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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 3)

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Énault, Louis: Les expositions de la Ville du Mans
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https://doi.org/10.11588/diglit.18609#0110

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LES EXPOSITIONS DE LA VILLE DU MANS

i

La ville du Mans vient de nous offrir l'intéressant spectacle d'une
double exposition, organisée avec beaucoup de goût, un réel savoir
et un sens critique des plus justes. D'un côté, I'Art moderne, avec les
tableaux, les statues, les aquarelles, les dessins, les émaux, les céra-
miques de nos contemporains; de l'autre, I'Art ancien, plus large
dans son programme rétrospectif, puisqu'il admet, à côté des beaux-
arts proprement dits, les arts décoratifs dans leurs plus belles mani-
festations, les meubles rares, les curiosités élégantes, et le bibelot
précieux, pour nous servir d'un mot auquel la critique moderne semble
avoir donné droit de cité et de bourgeoisie dans la langue du jour,
un peu complaisante et par trop facile peut-être.

Comme la plupart des expositions auxquelles nous sommes conviés
en province, celle du Mans a été organisée parun comité local composé
des personnalités les plus marquantes et les plus sympathiques du
pays, dilettantes de l'art et de la curiosité, qui s'efforcent, avec le zèle
le plus louable et le dévouement le plus désin'éressé, d'exciter partout
le goût et l'amour du beau, et qui font ainsi acte de véritable patrio-
tisme. On élève les âmes en les éclairant. A la tête de ces hommes de
bien, je me plais à citer le maire de la ville, M. Cordelet, président du
conseil général ; M. Galpin, député de la Sarthe; M. Dùgasseau, conser-
vateur du Musée; le comte de Saint-Guilhem, amateur distingué;
M.Boucher, architecte du gouvernement; M. Adolphe Singher, et, plus
particulièrement encore peut-être, M. Hucher, directeur du Musée
archéologique, dont plus d'une fois les précieuses communications
ont été accueillies en Sorbonne avec un réel intérêt, et M. Paul Héry,
commissaire général des deux expositions, qui a déployé dans leur |
organisation autant de zèle que d'intelligence. On peut dire de cet infa-
tigable lutteur qu'il est resté pendant des mois sur la brèche..... il y

est encore.

L'Exposition des Beaux-Arts comprend les ouvrages de peinture,
de sculpture, de dessin, de gravure, de pastel, d'aquarelle et d'émail
des artistes vivants. Le Catalogue, dont malheureusement le jeune
auteur n'est pas assez l'ennemi d'une certaine fantaisie, doit être con-
sulté avec quelque précaution et l'on bénirait l'Ariane qui voudrait
bien, avec ou sans fil, nous conduire à travers ses dédales. Il comprend
environ huit cents morceaux, parmi lesquels, comme toujours, la
peinture occupe la plus grande place.

A vrai dire, peu de noms nouveaux: les œuvres les plus remar-
quables sont signées par des artistes dont nous saluons depuis
longtemps déjà les succès dans nos expositions parisiennes. Je ne
tenterai donc point l'analyse de tableaux comme celui de M. Al-
bert Maignan, qui nous montre le Doge Zeno, aveugle et vieux,
touchant de ses mains tremblantes les trophées de ses victoires
passées, que ses yeux éteints ne peuvent déjà plus voir. Si je
ne me trompe, il est ici un peu chez lui, et il me semble qu'on l'y
traite en véritable enfant du pays. Outre son Doge, il expose encore
un excellent portrait de femme, et une étude d'après Worms, d.e la
Comédie-Française, dans son rôle d'Hcrnani, étude que nous avons
vue avec beaucoup d'intérêt.

La Mort de Schramn, par M. Luminais, devenu aujourd'hui
l'illustrateur le plus autorisé des temps mérovingiens, est aussi fort
regardée.

J'en puis dire autant de la Brouille de M. Caraud; des Petits
joueurs d'osselets de M. Barrias, du Golfe de Salerne et de YEscalier
d'Atrani, à Ravello, de M. Paul de Curzon; d'un Coin de parc de
M. Emile Dardoize; de la Femme turque et de la Servante russe de
M. Edouard Dantan, de la Mort de Démosthène de M. Albert Dawant,
de quelques paysages de M. Alexandre Defaux, aussi remarquables
par le style que parle profond sentiment de la nature qui distinguent
ce jeune maître, d'une Entrée de bois et d'une Lisière de forât de
M. Eugène Dévé, dont je vois encore le charmant paysage, l'Allée de
Millemont, au Salon de 1880.

Une foule de noms sympathiques se pressent tous sous ma
plume, et j'éprouve souvent, quand il s'agit de faire un choix, un
véritable embarras. Comment, cependant, ne pas accorder au moins
une mention à cette jeune Femme à sa toilette, qui fut admirée sans
doute du temps du roi Louis XV, dit le Bien-Aimé, œuvre charmante
de M. Victor Gilbert, mais qui contraste d'une si piquante façon avec
la manière habituelle de l'auteur et ses préférences bien connues.

Les Premières Fleurs de M, Hanoteau sont fort remarquées et je
les trouve assez bien peintes pour m'expliquer la faveur dont elles sont
''objet. J'en puis dire tout autant des chrysanthèmes, des roses et des
giroflées et violettes, de M. Pierre Huas, pleines de fraîcheur et d'éclat.

