. C'est
cette rare habileté à
saisir le caractère con-
venable, à prendre le
style propre à chaque
sujet, c'est cette jus-
tesse et cet aplomb
dans la composition ;
cette netteté dans les
plans, cette intelli-
gence dans les grou-
pes, cet esprit et cette
vérité dans la pose et
l'expression des figu-
res, qui font que l'on
voit réellement l'ac-
tion représentée ; c'est
enfin cette inépuisa-
ble variété et ce goût
exquis dans l'emploi
des accessoires, pro-
pres à indiquer la
condition des person-
nages, le temps et le
lieu de la scène. »
Tout cela est par-
fait, mais quel que
soit l'intérêt des no-
tices et des apprécia-
tions de l'auteur, de
ses recherches et des
plaisant d'ailleurs ,. documents qu'il a dé-
Co m position de Moreau le jeune,
quand il joue la mo- pour l'édition des Œuvres de Jean-Jacques Rousseau (1774). — Fac-similé de la gravure de N. Le Mire. pouillés, on ne serait
destie, n'avait pas pas fâché d'avoir sous
besoin d'Eisen pour passer à la postérité, et celle-ci s'inquiéterait
médiocrement d'Eisen s'il n'avait illustré que la Henriade. Aussi
M. le baron Roger Portalis a-t-il soin de relever dans ces illus-
trations les défaillances d'un talent peu fait pour l'épopée.
S'il s'agit de Moreau le jeune, l'auteur citera, pour la con-
tester, — car il invoque les jugements des contemporains avec
une entière liberté d'esprit, tantôt pour appuyer son propre ju-
gement, tantôt pour les combattre, — cette note de Renouard à
propos des pièces des Grâces (1768) : « Cette édition et ses ima-
ges sont un triste monument élevé aux Grâces, car un volume
portant ce titre devrait être tout chef-d'œuvre. 1 Ou bien, et
les yeux quelques échantillons du savoir-faire des artistes à la
glorification desquels il s'est laborieusement consacré.
Mais si l'on ne peut pas tout dire, on ne peut pas tout faire,
et surtout l'on ne peut pas tout avoir.
Tel qu'il est l'ouvrage de M. le baron Portalis est agréable,
intéressant. Publié avec luxe sur beau papier de Hollande, par
MM. Morgand et Fatout, imprimé avec goût par M. Georges
Chamerot qui en a fait un véritable chef-d'œuvre d'exécution
typographique, il a sa place marquée dans toutes les bibliothè-
ques d'amateurs.
T. Chasrki..