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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 3)

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Leroi, Paul: Le Grand Prix de Rome: peinture et sculpture
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LE GRAND PRIX DE ROME

PEINTURE ET SCULPTURE

i ces concours s'étaient maintenus cette année
dans la moyenne incolore du concours de Sculp-
ture, nous nous serions bornés à une simple
mention.

La statuaire, en effet, n'a point tenu la corde
dans cette lutte où on était habitué à la voir si triomphante
depuis bien des années.

M. Émile-Édouard Peynot, né le 22 novembre 1850, à
Villeneuve-sur-Yonne, a obtenu le Grand Prix de Rome. C'est
un ancien logiste, élève de M. Jouffroy ; il a honorablement,
très honorablement, exécuté le sujet de concours : l'Enfant pro-
digue gardant les pourceaux, mais d'originalité, pas trace. Il y
en a davantage dans l'œuvre de M. Jules Roullaux, à qui le jury
a décerné le Premier Second Grand Prix. Né en 1855, le 16 oc-
tobre, à Libourne, cet élève de M. Cavelier paraît avoir un peu
de feu sacré, s'il n'a pas encore toute la science du premier lau-
réat. Quant au Deuxième Second Grand Prix,x'est M. Emmanuel
Hannaux qui l'a remporté ; il est né à Metz, le 31 janvier 1855,
est élève de M. Dumont et a du métier, rien de plus jusqu'ici.

La section de peinture a donné de beaucoup plus intéres-
sants résultats.

Le Grand Prix a été conquis par un élève de MM. Lefebvre
et Boulanger, M. Joseph Doucet.

Le Premier Second Grand Prix a été remporté par M. Geor-
ges Truffaut, élève de MM. Lehmann et Bouguereau, et c'est à
un élève de M. Alexandre Cabanel, M. Lionel Royer, qu'a été
dévolu le Deuxième Second Grand Prix.

Le sujet était : Ulysse, à son retour à Ithaque, est reconnu
par Télémaqne. Ce sujet, par son côté profondément humain,
valait infiniment mieux que les nombreuses charades artistiques
mises précédemment au concours par l'Institut, à qui ce choix
intelligent a porté bonheur. Ses arrêts ont été ratifiés sans dis-
cussion par le public.

Nous espérions pouvoir publier des croquis dus aux auteurs
de chacune des trois œuvres couronnées, mais M. Doucet, ap-
pelé subitement en province, nous a écrit ses regrets de se trou-
ver empêché de tenir sa promesse.-

Notre éminent confrère, M. Ad. Le Reboullet, à qui l'on a
été si heureux de voir rendre justice le 14 juillet, — sa nomina-
tion dans l'ordre de la Légion d'honneur était depuis longtemps
indiquée, — M. Le Reboullet, dont les très remarquables Chro-
niques du Temps sont parfois consacrées aux Beaux-Arts s'y
est occupé le 21 juillet de M. Doucet, en des termes que nous
tenons à reproduire :

« M. Joseph Doucet, qui vient d'obtenir le prix de Rome
avec un fort bon tableau, un peu sec, mais tout à fait remar-
quable, a donné, en même temps, un bon exemple de persévé-
rance et de décision à ceux qui viendront après lui. L'an dernier,
M. Doucet avait, un moment, obtenu le prix de Rome. Son nom
était proclamé ; tous les journaux avaient donné la nouvelle
lorsque tout à coup, brusquement, on apprit qu'il y avait erreur
dans le total des suffrages. Le premier arrêt fut cassé. M. Doucet
n'était point le lauréat. C'était un autre. Le malheureux peintre
retombait du haut de son piédestal et, au lieu de partir pour la
Villa Médicis, il était condamné à retournera l'École ou à renon-
cer à ce rêve qu'il avait si longtemps caressé : le prix de Rome !

« D'autres se seraient découragés ou, aveuglés par cet éclair
de succès, se seraient affranchis du joug et jetés librement dans
la mêlée. M. Doucet, qui avait eu déjà des succès au Salon, se
remit bravement à son métier d'écolier et rentra en loge, après
un an de travail nouveau. On lui dicta son thème pictural : on
lui demanda des Grecs, un Ulysse, de la science, il les exécuta
de son mieux et, pour la seconde fois, en quelque sorte, il fut
couronné, mais pour tout de bon.

