L'ART DE LA RELIURE
MM. Morgand et Fatout, qui, en peu d'années, ont su
conque'rir dans ia librairie parisienne une place si distinguée,
ont bien mérité des amateurs par le soin avec lequel ils ne
cessent de recueillir tous les documents qui permettront un jour
d'écrire une histoire complète de la reliure. Leurs Bulletins
sont un véritable musée dans lequel ils placent au jour le jour
la reproduction, en noir ou en couleur, des plus beaux volumes
que les hasards des ventes font passer entre leurs mains. Les
l'art de la reliure chez nous, grâce au goût éclairé de Fran-
çois Ier, de Grolier, de Henri II et des derniers Valois, de J. A. de
Thou et des grands personnages de leur temps. Nos artistes,
d'abord imitateurs des Italiens, comme le prouvent les premières
reliures exécutées pour Grolier, cherchèrent à leur tour des
dispositions nouvelles. Variant à l'infini les combinaisons de
filets, ils parvinrent à produire ces entrelacs si élégants et si
purs qui font aujourd'hui notre admiration; puis ils mélan-
intelligents éditeurs ne se gèrent aux filets les feuil-
bornent pas, du reste, à ces__ lages variés et produisirent
reproductions matérielles, ni r—--—— '-1 les merveilles de goût qui
môme aux articles qu'ils ont -,-. ont rendu si célèbre la col-
insérés dans leurs Bulletins; I ____ a ____" I lection de J A. de Thou.
s'adressant aux spécialistes /O-" / \ /y^" "N/X Sous le règne de
le plus en renom, ils ont / / j^C' \ ' ' ' \ V—' / *3kt£ \ \ Louis XIII, la reliure subit
confié à deux habiles artistes, I ( fXj\f^ \ / / \ \ r ^jLjf^i ) J une transformation com-
MM. Marius Michel père et \\ 'tr^j / / \ \ wPTf^ / plète. Le Gascon, relieur du
fils, la composition d'un \^ v^^7 /Ç^ ]\ A y^^x' *f roi, introduit les fers poin-
grand ouvrage qui résume / I f > >yw. \ \ \ tillés et trouve le moyen de
les notions jusqu'ici éparses / II ^^^v\\ N. surpasser encore les plus
sur la reliure française. (s^^ / / if vV \ \ m ^ riches productions du
11 v a deux ans, MM. Ma- m / /wéy** ^Sfw\ \ fk xvi1'siècle. Les chefs-d'œuvre
rius Michel préludaient à \y f/ ^PV^\ >^ de ce maître sont la fameuse
cette publication par un TgS II \ uS^ï ' Guirlande de Julie offerte
Essai sur la décoration exté- \ I I § \ \ J par le duc de Montausier à
ricure des livres1, dans le- / / I I v\ S Julie d'Angennes, l'Adonis
quel ils présentaient des / / / h V\ \ de La Fontaine, manuscrit
aperçus nouveaux sur les or- I II ««40 \\ \ exécuté par Jarry pour le
nements employés à diverses . \\ I l y surintendant Fouquet en
époques par les doreurs. Le \ \V / / J i65S, et surtout la Vie du
magnifique volume qu'ils \\ l I ' / cardinal de Bertille, dédiée
viennent de publier contient V \ m m i l \ Par FranÇ°>s Habert au
le développement de ces pre- \S~Ï Ax f f A&^J chancelier Séguier, en 1646,
mières notions et présente \ ^si^S ^n54 / / incomparable volume qui
un brillant tableau des œu- V \ \rtf^ JjWy / wt est un des P'us précieux
vres exécutées par les artistes & 9 \ \ / / ^L^) joyaux du cabinet de M. le
français depuis le xvte siècle \ \ f f f baron James de Rothschild,
jusqu'à la fin du xvmc 2. \ \\ v/ / / / Dans la seconde moitié
Ce qui fait le mérite de s* '^1^ Xj^Jv^y /»/^L-!j\ du règne de Louis XIV, la
cet ouvrage, c'est son carac- / f f J"^\ \ /\\ 1 reliure, tout en produisant
tère tout personnel. MM. Mi- [ / ) \ \ \ VyKjfi? ) I d'excellents ouvrages, de-
chel, qui connaissent à fond V V^**' / / ' \ V / V \ ^^^k/ / vient plus simple, ce qui
la pratique de leur art, ne j --?Jc \ / 3$C permet aux amateurs de faire
se sont pas crus obligés de I__-' décorer un plus grand nom-
reproduire lesopinions géné- -~ ~ bre de volumes. Ce sont les
ralement admises ; leurs ob- I__—-■ -:-' livres de cette époque et ceux
servations sur les diverses '--'-~- siècle suivant que les
combinaisons de fers, sur les Spécimen des premières reliures exécutées pour Grolier. bibliophiles peuvent encore,
emprunts faits par les relieurs su prix de grands sacrifices,
du xvne et du xvm° siècle à leurs devanciers, ont la valeur de [ aligner sur leurs tablettes ; pour les reliures plus anciennes, on
recherches entièrement originales. Toutefois, les impressions ne les trouve le plus souvent que dans les grands dépôts publics ;
personnelles ont aussi leur danger; certaines appréciations de les rares spécimens qui paraissent de loin en loin dans les ventes
MM. Michel pourront paraître bien hasardées. Après avoir, sont fatalement enlevés par quelques amateurs privilégiés.
