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L'ART.
l'esprit avec ses e'chappe'es les plus imprévues, l'originalité',
l'absence absolue de pe'dantisme, une liberté d'allures et d'ex-
pression tout à fait bon enfant, un savoir profond qui a le
rarissime mérite de paraître s'ignorer, vous lirez et relirez"
Rowlandson the Caricatwist que MM. Chatto et Windus ont
édité avec un soin et un luxe dignes du livre.
On me dit que le style n'y est pas le dernier mot de la pureté ;
c'est possible; je ne suis pas assez bon juge pour me prononcer.
Ce que je puis affirmer, c'est que pour un étranger M. Grego
est d'une lecture aussi facile qu'agréable ; il sème les anecdotes
à pleines mains et ce prodigue a le talent de n'être jamais
ennuyeux.
En dehors des séductions de son travail, — un énorme labeur
sans qu'il y paraisse, qui, s'il n'est pas définitif, ne doit pas être
fort loin d'avoir épuisé la matière, — l'auteur s'est donné presque
a chaque page l'heureuse collaboration de l'artiste qu'il célébrait,
et l'examen de ces innombrables fac-similés grandit singulière-
ment Thomas Rowlandson dans l'estime des gens de goût.
Dès les premières pages le texte est semé de croquis d'une
justesse de mimique extraordinaire, d'une vie étonnante, d'une
habileté prodigieuse. C'est toujours enlevé du premier coup et
d'une science impeccable dans son apparent abandon. Qu'il
s'attaque à la figure humaine, aux animaux, au paysage,
Rowlandson se montre à un égal degré observateur accompli.
Voyez, page 44, des Cavaliers passant une rivière dans un bac,
les quatre Loges à l'Opéra des pages 177 et 178, le Saloon al the
Pavillon, Brighton, ce délicieux intérieur de la page 276, puis
les notes si opposées des quatre pages suivantes : Waiting for
Dinner, At Dinner, A/ter Dinner et Preparing for Supper.
La composition qui a été fac-similée dans l'Art1 — Inn Yard
on Fire, —■ est moins heureusement reproduite dans le même
volume, le premier2, à la fin duquel, page 373, je rencontre
une bien intéressante planche — Distress. Ici c'est le drame le
plus terrible qui a inspiré l'artiste : une barque surchargée de
naufragés en proie à toutes les horreurs de la faim, lutte, en
pleine mer, contre la tempête. Je n'exagère rien en assurant
qu'Eugène Delacroix ne renierait point pareil ancêtre. C'est
d'un pathétique poignant.
Dans le second volume « Oh ! Yoû're a Devil, Get along,
Do!» est merveilleusement croqué3. Il en est de même de
« A Dog Fight », — page 207 ; — de « Portsmouth Point », —
page 285 ; — de Richardson's Show, The Ale-House Door,
A Landing Place, The Social Day et Rustic Récréations, de la
page 313 à la page 316. C'est aussi spirituel que charmant.
La série des Paysages du Comouailles nous initie à une
face nouvelle et non moins attractive de ce multiple talent.
Rowlandson est un maître.
M. Joseph Grego, qui avait déjà écrit une Vie de James
Gillray, dignement accueillie par les Curieux, mais qui n'avait
point obtenu tout le succès auquel s'attendait justement l'auteur,
succès qu'obtient sans conteste son Rowlandson, M. Grego se
doit à lui-même, nous doit à tous de continuer à explorer une
veine dont fort peu de personnes, si même il en est, connaissent
aussi bien que lui toutes les richesses. De précieux filons restent
à mettre au jour dans l'histoire de la caricature anglaise ; il y a
là ample matière encore à maintes monographies dignes de
prendre place à côté de celles de Gillray et de Rowlandson.
J'ai dit que M. Grego buissonnait à plaisir et des plus agréa-
blement. Je n'en veux, en terminant, donner qu'une preuve .
Vous croyez peut-être que l'humouristique écrivain vous apprend
quand est né son héros et quand il est mort, et que pour cela il
n'y a qu'à lire son premier chapitre qu'il intitule Biographical
Sketch? Grande est votre erreur.
Cette esquisse biographique s'occupe avant tout de l'histoire
et de la littérature de la Caricature, des collections de carica-
tures dans les musées et bibliothèques, des éditeurs de Rowland-
son, de la rareté de ses œuvres, de l'avidité avec laquelle les
recherchent les collectionneurs, de mille autres choses, sans en
excepter Rowlandson lui-même dont j'ai vainement cherché la
date et le lieu de naissance, mais dont j'ai fini par trouver, là
où on s'y attend le moins, la mort deux fois mentionnée —
22 avril 1827 — pages 45 et 55 — tandis qu'à la page 95, où il
est rendu compte des funérailles de l'artiste, pas la moindre date
n'est indiquée.
