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L'ART.
avaient peu n'ont pas hésité, cependant, à fournir, eux aussi, leur
contingent modeste; les hôtels, les maisons de la ville, les châteaux,
les couvents, les églises, tout s'est ouvert devant les membres de la
Commission : ils n'ont eu qu'à choisir et à prendre, et ils ont usé
assez largement de cette bonne grâce et de cette libéralité des collec-
tionneurs, pour nous offrir un ensemble d'une grande richesse et d'un
piquant intérêt.
Qu'il nous soit permis de reconnaître, au moins par quelques
mots, la générosité et la bonne grâce de tant d'amateurs, qui ont bien
voulu se séparer pour quelques mois de leurs chers trésors.
M. le marquis d'Aux ouvre la série des riches sen ices de table :
il a prêté une soupière en argent à double fond, époque Louis XV,
d'un fort beau travail ; deux cafetières, une petite marmite, et une
petite casserole du même style, et deux flambeaux d'argent, style
Louis XIV. Il serait vraiment difficile d'unir plus de goût à plus de
magnificence. Tout l'art de nos pères revit dans ces jolies pièces.
M. Olivier Boitelle a tiré de son château de Mortrie une dizaine
de toiles qui formeraient à elles seules le noyau d'un petit musée. Je
n'en veux citer que quelques échantillons : une grande Bacchanale —
Nymphes et Satyres — de Claude Gillot, —celai qui fut le maître de
Watteau, et dont, malheureusement, notre musée du Louvre ne pos-
sède rien ; un portrait de Buffon, par Drouais; un portrait de Molière,
par Sébastien Bourdon ; un portrait de Géricault, par lui-même; un
Cosaque à cheval, par Carie Vernet; enfin, une esquisse de David.
M. Paul Bouchet, architecte au Mans, expose une collection com-
plète de faïences de Rouen, plats, assiettes, compotiers, huiliers,
hanaps, pichets, soupières, écuelles, chandeliers, vases de toutes
sortes, épuisant la série des formes, des couleurs, et des décors tentés,
réalisés, prodigués, pendant plus de deux siècles, par cette fabrication
sans rivale. Je cite, pour mémoire, quelques échantillons de Nevers,
de Moustiers, de Marseille, de Delft et d'Urbino, un peu perdus dans
cette masse de la splendide production rouennaise.
M. le chevalier de La Broise a exposé quelques émaux remar-
quables, entre autres une plaque de Limoges, du xme siècle — un
Christ en croix, accosté de la Vierge et de saint Jean, sommé de deux
anges, et la main bénissante, tout en haut de la croix — travail très
intéressant. Ce qui ne l'est pas moins, c'est un autre Christ en croix,
de la même époque, enjuponné d'une sorte d'étoffe bleue. Dans le haut
du tableau, on voit Adam, racheté par le sang divin et sortant dés
limbes— très originale et très curieuse pièce.
Un coffret de chasse, travail allemand du xivc siècle, nous a éga-
lement paru digne d'intérêt. Le motif principal nous montre unechâ-
telaine à cheval, transperçant de sa lance un chevalier félon.
