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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 3)

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Brès, Louis: Exposition de la Société des Amis des Arts de Marseille
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https://doi.org/10.11588/diglit.18609#0027

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EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ DES AMIS DES ARTS DE MARSEILLE

La Société des Amis des Arts de Marseille vient d'ouvrir au
Cercle artistique une exposition de peinture et de sculpture à
laquelle ont été conviés uniquement les artistes nés dans le dé-
partement des Bouches-du-Rhône ou y résidant, ainsi que tous
les anciens élèves de l'École des beaux-arts de Marseille. C'est
avant tout, on le voit, une œuvre locale d'émulation. Pour
atteindre ce but, la Société des Amis des Arts a fondé, avec le
concours du conseil général du département, un certain nombre
de prix (un prix d'honneur de 1,000 francs, des prix de 500 et
250 francs) à attribuer aux ouvrages les plus remarquables de
l'exposition.

Bien que la tentative n'ait donné que des résultats incom-
plets, les artistes ayant été pris un peu à l'improviste, l'idée me
paraît de nature à porter des fruits, et je crois que l'année pro-
chaine cette exposition locale sera beaucoup plus brillante.

Je ne laisserai donc pas passer cette première exposition
départementale sans en entretenir les lecteurs de l'Art. Je leur
ai fait connaître déjà la grande salle d'expositions et de concerts,
inaugurée, cette fois, comme salle d'exposition. Une galerie
assez large court à mi-hauteur des murs tout autour de la salle;
elle a été reliée à la scène par un double escalier; et cette der-
nière, rattachée elle-même à la partie inférieure de la salle. En
bas, sont les dessins et aquarelles ; sur la scène, parmi les notes
vertes des arbustes, les ouvrages de sculpture; à la galerie, sur
une double rangée, les peintures. La salle a pris ainsi une
physionomie toute nouvelle qui ne manque pas d'agrément.

L'exposition compte un peu plus de deux cents ouvrages :
deux ou trois grandes toiles, un certain nombre de tableaux de
genre, quelques têtes d'étude, des portraits, pas mal de paysages
et de marines, beaucoup de natures mortes. Les dessins et
aquarelles ne sont pas nombreux. La sculpture est représentée
par des bustes et des médaillons, par quelques morceaux d'orne-
ments et enfin par cinq ou six maquettes du monument à élever
à M. Thiers.

Les peintures les plus remarquées de cette exposition sont
celles de M. Torrents et surtout son Chaudronnier, une œuvre
d'une exécution vigoureuse, d'une belle couleur et d'une grande
vérité. M. Torrents est cet artiste qui obtenait en 1875 une
médaille au Salon avec un tableau intitulé le Mort, où s'affirmait
un tempérament plein de sincérité et de vigueur. M. Torrents
avait depuis lors quitté la France. Il nous revient, cette année,
prêt à de nouveaux travaux dont les tableaux exposés au Cercle
artistique ne sont que le prélude. Son Chaudronnier obtient
néanmoins un très grand succès. Le bonhomme, courbé sur son
chaudron qu'il martèle d'un geste automatique, est d'une absolue
vérité. C'est l'animal humain plié dès l'enfance à l'accomplisse-
ment d'une œuvre servile. Ce que l'on voit de ce profil perdu
dit l'obscurité de cette intelligence ; ce torse nu, aux muscles
noueux et endurcis, dit la robuste vitalité de l'être physique.
La réalité des accessoires, du tablier de cuir, du chaudron, de
quelques cruches de cuivre ajoute à l'illusion. Notez qu'une
facture énergique, une couleur puissante et harmonieuse
donnent à ce tableau de dimensions modestes un grand intérêt
artistique.

Nous avons en outre de M. Torrents un Intérieur de forge,
remarquable également par sa vigueur, un Juif et une étude
de Ghana. C'est à cet artiste que le jury a décerné le prix
d'honneur.

