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Cartault, A.: L' oeuvre de Rubens au Louvre: la galerie Médicis
DOI Page / Citation link:https://doi.org/10.11588/diglit.16906#0367
3i8 L'ART.
famille des Médicis, un magnifique souper pour lequel les viandes avaient été apprêtées sous la
forme d'animaux rares, tels que l'éléphant. Des oliviers chargés de fruits, d'autres plantes imitées
d'après nature ornaient la table... Après le premier service, la table se sépara en deux; une
partie s'en alla à droite, l'autre à gauche, et à l'instant se dressa une nouvelle table chargée de
fruits, de dragées et de confitures... »
Il y a ainsi quatre changements à vue.
« A la fin du dessert, deux nuées s'enlevèrent au plafond de la salle; on entendit de là une
jeune Florentine faisant le personnage de Diane, et un eunuque, qui chantèrent alternativement
des couplets en l'honneur du roi de France et de la reine... Au milieu des chasses, des joutes et
des courses de bagues des jours suivants, et des représentations féeriques et mythologiques ~du
soir, le 13 octobre, parut, au milieu de la salle des fêtes, une montagne au sommet de laquelle
était assise la Renommée ; auprès d'elle un orateur déclama les louanges du grand-duc; de
chaque côté, huit personnages représentaient, avec leurs armes, ses principales villes sujettes. Peu
à peu, la montagne disparut, la Renommée s'envola au ciel pendant que les seize représentations
de villes venaient s'incliner devant la reine, et que du sommet de la montagne, en train de
s'évanouir, naissait et grandissait un lis au-dessus duquel se balançait une couronne d'or, comme
x pour annoncer la naissance du futur héritier de la couronne de France. »
Quant aux magnificences du grand-duc de Toscane à propos du mariage de sa nièce, le
passage suivant en donnera une idée :
« Le grand-duc 'avait déployé un luxe incomparable pour la décoration de la galère qui
devait porter la reine de France. Longue de 70 pas, elle était entièrement dorée au-dessus de la
ligne de flottaison, et comptait 27 rames sur chaque bord; la poupe était faite d'une marqueterie
précieuse de bois des Indes, de citronnier et d'ébène, de nacre, d'ivoire et de pierres bleues. Au
dedans, en face du siège de la reine, étaient élevées les armes de France en fleurs de lis de
diamant, et à côté, celles du grand-duc... On estimait ces armes à soixante-dix mille écus; deux
croix de rubis et de diamant séparaient les deux blasons ; les vitres de la galerie du navire
étaient en cristal; les rideaux, de drap d'or à franges; les chambres étaient tapissées de même...
La reine ne prit terre qu'à Toulon avant de débarquer définitivement à Marseille. Quatre consuls
de la ville, habillés de leurs robes d'écarlate rouge, accueillirent la reine à sa descente de la
galère et lui offrirent à genoux deux clefs d'or de la ville. »
, On le voit, sauf les quatre consuls, remplacés par la France et la ville de Marseille, Rubens
n'a rien exagéré. Neptune et les Néréides sont à peine de trop clans ce débarquement, et Rubens,
en les supprimant, aurait manqué à toutes les convenances de l'époque; une reine ne pouvait
aborder décemment sans l'aide bienveillante des Tritons.
Il eût également rompu avec les habitudes flamandes. Alors, en effet, les princes ne faisaient
guère leur entrée solennelle dans une ville sans un cortège mythologique. L'arc de la Monnaie,
érigé à l'occasion de l'arrivée triomphale de Ferdinand d'Autriche à Anvers, en 163), et dont le
musée conserve les esquisses de la main de Rubens, n'offre pas moins de deux fleuves appuyés
sur des urnes, une nymphe tenant une corne d'abondance, Jason qui terrasse le dragon, et une
femme qui cueille des pommes d'or. Le char porte des figures allégoriques : Virtus, Fortuna, etc.
il est orné d'un triton soufflant clans une conque, d'un enfant à cheval sur un dauphin ; c'est ce
char reconstruit en 1840 qui a figuré à l'inauguration de la statue du maître, et qui est devenu
depuis la propriété de la ville d'Anvers.
L'Olympe grec est donc à sa place dans la galerie de Médicis; mais qu'est-il devenu sous le
pinceau de Rubens ? Ce ne sont plus les dieux puissants d'Homère, qui faisaient d'un signe de
tête trembler l'univers, ce sont des comparses destinés à orner les fêtes publiques. Ils ont perdu
dans ce dernier emploi ce qui leur restait encore de majesté et de grandeur. Dans la scène du
portrait Junon, mollement appuyée sur Jupiter, n'est plus la sévère déesse qui préside aux
chastes unions. A demi vêtue d'une robe de soie grise, à reflets roses, elle regarde cette négocia-
tion matrimoniale et a l'air de s'en amuser. Dans la Naissance de Louis XIII, la Justice
remet le jeune dauphin au génie de la fécondité.- Mais comme il n'est pas commode de
famille des Médicis, un magnifique souper pour lequel les viandes avaient été apprêtées sous la
forme d'animaux rares, tels que l'éléphant. Des oliviers chargés de fruits, d'autres plantes imitées
d'après nature ornaient la table... Après le premier service, la table se sépara en deux; une
partie s'en alla à droite, l'autre à gauche, et à l'instant se dressa une nouvelle table chargée de
fruits, de dragées et de confitures... »
Il y a ainsi quatre changements à vue.