Parmi les plus généreuses bienfaitrices de l'exposition du Mans,
qui a eu le bonheur d'obtenir le concours de beaucoup de femmes, il
fautcompter Mm° et MIle Cotreau, qui ont dépouillé leur château des
Roches pour enrichir notre exposition. D'après ce que je vois ici, le
château des Roches doit être un musée, dans lequel l'archéologie se
mêle agréablement aux beaux-arts. Je me suis vu rarement dans un
plus grand embarras qu'en présence de ces vitrines remplies de choses
ayant toutes une réelle valeur, valeur artistique ou de curiosité. On
conçoit l'impossibilité radicale et absolue où je me trouve de tout
dire, et je comprends moi que je devrais tout citer. Je me vois en
présence de très jolies statuettes, les unes antiques, les autres de la
Renaissance, que, ne pouvant les emporter, on voudrait du moins
pouvoir reproduire._ Je suis réduit à leur j.ter un coup d'œil de re-
gret... et je passe. Il faut pourtant bien que je dise qu'il y a ici de bien
ravissantes nielles italiennes, du goût le plus fin et de la plus exquise
délicatesse; des bronzes égyptiens, grecs, florentins et japonais, qui
feraient l'orgueil d'un musée; des manuscrits du moyen âge, avec des
enluminures merveilleuses et des miniatures charmantes; des incu-
nables comme on n'en trouve plus; des poteries rouges de Samos,
des épaves du mobilier gallo-romain de nos ancêtres, et jusqu'aux
gigantesques cornes de l'aurochs, ce bœuf primitif, aujourd'hui
presque entièrement disparu. Je ne parle point, puisque j'ai promis
d'être incomplet, d'un certain nombre de vases, de chandeliers, d'hor-
loges et de pendules, dans les grands styles décoratifs de Louis XIV et
de Louis XV, et je m'éloigne, non sans un vif regret, de l'armoire
des livres rares et précieux, sachant bien que si je les ouvrais je n'au-
rais plus le courage de les fermer.
Le Chapitre de la cathédrale du Mans a voulu, lui aussi, parti-
ciper à cette exposition, qui a pris si vite pour la ville du Mans, et
pour le pays tout entier, le caractère d'une véritable fête nationale,
et il a fouillé généreusement dans son trésor pour enrichir l'expo-
sition d'une série de tapisseries de haute lisse, dont le grand caractère
décoratif frappe les visiteurs même les plus étrangers à l'art qui fit la
gloire des Flandres, de Beauvais, de la Savonnerie et des Gobelins.
Les pixides en cuivre émaillé, les monstrances en cristal de roche, et
les châsses du xvi° siècle, ornées d'émaux translucides, les antipho-
naires du xvic siècle et les évangéliaires manuscrits du xi" ne sau-
raient être trop admirés.
11 serait absolument injuste de passer sous silence la collection
si complète et si rare, exposée par M. Chaplain-Duparc, d'objets
destinés à servir à l'étude des temps préhistoriques. On peut dire
qu'il y a là un peu de tout, et que l'embarras du visiteur ne laisserait
point que d'être assez grand si ce rare assemblage n'était présenté
avec une méthode et un ordre parfaits.
J'effleure la curieuse collection de montres de M. David; je
signale les tableaux de M. Delobe!, et je m'arrête devant la vitrine
du conservateur du musée, M. Dugasseau, qui possède une collection
des plus rares faïences de Rouen, de Nevers, de Lunéville, deLigron,
de verres de Venise, de poteries antiques, et de ces jolies statuettes
de Tanagra, récemment découvertes, et qui font aujourd'hui l'orgueil
et la joie des amateurs qui les possèdent.
M. Bceswiwald, l'architecte diocésain, a obtenu du gouvernement
l'autorisation d'emprunter au mobilier de Pévêché une fort jolie
commode Louis XVI, et une bibliothèque Louis XV, en bois de rose,
avec garniture en cuivre ciselé, qui est bien une des choses les plus
parfaitement belles que nous connaissions. Sir Richard Wallace et
les barons de Rothschild feraient bien des folies pour elle.
Les tapisseries et les étoffes de M. de Farcy, d'Angers, ajoutent
à cet ensemble une note éclatante et magnifique.
M. Paul Héry, qui a consacré plusieurs mois d'un temps précieux
à l'organisation de cette exposition merveilleuse, a tenu à honneur de
lui fournir un appoint avec lequel personne ne pourrait lutter, et, à
lui seul, il a présenté plus de cent objets appartenant les uns à l'art,
les autres à la curiosité, mais tous vraiment dignes d'intérêt. Ici
encore on comprendra que nous soyons obligé de nous en tenir à
une indication sommaire et rapide. Notre seul but, dans ces notes
rapides, c'est de donner à nos lecteurs l'envie d'aller voir ce que nous
ne pouvons même pas décrire. Ce qui rend notre tâche singulièrement
difficile, c'est que M. Paul Héry est le plus éclectique des collec-
tionneurs. Ce n'est pas telle ou telle chose qui lui plaît; c'est tout ce
qui est beau. Placé dans des conditions particulières pour voir passer
sous ses yeux tout ce qui est mis en vente ici ou là, dans la région
qu'il habite, il est plus que personne habile à saisir l'occasion et il la
saisit en effet : on peut dire que l'on trouve tout chez lui et quelque
chose encore, et comme il a vidé ses galeries au profit de l'exposition,
on comprend aisément l'importance de ses vitrines. Ce que l'on com-
i prendrait moins ce serait une exposition où il ne figurerait point.