M. Rave, professeur à l'Ecole des beaux-arts de Marseille,
a exposé un Ecce homo, peinture dans le goût ancien dont le
caractère de grandeur farouche ne me déplaît point. Quatre
petits panneaux décoratifs, dont le sujet est emprunté aux
Fables de La Fontaine, nous montrent ce qu'il y a d'ingéniosité

dans l'esprit de cet artiste, d'alerte et d'incisif dans son dessin.
Ces petits panneaux aux tons clairs feront merveille dans une
décoration bleu et or. En attendant, ils obtiennent un légitime
succès auprès des visiteurs de l'exposition.

Il existait naguère non loin de Marseille, au bord de la
mer, une pittoresque colonie espagnole, le village des Catalans
découvert, on s'en souvient sans doute, par Alexandre Dumas,
alors qu'il écrivait Monte-Christo. M. Moutte en a retrouvé les
vestiges au milieu de constructions plus récentes. Il y a là un
petit coin d'arceaux croulants habité par quelques pêcheurs en
bonnet rouge et en sabots, que le peintre nous a représentés
sur le seuil de leur demeure. Il l'a fait avec sa sincérité et son
éclat habituels, en donnant, il est vrai, un peu trop d'importance
aux fonds. C'est le tableau intitulé Pêcheurs catalans des en-
virons de Marseille, un des bons tableaux de l'exposition.
M. Moutte nous montre en même temps un portrait d'homme
d'une coloration riche et vraie, dont les chairs se modèlent avec
fermeté et s'éclairent de reflets très justes, pendant que les notes
mordorées de la barbe forment avec les bruns chauds des fonds
et des vêtements une belle harmonie. Il y a en M. Moutte le
tempérament d'un portraitiste. Je ne serais pas surpris qu'il se
fît un jour une belle place dans cette voie. En attendant, il a
exposé au Salon un tableau qui, je le crois, a été remarqué, la
Pêche à l'épervier, et le jury lui a décerné ici pour son expo-
sition locale un prix de 500 francs.

Voici un ancien pensionnaire de la ville de Marseille dont
les efforts méritent d'être signalés. C'est M. Duffaud. Il expose
une composition représentant la dernière scène du cinquième
acte de la Favorite. Il y a là peu d'invention sans doute, mais
des figures d'une facture honnête, d'un dessin serré, d'une
couleur claire ; n'était la tonalité louche des fonds le tableau ne
manquerait pas d'effet.

La composition et l'effet pittoresque sont autrement
entendus par M. François Reynaud, qui expose l'esquisse d'un
tableau qui lui a valu, je crois, une médaille au Salon, il y a
quelques années. Cette esquisse, d'assez vastes proportions
d'ailleurs, où se mêlent, dans un fouillis de notes gaies, de
spirituelles figures de lazzaroni, de moines, de marchandes de
macaroni, de ménagères, de gamins, au milieu desquelles se
détache, comme la dominante de cette joyeuse coloration, une
élégante figure de femme encapuchonnée de bleu, un amour de
petit chien sur le bras et sur la tête une' ombrelle rose, repré-
sente le Marché de Naples. Il y a là de délicieux coins baignés
d'ombre rosâtre et tout un fond lumineux sur lequel les figures
des premiers plans prennent une étonnante vigueur. Charmante
esquisse enlevée de verve, qui nous dit bien ce qu'il y a d'ingé-
nieux dans l'esprit du peintre, de rare et de primesautier dans
sa couleur.

M. Mirallès Darmanin est un Espagnol qui a habité quel-
que temps Marseille. Ses petites toiles se ressentent du faire
précieux de certains de ses compatriotes. La plus intéressante
de celles qu'il expose ici est un Moine quêteur juché sur son
âne. L'homme et la bête sont finement traités : les têtes surtout
sont charmantes et l'on ne sait à laquelle des deux donner la
préférence.

Le petit intérieur parisien que M. Brun nous envoie soue ce
titre Distraction est d'un effet bien entendu et d'une exécution
large et juste. C'est un souvenir de Marseille que le Juron
formidable du même artiste, une tète de matelot dont l'énergie
répond au titre du tableautin.

La Mauresque et la Rêverie de M. Gallian, malgré quelques
défaillances dans le dessin, arrêtent le regard par leur aimable
coloris.
 
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