L'ŒUVRE DE RUBENS EN BELGIQUE. 27*
ces raccourcis dont Rubens a le secret. On Voit la vie se retirer peu à peu, et l'on suit la trace
du vampire à travers des muscles atones, dans les yeux injectés, sous la peau qui se décolore.
Mais tout à coup la vie tressaille à l'approche du miracle. Les yeux caves s'illuminent, les corps
efflanqués se soulèvent, s'enlacent et se soutiennent dans un élan de foi désespéré. Cet appel à la
vie, tout en déterminant des attitudes hardies, nobles et pittoresques, qui contrastent avec
l'horreur de la situation, donne à cette scène un mouvement lyrique de la plus haute inspiration.
Comment, devant ce cri de l'âme, cet accent religieux si vibrant, si plastique à la fois, si
admirablement trouvé et si profondément humain, on puisse dénier à Rubens la sensibilité et
Étude de deux têtes d'enfants. (Musée du Louvre1.)
Réduction en fac-similé d'un dessin de Rubens par la photogravure directe de MM. Yves et Barret.
généralement les manifestations des actes de la conscience, c'est ce qui peut paraître invraisem-
blable. Et cependant on a pu lire clans un ouvrage qui fait autorité2 cette appréciation finale sur
l'œuvre du grand homme : « Qu'il n'a point de pensée, qu'il fatigue l'intelligence par l'étalage de
la matière, la prodigalité du faste et le tumulte des couleurs. » Et que n'est-il point dit de ses
créations féminines : « Nourries de la vapeur du sang dans l'atmosphère des boucheries.....
Natures lascives et hennissantes qui s'épuisent sans aimer et sans être aimées, car les femmes de
Rubens n'ont point d'âme ! » A ces allégations aventureuses il sera facile de répondre quand nous
aurons à parler du Saint Georges, de F Education de la Vierge et d'autres toiles intimes et
délicieuses, où le maître a laissé quelque chose de son âme.
Xavier de Reul.
(La suite prochainement.)
1. N° 562 du Louvre : « L'une vue de profil et tournée à gauche; la seconde de trois quarts et tournée à droite. — Aux crayons rouge,
noir et blanc sur papier gris. — Hauteur, o"',i89; largeur, om,2^.2. —Collection Mariette. »
2. La Vie des peintres, Rubens, par Th. Silvestre.
ces raccourcis dont Rubens a le secret. On Voit la vie se retirer peu à peu, et l'on suit la trace
du vampire à travers des muscles atones, dans les yeux injectés, sous la peau qui se décolore.
Mais tout à coup la vie tressaille à l'approche du miracle. Les yeux caves s'illuminent, les corps
efflanqués se soulèvent, s'enlacent et se soutiennent dans un élan de foi désespéré. Cet appel à la
vie, tout en déterminant des attitudes hardies, nobles et pittoresques, qui contrastent avec
l'horreur de la situation, donne à cette scène un mouvement lyrique de la plus haute inspiration.
Comment, devant ce cri de l'âme, cet accent religieux si vibrant, si plastique à la fois, si
admirablement trouvé et si profondément humain, on puisse dénier à Rubens la sensibilité et
Étude de deux têtes d'enfants. (Musée du Louvre1.)
Réduction en fac-similé d'un dessin de Rubens par la photogravure directe de MM. Yves et Barret.
généralement les manifestations des actes de la conscience, c'est ce qui peut paraître invraisem-
blable. Et cependant on a pu lire clans un ouvrage qui fait autorité2 cette appréciation finale sur
l'œuvre du grand homme : « Qu'il n'a point de pensée, qu'il fatigue l'intelligence par l'étalage de
la matière, la prodigalité du faste et le tumulte des couleurs. » Et que n'est-il point dit de ses
créations féminines : « Nourries de la vapeur du sang dans l'atmosphère des boucheries.....
Natures lascives et hennissantes qui s'épuisent sans aimer et sans être aimées, car les femmes de
Rubens n'ont point d'âme ! » A ces allégations aventureuses il sera facile de répondre quand nous
aurons à parler du Saint Georges, de F Education de la Vierge et d'autres toiles intimes et
délicieuses, où le maître a laissé quelque chose de son âme.
Xavier de Reul.
(La suite prochainement.)
1. N° 562 du Louvre : « L'une vue de profil et tournée à gauche; la seconde de trois quarts et tournée à droite. — Aux crayons rouge,
noir et blanc sur papier gris. — Hauteur, o"',i89; largeur, om,2^.2. —Collection Mariette. »
2. La Vie des peintres, Rubens, par Th. Silvestre.