Meubles, armes, bijoux, céramique, montres, pendules, émaux,
dessins, tableaux, étoffes, reliquaires, objets d'art religieux, bronzes
ciselés, bois sculptés, marbres précieux, miniatures, manuscrits,
curiosités byzantines, tel est, saisi au vol de la plume, le bilan de
M. Paul Héry à l'exposition du Mans : il est aisé de voir que ce
n'est point celui d'un homme prêt à faire faillite.
M. Hucher est un personnage. Conservateur du musée archéolo-
gique de la ville du Mans, membre du comité des travaux historiques
près du Ministère de l'Instruction publique, et possesseur d'une
collection merveilleuse, il a rempli presque toute une salle de ses
inestimables trésors. Je note en passant deux magnifiques bahuts du
xv° siècle, d'une opulente ornementation ;— un meuble Henri II,
en bois noir, style Henri II très nettement caractérisé; puis des
buffets de Boulle, et des cariatides en bois sculpté et doré, au mono-
gramme de Louis XIV; des monnaies, des médailles et des sceaux
d'une haute curiosité, et des livres, et des Chartres, et des tableaux, et
des bijoux;— enfin, tout le monde de la curiosité, choisi avec la sûreté
de goût d'un homme qui est tout à la fois un érudit et un artiste.
M. le marquis de Mailly-Nesle a fait aussi de bien précieux
envois d'armes et d'émaux, et de ferronneries de diverses époques, et
d'une grande valeur artistique.
M. le marquis du Puy de Quiqueran expose également d'admi-
rables émaux du xvic siècle, et de belles faïences de Rouen, de Delft,
de Marseille, de Nevers, de Moustiers, ainsi que de jolies porcelaines
du Japon, très richement décorées.
Mais, au point de vue céramique, les envois de M. Adolphe
Singher sont plus riches encore, et ce sont des spécimens vérita-
blement remarquables des plus beaux types de Rouen, de Marseille,
de Moustiers, de Nevers, de Strasbourg, de Florence, de Savone, de
Pesaro, d'Alcora, de Séville, de Delft, de Sceaux, de La Haye, de
Ligron, qu'il offre à notre attention et à notre étude.
Je suis loin d'avoir tout dit et je ne dirai pas tout. Les expo-
sitions provinciales ne peuvent et ne doivent être pour nous l'objet
que d'indications rapides, et non d'études minutieuses et détaillées.
Que ceux-là nous pardonnent dont nous n'avons pas même pu men-
tionner les noms ni reconnaître les généreux efforts et 1 intelligente
initiative. Nous n'avons eu qu'un but en écrivant ces lignes, c'est de
signaler à nos lecteurs l'importante exposition dont la ville du Mans
■est aujourd'hui le théâtre, et de leur donner l'envie de la visiter eux-
mêmes. Ils trouveront, nous n'en doutons pas, que le but vaut le
voyage.
Louis Énault.
L'ART.
avaient peu n'ont pas hésité, cependant, à fournir, eux aussi, leur
contingent modeste; les hôtels, les maisons de la ville, les châteaux,
les couvents, les églises, tout s'est ouvert devant les membres de la
Commission : ils n'ont eu qu'à choisir et à prendre, et ils ont usé
assez largement de cette bonne grâce et de cette libéralité des collec-
tionneurs, pour nous offrir un ensemble d'une grande richesse et d'un
piquant intérêt.