Cela n'empêche pas le jugement que M. Joseph Grego résume
en deux lignes, d'être en tous points excellent : « No artist of
the past or présent school, perhaps, ever expressed so much as
Rowlandson, with so little effort, or with so évident an appea-
rance of the absence of labour 4. »
Rien de plus exact : « Aucun artiste de l'ancienne école ou
de l'école actuelle n'a peut-être jamais autant exprimé que Row-
landson avec si peu d'efforts ou une si évidente apparence
d'absence de travail. »
Les moyens les plus simples, deux coups de crayon lui
suffisaient en effet pour rendre dans toute leur intensité ses
plus profondes observations.
Adolphe Piat.
COURRIER DES MUSEES
XLIII
France. — On vient de placer au Musée du Louvre, dans
une des galeries supplémentaires, un portrait de Soufflot, l'ar-
chitecte du Panthéon.
Le portrait exposé au Louvre a été peint par Vanloo. Au
bas du cadre est une plaque dorée à laquelle sont appendus
deux médaillons représentant le Panthéon sous deux faces.
Sur la toile, Soufflot est représenté dessinant le plan du
monument qui l'a immortalisé. Il est vêtu d'un costume de
couleur abricot, couleur fort à la mode au xvjif siècle.
Le portrait date de 1767 ; il est signé à gauche par son au-
teur : Vanloo pinxit. C'est un descendant de Soufflot qui en a
fait hommage à l'Etat.
Allemagne. — Le cinquantième anniversaire de l'inaugu-
ration des Musées royaux de Berlin a été célébré le 3 août.
Angleterre. — La National Portrait Gallery a commencé
avec succès une collection d'autographes des personnages célèbres
de l'empire britannique.
— Birmingham va avoir son Musée pour lequel MM. Tan-
gye frères ont donné dix mille livres sterling (2 5 0,000 francs), à
la condition qu'une souscription serait ouverte pour compléter
la somme nécessaire. Le Maire a convoqué en conséquence un
1. Voir l'Art. i« année, tome II, page 67.
2. Page 301, où Inn Yard on Fire a étj réduit à de trop petites proportions.
3. Page IJ J.
4. Page 95, tome I".
L'ART.
l'esprit avec ses e'chappe'es les plus imprévues, l'originalité',
l'absence absolue de pe'dantisme, une liberté d'allures et d'ex-
pression tout à fait bon enfant, un savoir profond qui a le
rarissime mérite de paraître s'ignorer, vous lirez et relirez"
Rowlandson the Caricatwist que MM. Chatto et Windus ont
édité avec un soin et un luxe dignes du livre.
On me dit que le style n'y est pas le dernier mot de la pureté ;
c'est possible; je ne suis pas assez bon juge pour me prononcer.
Ce que je puis affirmer, c'est que pour un étranger M. Grego
est d'une lecture aussi facile qu'agréable ; il sème les anecdotes
à pleines mains et ce prodigue a le talent de n'être jamais
ennuyeux.
En dehors des séductions de son travail, — un énorme labeur
sans qu'il y paraisse, qui, s'il n'est pas définitif, ne doit pas être
fort loin d'avoir épuisé la matière, — l'auteur s'est donné presque
a chaque page l'heureuse collaboration de l'artiste qu'il célébrait,
et l'examen de ces innombrables fac-similés grandit singulière-
ment Thomas Rowlandson dans l'estime des gens de goût.
Dès les premières pages le texte est semé de croquis d'une
justesse de mimique extraordinaire, d'une vie étonnante, d'une
habileté prodigieuse. C'est toujours enlevé du premier coup et
d'une science impeccable dans son apparent abandon. Qu'il
s'attaque à la figure humaine, aux animaux, au paysage,
Rowlandson se montre à un égal degré observateur accompli.
Voyez, page 44, des Cavaliers passant une rivière dans un bac,
les quatre Loges à l'Opéra des pages 177 et 178, le Saloon al the
Pavillon, Brighton, ce délicieux intérieur de la page 276, puis
les notes si opposées des quatre pages suivantes : Waiting for
Dinner, At Dinner, A/ter Dinner et Preparing for Supper.
La composition qui a été fac-similée dans l'Art1 — Inn Yard
on Fire, —■ est moins heureusement reproduite dans le même
volume, le premier2, à la fin duquel, page 373, je rencontre
une bien intéressante planche — Distress. Ici c'est le drame le
plus terrible qui a inspiré l'artiste : une barque surchargée de
naufragés en proie à toutes les horreurs de la faim, lutte, en
pleine mer, contre la tempête. Je n'exagère rien en assurant
qu'Eugène Delacroix ne renierait point pareil ancêtre. C'est
d'un pathétique poignant.