par exemple, revendiqué pour les artistes français du temps de
la Renaissance une grande part d'initiative et d'indépendance,
même vis-à-vis des Italiens, après avoir fait un juste éloge
d'Estienne de l'Aulne, ils semblent être quelque peu injustes
pour les grands artistes de la Péninsule, quand ils parlent de
« ce vantard italien », Benvenuto Cellini (p. 32).
Les deux auteurs insistent largement sur l'essor que prit
Les produits les plus recherchés de l'art de la reliure au
xvme siècle, ce sont ces fameuses mosaïques, dont le régent et
quelques bibliophiles fastueux ont fait recouvrir un petit nombre
de volumes. MM. Michel sont un peu sévères pour ces bijoux
charmants pour lesquels l'engouement du public n'a pas de
bornes. On s'explique mal, d'ailleurs, que les auteurs d'un livre
de grand luxe, pour lequel on n'a reculé devant aucune dépense,
1. Essai sur la décoration extérieure des livres, par MM. Marius Michel, relieurs-doreurs. Paris, Morgand et Fatout, 1S7S. In-8».
2. La Reliure française depuis l'invention de l'imprimerie jusqu'à la fin du XVIII' siècle, par MM. Marius Michel. Paris, Morgand et Fatout, 18S0. tn-fol.
Tome XXII. 3 î
MM. Morgand et Fatout, qui, en peu d'années, ont su
conque'rir dans ia librairie parisienne une place si distinguée,
ont bien mérité des amateurs par le soin avec lequel ils ne
cessent de recueillir tous les documents qui permettront un jour
d'écrire une histoire complète de la reliure. Leurs Bulletins
sont un véritable musée dans lequel ils placent au jour le jour
la reproduction, en noir ou en couleur, des plus beaux volumes
que les hasards des ventes font passer entre leurs mains. Les
l'art de la reliure chez nous, grâce au goût éclairé de Fran-
çois Ier, de Grolier, de Henri II et des derniers Valois, de J. A. de
Thou et des grands personnages de leur temps. Nos artistes,
d'abord imitateurs des Italiens, comme le prouvent les premières
reliures exécutées pour Grolier, cherchèrent à leur tour des
dispositions nouvelles. Variant à l'infini les combinaisons de
filets, ils parvinrent à produire ces entrelacs si élégants et si
purs qui font aujourd'hui notre admiration; puis ils mélan-
intelligents éditeurs ne se gèrent aux filets les feuil-
bornent pas, du reste, à ces__ lages variés et produisirent
reproductions matérielles, ni r—--—— '-1 les merveilles de goût qui
môme aux articles qu'ils ont -,-. ont rendu si célèbre la col-
insérés dans leurs Bulletins; I ____ a ____" I lection de J A. de Thou.
