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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 3)

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Bonnaffé, Edmond: Le commerce des objets d'art et les ventes publiques, [5]
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https://doi.org/10.11588/diglit.16906#0361

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314 L'ART.

Comme au moyen âge, les foires sont le principal marché de la curiosité. Pendant quelques
jours, les marchands, courtiers, revendeurs, porte-balles et colporteurs du monde entier pourront
dresser leur étalage et vendre ce qu'il leur plaît, sans craindre les tracasseries des communautés
officielles, très-chatouilleuses en temps ordinaire quand on empiète sur leurs prérogatives.
Celles-ci, de leur côté, choisissent ce moment pour mettre en montre ce qu'elles ont de plus
rare et de plus précieux, laissant en magasin la marchandise courante. Ainsi la curiosité fait sa
place de jour en jour et tend à se constituer; on petit déjà pressentir le moment où elle deviendra
une spécialité.

L'éloge de la foire de Francfort, par H. Estienne1, donne une assez juste idée de ces
solennités industrielles où l'élément artistique occupe une place importante :

« Ce qui rend cette foire particulièrement célèbre, ce sont les objets fabriques en or, en argent, en bronze, en fer et autres
me'taux; ce sont les vases d'or et d'argent si artistement ciselés que l'art surpasse la matière, mieux encore, que l'artiste a triomphé

de l'art..... La foire de Francfort 'offre des merveilles plus grandes que celles de l'antiquité. Le bronze, le fer surtout, reçoivent ici les

honneurs de l'art ; les ouvrages de fer sont illustrés de sculptures dont, partout ailleurs, l'or même serait glorieux..... S'il faut en

venir aux plus subtiles délicatesses de l'art, n'en verra-t-on pas qui éclipsent ces merveilles si prônées des vieux écrivains, ce petit
quadrige en ivoire que couvraient les ailes d'une mouche, ce navire minuscule que celles d'une abeille suffisaient à cacher? Bien
mieux, cette émulation qui autrefois existait en Grèce entre l'art du sculpteur et la peinture, ne les retrouvons-nous pas ici môme?
En effet, on peut voir nombre de tableaux venant soit de la basse Allemagne, soit d'ailleurs, dont plusieurs sont tellement remar-
quables que, si on les rapproche des morceaux de sculpture exposés à côté d'eux, on croira volontiers à un concours entre les
Apelles, les Protogène, les Zeuxis d'une part, et de l'autre les Phidias, les Praxitèle, les Scopas. Enfin, pour qu'il ne soit pas dit que
cette foire laisse rien à désirer en matière d'œuvre d'art, la peinture encaustique y expose aussi ses plus beaux produits. L'art du
potier y envoie des vases merveilleux... Sans parler des vases de terre qui sont ornés de peinture, il y en a dont la matière se
dissimule sous des couleurs si variées, si éclatantes, qu'ils paraissent lutter de beauté avec les vases d'argent. »

Notre voyageur fait l'éloge de la courtoisie et de la bonne foi des marchands ; « tous
observent une règle qui n'est guère suivie clans notre France ni ailleurs, à savoir s'afficher leur
marchandise à un prix fort peu supérieur à celui qu'ils désirent la vendre, en se ménageant un
léger bénéfice ». Il termine son panégyrique en parlant de la quantité de beaux livres que l'on
trouve à bon compte chez les libraires.

Nos foires parisiennes et provinciales, Saint-Germain2, Le Lendit, La Guibray, Lyon, Beau-
caire, ne sont pas moins brillantes. La belle disposition des étalages, les théâtres en plein vent,
les académies de jeux, le spectacle toujours nouveau des modes françaises leur donnent une
physionomie particulière ; quelques-unes durent toute la nuit, on y fait grande dépense et parfois
grand tapage. Ce sont des expositions universelles au petit pied, avec l'animation d'une ville
d'eau et le mouvement commercial d'un bazar.

Dans ces marchés cosmopolites l'Italien apporte les antiques, les faïences, les médailles, les
livres, les étoffes ; — le Flamand les tapisseries historiées ; — l'Allemand la ferronnerie et les
estampes; — le Milanais les armes; — le Vénitien les produits si personnels de ses fabriques
semi-orientales. Chez le Levantin on trouve les tapis précieux, les « poteries en terre sigelée de
Turquie », et les porcelaines de la Chine, dont les premiers échantillons figurent au « Cabinet
des Curiositez » de François Ier 3. L'Espagnol met en montre les derniers arrivages de 1 Amérique,
les « noix des Indes », montées en argent, les coquilles singulières, les armes et les costumes de
sauvages, si recherchés par les collectionneurs d'autrefois. Mais voulez-vous la curiosité à bon
marché? Il y en a pour toutes les bourses. Voici les reproductions des grands maîtres, les
«histoires de Notre-Dame», imprimées en fac-similé, d'après les originaux d'Albert Durer4, les
surmoulages en terre cuite, « lesquels on porte à vendre par les foyres et marchés, pour deux
liards chascun », dit Palissy, qui déplore ce « mespris en la sculpture à cause de la moulerie».
Voici les boutiques des Limousins et le grand déballage des émaux, « esguières, salières, et

toutes autres espèces de vaisseaux et autres histoires..... boutons d'esmail (qui est une invention

tant gentille), à un sol la douzaine..... enseignes que l'on porte aux bonnets, à trois sols la

1. La Foire de Francfort. Paris, Liseux, 1875.

2. Rétablie par Louis XI sur un terrain dépendant de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés.
). Collectionneurs de l'ancienne France, p. 1} et 60.

4. Palissy, Art de terre, ed. Cap, p. jo8.
 
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