« A la fin du dessert, deux nuées s'enlevèrent au plafond de la salle; on entendit de là une
jeune Florentine faisant le personnage de Diane, et un eunuque, qui chantèrent alternativement
des couplets en l'honneur du roi de France et de la reine... Au milieu des chasses, des joutes et
des courses de bagues des jours suivants, et des représentations féeriques et mythologiques ~du
soir, le 13 octobre, parut, au milieu de la salle des fêtes, une montagne au sommet de laquelle
était assise la Renommée ; auprès d'elle un orateur déclama les louanges du grand-duc; de
chaque côté, huit personnages représentaient, avec leurs armes, ses principales villes sujettes. Peu
à peu, la montagne disparut, la Renommée s'envola au ciel pendant que les seize représentations
de villes venaient s'incliner devant la reine, et que du sommet de la montagne, en train de
s'évanouir, naissait et grandissait un lis au-dessus duquel se balançait une couronne d'or, comme
x pour annoncer la naissance du futur héritier de la couronne de France. »
Quant aux magnificences du grand-duc de Toscane à propos du mariage de sa nièce, le
passage suivant en donnera une idée :
« Le grand-duc 'avait déployé un luxe incomparable pour la décoration de la galère qui
devait porter la reine de France. Longue de 70 pas, elle était entièrement dorée au-dessus de la
ligne de flottaison, et comptait 27 rames sur chaque bord; la poupe était faite d'une marqueterie
précieuse de bois des Indes, de citronnier et d'ébène, de nacre, d'ivoire et de pierres bleues. Au
dedans, en face du siège de la reine, étaient élevées les armes de France en fleurs de lis de
diamant, et à côté, celles du grand-duc... On estimait ces armes à soixante-dix mille écus; deux
croix de rubis et de diamant séparaient les deux blasons ; les vitres de la galerie du navire
étaient en cristal; les rideaux, de drap d'or à franges; les chambres étaient tapissées de même...
La reine ne prit terre qu'à Toulon avant de débarquer définitivement à Marseille. Quatre consuls
de la ville, habillés de leurs robes d'écarlate rouge, accueillirent la reine à sa descente de la
galère et lui offrirent à genoux deux clefs d'or de la ville. »
, On le voit, sauf les quatre consuls, remplacés par la France et la ville de Marseille, Rubens
n'a rien exagéré. Neptune et les Néréides sont à peine de trop clans ce débarquement, et Rubens,
en les supprimant, aurait manqué à toutes les convenances de l'époque; une reine ne pouvait
aborder décemment sans l'aide bienveillante des Tritons.
Il eût également rompu avec les habitudes flamandes. Alors, en effet, les princes ne faisaient
guère leur entrée solennelle dans une ville sans un cortège mythologique. L'arc de la Monnaie,
érigé à l'occasion de l'arrivée triomphale de Ferdinand d'Autriche à Anvers, en 163), et dont le
musée conserve les esquisses de la main de Rubens, n'offre pas moins de deux fleuves appuyés
sur des urnes, une nymphe tenant une corne d'abondance, Jason qui terrasse le dragon, et une
femme qui cueille des pommes d'or. Le char porte des figures allégoriques : Virtus, Fortuna, etc.
il est orné d'un triton soufflant clans une conque, d'un enfant à cheval sur un dauphin ; c'est ce
char reconstruit en 1840 qui a figuré à l'inauguration de la statue du maître, et qui est devenu
depuis la propriété de la ville d'Anvers.
L'Olympe grec est donc à sa place dans la galerie de Médicis; mais qu'est-il devenu sous le
pinceau de Rubens ? Ce ne sont plus les dieux puissants d'Homère, qui faisaient d'un signe de
tête trembler l'univers, ce sont des comparses destinés à orner les fêtes publiques. Ils ont perdu
dans ce dernier emploi ce qui leur restait encore de majesté et de grandeur. Dans la scène du
portrait Junon, mollement appuyée sur Jupiter, n'est plus la sévère déesse qui préside aux
chastes unions. A demi vêtue d'une robe de soie grise, à reflets roses, elle regarde cette négocia-
tion matrimoniale et a l'air de s'en amuser. Dans la Naissance de Louis XIII, la Justice
remet le jeune dauphin au génie de la fécondité.- Mais comme il n'est pas commode de