s'adressant aux spécialistes /O-" / \ /y^" "N/X Sous le règne de
le plus en renom, ils ont / / j^C' \ ' ' ' \ V—' / *3kt£ \ \ Louis XIII, la reliure subit
confié à deux habiles artistes, I ( fXj\f^ \ / / \ \ r ^jLjf^i ) J une transformation com-
MM. Marius Michel père et \\ 'tr^j / / \ \ wPTf^ / plète. Le Gascon, relieur du
fils, la composition d'un \^ v^^7 /Ç^ ]\ A y^^x' *f roi, introduit les fers poin-
grand ouvrage qui résume / I f > >yw. \ \ \ tillés et trouve le moyen de
les notions jusqu'ici éparses / II ^^^v\\ N. surpasser encore les plus
sur la reliure française. (s^^ / / if vV \ \ m ^ riches productions du
11 v a deux ans, MM. Ma- m / /wéy** ^Sfw\ \ fk xvi1'siècle. Les chefs-d'œuvre
rius Michel préludaient à \y f/ ^PV^\ >^ de ce maître sont la fameuse
cette publication par un TgS II \ uS^ï ' Guirlande de Julie offerte
Essai sur la décoration exté- \ I I § \ \ J par le duc de Montausier à
ricure des livres1, dans le- / / I I v\ S Julie d'Angennes, l'Adonis
quel ils présentaient des / / / h V\ \ de La Fontaine, manuscrit
aperçus nouveaux sur les or- I II ««40 \\ \ exécuté par Jarry pour le
nements employés à diverses . \\ I l y surintendant Fouquet en
époques par les doreurs. Le \ \V / / J i65S, et surtout la Vie du
magnifique volume qu'ils \\ l I ' / cardinal de Bertille, dédiée
viennent de publier contient V \ m m i l \ Par FranÇ°>s Habert au
le développement de ces pre- \S~Ï Ax f f A&^J chancelier Séguier, en 1646,
mières notions et présente \ ^si^S ^n54 / / incomparable volume qui
un brillant tableau des œu- V \ \rtf^ JjWy / wt est un des P'us précieux
vres exécutées par les artistes & 9 \ \ / / ^L^) joyaux du cabinet de M. le
français depuis le xvte siècle \ \ f f f baron James de Rothschild,
jusqu'à la fin du xvmc 2. \ \\ v/ / / / Dans la seconde moitié
Ce qui fait le mérite de s* '^1^ Xj^Jv^y /»/^L-!j\ du règne de Louis XIV, la
cet ouvrage, c'est son carac- / f f J"^\ \ /\\ 1 reliure, tout en produisant
tère tout personnel. MM. Mi- [ / ) \ \ \ VyKjfi? ) I d'excellents ouvrages, de-
chel, qui connaissent à fond V V^**' / / ' \ V / V \ ^^^k/ / vient plus simple, ce qui
la pratique de leur art, ne j --?Jc \ / 3$C permet aux amateurs de faire
se sont pas crus obligés de I__-' décorer un plus grand nom-
reproduire lesopinions géné- -~ ~ bre de volumes. Ce sont les
ralement admises ; leurs ob- I__—-■ -:-' livres de cette époque et ceux
servations sur les diverses '--'-~- siècle suivant que les
combinaisons de fers, sur les Spécimen des premières reliures exécutées pour Grolier. bibliophiles peuvent encore,
emprunts faits par les relieurs su prix de grands sacrifices,
du xvne et du xvm° siècle à leurs devanciers, ont la valeur de [ aligner sur leurs tablettes ; pour les reliures plus anciennes, on
recherches entièrement originales. Toutefois, les impressions ne les trouve le plus souvent que dans les grands dépôts publics ;
personnelles ont aussi leur danger; certaines appréciations de les rares spécimens qui paraissent de loin en loin dans les ventes
MM. Michel pourront paraître bien hasardées. Après avoir, sont fatalement enlevés par quelques amateurs privilégiés.
par exemple, revendiqué pour les artistes français du temps de
la Renaissance une grande part d'initiative et d'indépendance,
même vis-à-vis des Italiens, après avoir fait un juste éloge
d'Estienne de l'Aulne, ils semblent être quelque peu injustes
pour les grands artistes de la Péninsule, quand ils parlent de
« ce vantard italien », Benvenuto Cellini (p. 32).
Les deux auteurs insistent largement sur l'essor que prit
Les produits les plus recherchés de l'art de la reliure au
xvme siècle, ce sont ces fameuses mosaïques, dont le régent et
quelques bibliophiles fastueux ont fait recouvrir un petit nombre
de volumes. MM. Michel sont un peu sévères pour ces bijoux
charmants pour lesquels l'engouement du public n'a pas de
bornes. On s'explique mal, d'ailleurs, que les auteurs d'un livre
de grand luxe, pour lequel on n'a reculé devant aucune dépense,
1. Essai sur la décoration extérieure des livres, par MM. Marius Michel, relieurs-doreurs. Paris, Morgand et Fatout, 1S7S. In-8».
2. La Reliure française depuis l'invention de l'imprimerie jusqu'à la fin du XVIII' siècle, par MM. Marius Michel. Paris, Morgand et Fatout, 18S0. tn-fol.
Tome XXII. 3 î