Dans le second volume « Oh ! Yoû're a Devil, Get along,
Do!» est merveilleusement croqué3. Il en est de même de
« A Dog Fight », — page 207 ; — de « Portsmouth Point », —
page 285 ; — de Richardson's Show, The Ale-House Door,
A Landing Place, The Social Day et Rustic Récréations, de la
page 313 à la page 316. C'est aussi spirituel que charmant.
La série des Paysages du Comouailles nous initie à une
face nouvelle et non moins attractive de ce multiple talent.
Rowlandson est un maître.
M. Joseph Grego, qui avait déjà écrit une Vie de James
Gillray, dignement accueillie par les Curieux, mais qui n'avait
point obtenu tout le succès auquel s'attendait justement l'auteur,
succès qu'obtient sans conteste son Rowlandson, M. Grego se
doit à lui-même, nous doit à tous de continuer à explorer une
veine dont fort peu de personnes, si même il en est, connaissent
aussi bien que lui toutes les richesses. De précieux filons restent
à mettre au jour dans l'histoire de la caricature anglaise ; il y a
là ample matière encore à maintes monographies dignes de
prendre place à côté de celles de Gillray et de Rowlandson.
J'ai dit que M. Grego buissonnait à plaisir et des plus agréa-
blement. Je n'en veux, en terminant, donner qu'une preuve .
Vous croyez peut-être que l'humouristique écrivain vous apprend
quand est né son héros et quand il est mort, et que pour cela il
n'y a qu'à lire son premier chapitre qu'il intitule Biographical
Sketch? Grande est votre erreur.
Cette esquisse biographique s'occupe avant tout de l'histoire
et de la littérature de la Caricature, des collections de carica-
tures dans les musées et bibliothèques, des éditeurs de Rowland-
son, de la rareté de ses œuvres, de l'avidité avec laquelle les
recherchent les collectionneurs, de mille autres choses, sans en
excepter Rowlandson lui-même dont j'ai vainement cherché la
date et le lieu de naissance, mais dont j'ai fini par trouver, là
où on s'y attend le moins, la mort deux fois mentionnée —
22 avril 1827 — pages 45 et 55 — tandis qu'à la page 95, où il
est rendu compte des funérailles de l'artiste, pas la moindre date
n'est indiquée.
Cela n'empêche pas le jugement que M. Joseph Grego résume
en deux lignes, d'être en tous points excellent : « No artist of
the past or présent school, perhaps, ever expressed so much as
Rowlandson, with so little effort, or with so évident an appea-
rance of the absence of labour 4. »
Rien de plus exact : « Aucun artiste de l'ancienne école ou
de l'école actuelle n'a peut-être jamais autant exprimé que Row-
landson avec si peu d'efforts ou une si évidente apparence
d'absence de travail. »
Les moyens les plus simples, deux coups de crayon lui
suffisaient en effet pour rendre dans toute leur intensité ses
plus profondes observations.
Adolphe Piat.
COURRIER DES MUSEES
XLIII
France. — On vient de placer au Musée du Louvre, dans
une des galeries supplémentaires, un portrait de Soufflot, l'ar-
chitecte du Panthéon.
Le portrait exposé au Louvre a été peint par Vanloo. Au
bas du cadre est une plaque dorée à laquelle sont appendus
deux médaillons représentant le Panthéon sous deux faces.
Sur la toile, Soufflot est représenté dessinant le plan du
monument qui l'a immortalisé. Il est vêtu d'un costume de
couleur abricot, couleur fort à la mode au xvjif siècle.
Le portrait date de 1767 ; il est signé à gauche par son au-
teur : Vanloo pinxit. C'est un descendant de Soufflot qui en a
fait hommage à l'Etat.
Allemagne. — Le cinquantième anniversaire de l'inaugu-
ration des Musées royaux de Berlin a été célébré le 3 août.
Angleterre. — La National Portrait Gallery a commencé
avec succès une collection d'autographes des personnages célèbres
de l'empire britannique.
— Birmingham va avoir son Musée pour lequel MM. Tan-
gye frères ont donné dix mille livres sterling (2 5 0,000 francs), à
la condition qu'une souscription serait ouverte pour compléter
la somme nécessaire. Le Maire a convoqué en conséquence un
1. Voir l'Art. i« année, tome II, page 67.
2. Page 301, où Inn Yard on Fire a étj réduit à de trop petites proportions.
3. Page IJ J.
4. Page 95, tome I".