« On ne se figure point ce qu'il faut d'efforts sur soi-même
aujourd'hui pour résister à la tentation du succès facile et à l'ap-
pât de la vente immédiate. M. Doucet, qui est un des bons élèves
d'un maître excellent, M. Jules Lefebvre, pouvait fort bien viser
au petit hôtel des peintres de l'avenue de Villiers. Il a préféré
gravir, une à une, les marches de la Villa Médicis. On avait vu
de lui de remarquables portraits au Salon, entre autres un por-
trait de la fille de son maître, M"0 Lefebvre, en costume moyen
âge. Les commandes allaient abonder. M. Doucet préférait le
concours, — toujours fiévreux et quelquefois si décevant, — le
labeur patient, et au rebours des peintres d'aujourd'hui, pour la
plupart assoiffés de réclames, il faisait dire par ceux qui l'ai-
maient :

« — Surtout, qu'on ne parle point de moi ! Je ne suis qu'un
« élève et j'ai mes éperons à gagner ! »

« Le cas est assez rare pour qu'on signale cette modestie et
cet amour du silence. Bref, M. Doucet est arrivé très jeune en-
core.à son but. Il a beaucoup travaillé. Il va partir pour l'Italie ;
il fera et fait honneur à l'atelier de Jules Lefebvre. »

Le mérite, le sérieux savoir de M. Doucet sont indiscutables.
Nous lui voudrions un peu de cette naïveté qui s'épanouit en sa
fleur dans l'œuvre de M. Georges Truffaut. Il n'a que vingt-
trois ans, ce jeune vainqueur, et il a eu l'heureuse, la très heu-
reuse inspiration de s'affranchir pour son concours de tout ba-
gage académique. Puisse-t-il continuer ainsi !

Sa toile est vierge de toute apparition de Minerve ; le sen-
timent paternel et l'amour filial qui sont de tous les temps l'ont
seul préoccupé. Le ciel en soit loué !

Il nous comblerait de joie s'il tournait aussi lestement le dos
à certaines tonalités lilas qu'il l'a fait à toute mythologiade. Son
coloris, voilà son côté le plus faible.

Nous avions demandé à-M. Georges Truffaut des renseigne-
ments sur ses études de débutant ; voici ce qu'il nous a fort mo-
destement répondu :

« Je suis né en 1857, à Pontoise, j'ai fait mes études à
Chartres, passé mon baccalauréat en 1874; je suis entré immédia-
tement chez M. Bouguereau ; puis en 1878, en revenant de laire
mon volontariat, j'ai été admis chez M. Lehmann. J'ai eu, l'année
dernière, le Premier Prix d'atelier (travaux de fin d'année), et
une mention au Concours Troyon.

« Je suis monté en loge pour la première fois cette année.

« Voilà tout ce que j'ai à vous offrir comme renseignements,
et vous voyez qu'ils n'ont rien d'intéressant. »

Ce n'est pas notre avis, car nous croyons à l'avenir de
M. Truffaut et les points de départ d'un artiste de valeur sont
dignes d'être connus dans leurs moindres détails.

M. Lionel-Léon-Noël Royer a mis le même empressement
obligeant à nous répondre que M. Truffaut; il est né dans la

1. Nous avons déjà reproduit une des excellentes Chroniques de M. Le Reboullet, celle qu'il avait consacrée à M. Vidal, le sculpteur aveugle que les lecteurs
de l'Art connaissent depuis longtemps parle bien que nous avons eu l'occasion d'en dire et par les œuvres dont nous avons publié des dessins.
La Chronique de M. Le Reboullet se trouve dans le tome IV de l'Art, 4» année, page 9Ç.

M. Saint-Genest, du Figaro, qui ne manque jamais une occasion de témoigner de sa propre ignorance, a publié dans ce journal, il y a deux mois, un long
article pour révéler a l'univers sa découverte de l'existence de M. Vidal, qui n'a guère dû être flatté de ce pavé bien intentionné.
 
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