M. Paul Huet a rendu avec beaucoup d'habileté un Effet de neige
sur une lisière de bois et M. Isenbart a fait preuve d'un réel talent
clans ses Roches de Plougastel. La végétation qui les entoure con-

traste heureusement avec leur grande silhouette âpre et sévère, et dans
le lointain, la mer, dont on voit rouler les vagues changeantes, jette
au flanc de l'horizon une ceinture légère, flottante et lumineuse, du
plus charmant effet.

La Montée de la grande Chartreuse, par un effet de pluie et de
soleil, a fourni le plus heureux motif à M. Henri Langerock, tandis
que la Sente fraîche, qui conduit au bordage de la Fromendiêre, est
rendue par M. Eugène Lavieille avec un charme réel.

Une autre bonne connaissance à moi, que je retrouve ici, et non
certes sans plaisir, c'est l'Enfant de chœur de M . Charles Monginot:
c'est tout simplement une petite scène de sacristie ; mais elle est bien
rendue, et c'est tout ce qu'il me faut : le chérubin de village souffle sur
ses charbons, la bouche arrondie, et l'œil lui sortant quelque peu de
la tête; mais le tout est d'une vérité saisissante, et lacouleura l'éclat
— j'uliais dire la fleur même de la jeunesse.

Si les toiles historiques et les tentatives vers le grand art sont
généralement assez rares dans les expositions provinciales, la critique
par cela même est plus strictement tenue à les signaler, quand elle
les rencontre. M. Lionel Royerdans son David recevant l'inspiration
d'en haut, et se préparant à chanter, dans ses psaumes immortels, les
colères ou la clémence de Jéhovah, nous a prouvé qu'il y avait en lui
l'étoffe d'un artiste sérieux. Je ne saurais dire si cette voie suivie
jusqu'au bout le doit mener infailliblement à la fortune, dans un
siècle où il n'est que trop certain que beaucoup de gens demandent
surtout aux arts une distraction et un amusement; mais il est probable
qu'il aura pour lui la sympathie et l'estime de ceux qui sont encore
épris d'un noble idéal.

M. Théodule Ribot, auquel les galeries de l'Art offraient, il y a
quelques jours à peine, une si cordiale hospitalité, a bien voulu
envoyer deux tableaux au Mans, des Fleurs et des Huîtres, rendues
avec cette maestria superbe et cette puissance de coloration qui sont
la marque distinctive de son talent.

Après Ribot, et pour ne pas descendre, je ne puis plus citer que
Vollon, dont la nature morte — des oiseaux sur une table d'office —
nousoffre des finesses et des harmonies de coloration d'une rare valeur.

La Sculpture nous offre ceci de particulièrement intéressant
qu'elle annexe à son exposition ordinaire un concours pour le monu-
ment à élever à un des plus célèbres enfants de la Sarthe, le sculp-
teur Germain Pilo^. Bon nombre de sculpteurs sont descendus dans
l'arène pour célébrer un illusire confrère : MM. Maximilien Bour-
geois, Pierre Détrier, J. C. Destréez, Gustave Garnier, Théodore
Hébert, Prosper Jouneau, Adolphe Léofanti, Auguste Roullet, Mar-
quet de Vasselot, Callot, Charles Gautier. Je ne dirai pas que les
résultats de ce concours soient stupéfiants. Les esquisses sont d'ailleurs
sur une trop petite échelle pour que l'on puisse bien juger de l'effet
monumental. Quelques-unes des maquettes exposées nous ont cepen-
dant paru assez intéressantes. Mais rien ne s'impose; rien ne domine
cette moyenne assez honnête et trop modérée.

Parmi les artistes qui ont exposé sans prendre part au concours
je cite un beau groupe, intitulé Laboureur, Vache et Taureau, par
Isidore Bonheur, un bronze; la Madeleine au Désert, terre cuite sur
socle de marbre, par Emile Chatrousse; un excellent buste de Claude
Bernard, par Henri Iselin; enfin une tête de femme, buste-portrait
de Mmo Rouville, un marbre finement ciselé, par Marquet de Vas-
selot.

II

L'Exposition rétrospective du Mans est très complète, très nom-
breuse et très intéressante. Je me hâte d'ajouter que son commissaire
général, M.Paul Héry, a fait preuve, dans le classement des trésors qui
lui étaient confiés, de beaucoup de goût, d'intelligence et de savoir.

Ici, comme dans le compte rendu des œuvres exposées par les
artistes vivants, nous serons contraint de nous en tenir à une enume-
ration bien rapide. Le lecteur le comprendra s'il veut bien songer que
nous nous trouvons en présence de plus de seize cents objets de toute
nature, de toute provenance, embrassant une période de production
de trois ou quatre mille ans, et appartenant à toutes les branches de
l'art, de la curiosité et de l'archéologie — statues, médaillons, monnaies,
bustes, tableaux, dessins, céramiques, meubles, costumes, tapisseries,
ustensiles de ménage, auxquels les sièeles ont donné une valeur
archéologique considérable, vieilles argenteries, devenues introu-
vables, et par cela même sans prix. Si je voulais dire ici la centième
partie de ce que j'ai vu et admiré, ce n'est pas une page de ce journal
que je réclamerais — ce serait deux ou trois fascicules de sa collection,
et encore me faudrait-il m'excuser d'être bref et incomplet.

C'est que jamais une entreprise n'a été entourée de plus de faveurs
que celle-ci. Chacun a voulu y concourir dans la mesure de ses
moyens; ceux qui avaient beaucoup ont beaucoup donné; ceux qui
 
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