Qu'il nous soit permis de reconnaître, au moins par quelques
mots, la générosité et la bonne grâce de tant d'amateurs, qui ont bien
voulu se séparer pour quelques mois de leurs chers trésors.
M. le marquis d'Aux ouvre la série des riches sen ices de table :
il a prêté une soupière en argent à double fond, époque Louis XV,
d'un fort beau travail ; deux cafetières, une petite marmite, et une
petite casserole du même style, et deux flambeaux d'argent, style
Louis XIV. Il serait vraiment difficile d'unir plus de goût à plus de
magnificence. Tout l'art de nos pères revit dans ces jolies pièces.
M. Olivier Boitelle a tiré de son château de Mortrie une dizaine
de toiles qui formeraient à elles seules le noyau d'un petit musée. Je
n'en veux citer que quelques échantillons : une grande Bacchanale —
Nymphes et Satyres — de Claude Gillot, —celai qui fut le maître de
Watteau, et dont, malheureusement, notre musée du Louvre ne pos-
sède rien ; un portrait de Buffon, par Drouais; un portrait de Molière,
par Sébastien Bourdon ; un portrait de Géricault, par lui-même; un
Cosaque à cheval, par Carie Vernet; enfin, une esquisse de David.
M. Paul Bouchet, architecte au Mans, expose une collection com-
plète de faïences de Rouen, plats, assiettes, compotiers, huiliers,
hanaps, pichets, soupières, écuelles, chandeliers, vases de toutes
sortes, épuisant la série des formes, des couleurs, et des décors tentés,
réalisés, prodigués, pendant plus de deux siècles, par cette fabrication
sans rivale. Je cite, pour mémoire, quelques échantillons de Nevers,
de Moustiers, de Marseille, de Delft et d'Urbino, un peu perdus dans
cette masse de la splendide production rouennaise.
M. le chevalier de La Broise a exposé quelques émaux remar-
quables, entre autres une plaque de Limoges, du xme siècle — un
Christ en croix, accosté de la Vierge et de saint Jean, sommé de deux
anges, et la main bénissante, tout en haut de la croix — travail très
intéressant. Ce qui ne l'est pas moins, c'est un autre Christ en croix,
de la même époque, enjuponné d'une sorte d'étoffe bleue. Dans le haut
du tableau, on voit Adam, racheté par le sang divin et sortant dés
limbes— très originale et très curieuse pièce.
Un coffret de chasse, travail allemand du xivc siècle, nous a éga-
lement paru digne d'intérêt. Le motif principal nous montre unechâ-
telaine à cheval, transperçant de sa lance un chevalier félon.
Parmi les plus généreuses bienfaitrices de l'exposition du Mans,
qui a eu le bonheur d'obtenir le concours de beaucoup de femmes, il
fautcompter Mm° et MIle Cotreau, qui ont dépouillé leur château des
Roches pour enrichir notre exposition. D'après ce que je vois ici, le
château des Roches doit être un musée, dans lequel l'archéologie se
mêle agréablement aux beaux-arts. Je me suis vu rarement dans un
plus grand embarras qu'en présence de ces vitrines remplies de choses
ayant toutes une réelle valeur, valeur artistique ou de curiosité. On
conçoit l'impossibilité radicale et absolue où je me trouve de tout
dire, et je comprends moi que je devrais tout citer. Je me vois en
présence de très jolies statuettes, les unes antiques, les autres de la
Renaissance, que, ne pouvant les emporter, on voudrait du moins
pouvoir reproduire._ Je suis réduit à leur j.ter un coup d'œil de re-
gret... et je passe. Il faut pourtant bien que je dise qu'il y a ici de bien
ravissantes nielles italiennes, du goût le plus fin et de la plus exquise
délicatesse; des bronzes égyptiens, grecs, florentins et japonais, qui
feraient l'orgueil d'un musée; des manuscrits du moyen âge, avec des
enluminures merveilleuses et des miniatures charmantes; des incu-
nables comme on n'en trouve plus; des poteries rouges de Samos,
des épaves du mobilier gallo-romain de nos ancêtres, et jusqu'aux
gigantesques cornes de l'aurochs, ce bœuf primitif, aujourd'hui
presque entièrement disparu. Je ne parle point, puisque j'ai promis
d'être incomplet, d'un certain nombre de vases, de chandeliers, d'hor-
loges et de pendules, dans les grands styles décoratifs de Louis XIV et
de Louis XV, et je m'éloigne, non sans un vif regret, de l'armoire
des livres rares et précieux, sachant bien que si je les ouvrais je n'au-
rais plus le courage de les fermer.
