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L'ART.
eaux-fortes de l'exposition ; quant à la Princesse Mary d'après Lely et à l'Avocat d'après Moroni,
cela est bien peu digne de M. Mongin. — De son côté, M. Adolphe Lalauze, qui a tant de
talent, n'eût jamais dû envoyer le faux, l'archi-faux Velazquez de la vente dite du duc de Berwick
et d'Albe, ni un non moins mauvais portrait d'après le Bronzino ; c'était gâter de parti pris le
franc succès de l'Éducation de l'Infant d'après Tiepolo 1 et du Retour du baptême d'après M. Gon-
zalez2. Les Cuirassiers d'après M. Détaille pèchent par un peu de papillotage. — M. Tancrède
Abraham continue d'une manière intéressante sa série pour Y Album d'Angers. — M. Charles
Storm van Gravesande est en progrès ; ses sept planches pour la Hollande, sa terre natale qu'il
a entrepris d'illustrer, respirent un joli sentiment de croquis. — M. Eugène Gaujean se déve-
loppe dans une fort bonne voie ; sa Chaste Suzanne d'après M. Henner a justement attiré l'atten-
tion des artistes et a été achetée par l'Art pour l'étude que notre revue consacrera au Musée du
Luxembourg. — Le Détail de la cour d'honneur du palais Marino, à Milan, a un premier tort
très-grave, celui de paraître exécuté d'après une photographie ; puis M. Conconi ne révèle aucune
individualité ; cela est fait à coups de pointe sèche les uns à côté des autres et comme mécani-
quement. — Nous nous sommes empressés de conquérir la très-charmante planche de M. Cham-
pollion d'après les Marocains jouant avec un vautour de Fortuny ; les abonnés de l'Art n'auront
qu'à s'en louer, car le'jeune graveur a marché à pas de géant. — M. Paul Le Rat est un
dessinateur sérieux, mais point un coloriste ; il sait beaucoup, mais ne tient pas tout ce qu'il
promet; son Importun d'après M. Vibert est bien, cela ne fait pas question, mais il s'en dégage
comme une certaine fatigue ; en somme, la réelle valeur de M. Le Rat crée le droit d'exiger
mieux de lui. Son portrait de M. de Janzé est dur ; il a aussi fait celui de M. Gatteaux, qui est
irréprochable. ■— M. Eugène Abot rend la sculpture avec un fini précieux qui rivalise avec le
burin. — J'ai déjà cité plus d'un artiste qui méritait mieux que maint élu de figurer parmi les
récompensés; M. Milius est certes de ceux qui y avaient les plus indiscutables droits; comme
preuve à l'appui , il me suffira de vous dire qu'il était représenté par le Fauconnier de
Fromentin et par ses excellentes planches pour l'Art d'après Goya3 et Lambert4, sans parler
d'une commande que notre revue lui a faite d'après l'œuvre capitale de Hockert qui est au Musée de
Lille. Il ne me reste qu'à signaler la Femme du Follet de M. Vollon, par M. Hanriot, une
bonne étude d'après nature de M. Léopold Desbrosses : Le Bois-aux-Roches, dont nos lecteurs
peuvent apprécier le mérite, et des planches intéressantes à divers titres par MM. Théodule
Ribot, Aug. Danse, Ch. Beauverie, Damman, Lenain, Edward, Montefiore, Martial Potémont
et Edmond Morin.
Les aquafortistes, on le voit, s'appellent légion ; mais, fort heureusement, ils ne représentent
pas que la quantité, le talent abonde chez eux ; il est tellement incontesté, tellement incontestable
que l'on s'attendait à juste titre à voir décorer cette année et M. Charles Waltner et M. Théophile
Chauvel ; c'est pourquoi ils ne l'ont pas plus été que l'an dernier. Cela horripilerait l'Institut,
prétend-on. C'est possible, mais qu'importe ? Si l'Institut a la religion du burin, il serait désirable
qu'il en fournît la preuve non par des phrases, mais par la production d'estampes dignes d'un passé qui
compte des Edelinck et des Nanteuil, pour ne citer que deux noms parmi tant de graveurs illustres.
Que si l'on doit juger de la force des burinistes par les Salons de ces dernières années, il n'y
a qu'à s'affliger profondément d'une décadence absolue contre laquelle protestent seuls deux
artistes supérieurs qui ont l'air d'anachronismes tant ils sont à l'état d'exceptions ; ai-je besoin
d'ajouter qu'il s'agit de M. Ferdinand Gaillard, dont j'ai déjà parlé5, et de M. Adrien Didier, qui
a mis le sceau à sa réputation par son superbe Portrait de J. P. Laurens". Chacun les a
nommés. — Après eux rien, absolument rien que le plus lamentable effondrement.
