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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 3.1877 (Teil 3)

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Guiffrey, Jules: Lettres inédites d'Eugène Delacroix
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https://doi.org/10.11588/diglit.16906#0381

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332

L'ART.

Pour ne pas nous oublier entièrement, nous écrirons, je pense,
re'gulièrement. L'endroit n'est pas très-loin, et nos ports de
lettres nous coûteront moins que d'ici à Angoulème.

« J'ai été ce matin chez M. Guérin lui faire mes adieux. J'y
ai admiré les beaux tableaux qu'il exposera aux curieux le Salon
prochain. J'ai du regret de ne pouvoir cette année étudier chez
lui, mais,. quand je ne serai plus à ce Lycée, je veux y passer
quelque temps, pour avoir au moins un petit talent d'amateur.

« Je m'apperçois de la longueur énorme de ma lettre.
Jamais, je crois, je n'en ai écrit d'aussi volumineuse, et quand
je t'entretiendrais pendant une heure de mille autres sottises
qui ne t'intéressent guère, je n'en serais pas moins affligé de te
quitter ni plus attaché à ta personne.

« Sois assuré, mon cher ami, du sincère attachement que je
te voue pour la vie.

« Eugène Delacroix. »

« P. S. Tu ne trouveras pas mauvais sans doute que je fasse
lire cette lettre à Guillemardet, qui a dîné aujourd'hui avec moi.
et que je regarde déjà comme ton futur ami. Adresse-moi tes
lettres : A Vallemont, Seine-Inférieure.

« A propos, pour que tes lettres me parviennent franc de
port, tu n'auras qu'à les mettre chez nous. Un monsieur se
charge de me les faire tenir. »

Au dos : « A Monsieur, — Monsieur Jules Allard, — Rue
Saint-Jacques, n° 297. — A Paris. »

Ai.as! poor Yorick!
Fac-similé d'un croquis d'Eugène Delacroix; première pensée de son Hatnlet*

La lettre, n'ayant pas de timbre de la poste, a été portée, et
le destinataire a écrit au coin de l'adresse : « 5 Auguste 1813 ».
Le commencement de la lettre de Delacroix nous a déjà montré
que son ami, en souvenir de Voltaire, était intraitable pour
proscrire le mois d'août et ne se servait que de la forme latine.
On remarquera la préoccupation du prix des ports de lettres ;
elle ne surprendra que ceux qui sont jeunes; il n'y a pas encore
très-longtemps que les lettres simples venant de Marseille coû-
taient vingt-huit sous de port ; on n'écrivait alors que dans les
cas de nécessité ou de grande intimité. Maintenant il est d'usage
constant, et l'usage est excellent, que celui qui écrit une lettre
l'affranchisse toujours; alors l'affranchissement était l'exception,
c'était même une impolitesse que d'affranchir, et comme la
dépense était lourde, surtout quand la lettre venait de l'étranger,

on attendait une occasion pour en charger une tierce personne.

De 1813, nous sautons brusquement à l'année 1829. Pas
plus que la précédente la lettre suivante ne porte d'affranchis-
sement. Elle est adressée à un estimable artiste mort à la fin
de l'année 1875, et dont les remarquables copies d'après les
maîtres sont bien connues des amateurs.

Tandis que Delacroix travaillait dans l'atelier de Guérin,
Alexandre Colin fréquentait celui de Girodet. C'est à cette épo-
que, dès leurs débuts, qu'ils s'étaient rencontrés ; ils avaient
même, comme on le verra plus loin, entrepris de concert un
voyage en Angleterre, alors que tous deux étaient jeunes,
pleins d'ardeur et de vaillance. De là une intimité que diverses
circonstances purent ralentir; mais que la moindre occasion
 
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