Quelle est la première pensée en effet, quelle est la seule que fasse naître la préparation à
1. Voir l'Art, 2" année, tome IV, page 2<;S.
2. Voir l'Art, 2* année, tome III, page 114.
3. Portrait de Goya, par lui-même. Voir l'Art, )" année, tome II, page
4. Voir l'Art, 2e année, tome II, page 156.
5. Voir l'Art, j° année, tome III, page 182.
6. Voir l'Art, j° année, tome II, page 222.
L'ART.
eaux-fortes de l'exposition ; quant à la Princesse Mary d'après Lely et à l'Avocat d'après Moroni,
cela est bien peu digne de M. Mongin. — De son côté, M. Adolphe Lalauze, qui a tant de
talent, n'eût jamais dû envoyer le faux, l'archi-faux Velazquez de la vente dite du duc de Berwick
et d'Albe, ni un non moins mauvais portrait d'après le Bronzino ; c'était gâter de parti pris le
franc succès de l'Éducation de l'Infant d'après Tiepolo 1 et du Retour du baptême d'après M. Gon-
zalez2. Les Cuirassiers d'après M. Détaille pèchent par un peu de papillotage. — M. Tancrède
Abraham continue d'une manière intéressante sa série pour Y Album d'Angers. — M. Charles
Storm van Gravesande est en progrès ; ses sept planches pour la Hollande, sa terre natale qu'il
a entrepris d'illustrer, respirent un joli sentiment de croquis. — M. Eugène Gaujean se déve-
loppe dans une fort bonne voie ; sa Chaste Suzanne d'après M. Henner a justement attiré l'atten-
tion des artistes et a été achetée par l'Art pour l'étude que notre revue consacrera au Musée du
Luxembourg. — Le Détail de la cour d'honneur du palais Marino, à Milan, a un premier tort
très-grave, celui de paraître exécuté d'après une photographie ; puis M. Conconi ne révèle aucune
individualité ; cela est fait à coups de pointe sèche les uns à côté des autres et comme mécani-
quement. — Nous nous sommes empressés de conquérir la très-charmante planche de M. Cham-
pollion d'après les Marocains jouant avec un vautour de Fortuny ; les abonnés de l'Art n'auront
qu'à s'en louer, car le'jeune graveur a marché à pas de géant. — M. Paul Le Rat est un
dessinateur sérieux, mais point un coloriste ; il sait beaucoup, mais ne tient pas tout ce qu'il
promet; son Importun d'après M. Vibert est bien, cela ne fait pas question, mais il s'en dégage
comme une certaine fatigue ; en somme, la réelle valeur de M. Le Rat crée le droit d'exiger
mieux de lui. Son portrait de M. de Janzé est dur ; il a aussi fait celui de M. Gatteaux, qui est
irréprochable. ■— M. Eugène Abot rend la sculpture avec un fini précieux qui rivalise avec le
burin. — J'ai déjà cité plus d'un artiste qui méritait mieux que maint élu de figurer parmi les
récompensés; M. Milius est certes de ceux qui y avaient les plus indiscutables droits; comme
preuve à l'appui , il me suffira de vous dire qu'il était représenté par le Fauconnier de
Fromentin et par ses excellentes planches pour l'Art d'après Goya3 et Lambert4, sans parler
d'une commande que notre revue lui a faite d'après l'œuvre capitale de Hockert qui est au Musée de
Lille. Il ne me reste qu'à signaler la Femme du Follet de M. Vollon, par M. Hanriot, une
bonne étude d'après nature de M. Léopold Desbrosses : Le Bois-aux-Roches, dont nos lecteurs
peuvent apprécier le mérite, et des planches intéressantes à divers titres par MM. Théodule
Ribot, Aug. Danse, Ch. Beauverie, Damman, Lenain, Edward, Montefiore, Martial Potémont
et Edmond Morin.
Les aquafortistes, on le voit, s'appellent légion ; mais, fort heureusement, ils ne représentent
pas que la quantité, le talent abonde chez eux ; il est tellement incontesté, tellement incontestable
que l'on s'attendait à juste titre à voir décorer cette année et M. Charles Waltner et M. Théophile
Chauvel ; c'est pourquoi ils ne l'ont pas plus été que l'an dernier. Cela horripilerait l'Institut,
prétend-on. C'est possible, mais qu'importe ? Si l'Institut a la religion du burin, il serait désirable
qu'il en fournît la preuve non par des phrases, mais par la production d'estampes dignes d'un passé qui
compte des Edelinck et des Nanteuil, pour ne citer que deux noms parmi tant de graveurs illustres.
Que si l'on doit juger de la force des burinistes par les Salons de ces dernières années, il n'y
a qu'à s'affliger profondément d'une décadence absolue contre laquelle protestent seuls deux
artistes supérieurs qui ont l'air d'anachronismes tant ils sont à l'état d'exceptions ; ai-je besoin
d'ajouter qu'il s'agit de M. Ferdinand Gaillard, dont j'ai déjà parlé5, et de M. Adrien Didier, qui
a mis le sceau à sa réputation par son superbe Portrait de J. P. Laurens". Chacun les a
nommés. — Après eux rien, absolument rien que le plus lamentable effondrement.
Quelle est la première pensée en effet, quelle est la seule que fasse naître la préparation à
1. Voir l'Art, 2" année, tome IV, page 2<;S.
2. Voir l'Art, 2* année, tome III, page 114.
3. Portrait de Goya, par lui-même. Voir l'Art, )" année, tome II, page
4. Voir l'Art, 2e année, tome II, page 156.
5. Voir l'Art, j° année, tome III, page 182.
6. Voir l'Art, j° année, tome II, page 222.