Le Chapitre de la cathédrale du Mans a voulu, lui aussi, parti-
ciper à cette exposition, qui a pris si vite pour la ville du Mans, et
pour le pays tout entier, le caractère d'une véritable fête nationale,
et il a fouillé généreusement dans son trésor pour enrichir l'expo-
sition d'une série de tapisseries de haute lisse, dont le grand caractère
décoratif frappe les visiteurs même les plus étrangers à l'art qui fit la
gloire des Flandres, de Beauvais, de la Savonnerie et des Gobelins.
Les pixides en cuivre émaillé, les monstrances en cristal de roche, et
les châsses du xvi° siècle, ornées d'émaux translucides, les antipho-
naires du xvic siècle et les évangéliaires manuscrits du xi" ne sau-
raient être trop admirés.
11 serait absolument injuste de passer sous silence la collection
si complète et si rare, exposée par M. Chaplain-Duparc, d'objets
destinés à servir à l'étude des temps préhistoriques. On peut dire
qu'il y a là un peu de tout, et que l'embarras du visiteur ne laisserait
point que d'être assez grand si ce rare assemblage n'était présenté
avec une méthode et un ordre parfaits.
J'effleure la curieuse collection de montres de M. David; je
signale les tableaux de M. Delobe!, et je m'arrête devant la vitrine
du conservateur du musée, M. Dugasseau, qui possède une collection
des plus rares faïences de Rouen, de Nevers, de Lunéville, deLigron,
de verres de Venise, de poteries antiques, et de ces jolies statuettes
de Tanagra, récemment découvertes, et qui font aujourd'hui l'orgueil
et la joie des amateurs qui les possèdent.
M. Bceswiwald, l'architecte diocésain, a obtenu du gouvernement
l'autorisation d'emprunter au mobilier de Pévêché une fort jolie
commode Louis XVI, et une bibliothèque Louis XV, en bois de rose,
avec garniture en cuivre ciselé, qui est bien une des choses les plus
parfaitement belles que nous connaissions. Sir Richard Wallace et
les barons de Rothschild feraient bien des folies pour elle.
Les tapisseries et les étoffes de M. de Farcy, d'Angers, ajoutent
à cet ensemble une note éclatante et magnifique.
M. Paul Héry, qui a consacré plusieurs mois d'un temps précieux
à l'organisation de cette exposition merveilleuse, a tenu à honneur de
lui fournir un appoint avec lequel personne ne pourrait lutter, et, à
lui seul, il a présenté plus de cent objets appartenant les uns à l'art,
les autres à la curiosité, mais tous vraiment dignes d'intérêt. Ici
encore on comprendra que nous soyons obligé de nous en tenir à
une indication sommaire et rapide. Notre seul but, dans ces notes
rapides, c'est de donner à nos lecteurs l'envie d'aller voir ce que nous
ne pouvons même pas décrire. Ce qui rend notre tâche singulièrement
difficile, c'est que M. Paul Héry est le plus éclectique des collec-
tionneurs. Ce n'est pas telle ou telle chose qui lui plaît; c'est tout ce
qui est beau. Placé dans des conditions particulières pour voir passer
sous ses yeux tout ce qui est mis en vente ici ou là, dans la région
qu'il habite, il est plus que personne habile à saisir l'occasion et il la
saisit en effet : on peut dire que l'on trouve tout chez lui et quelque
chose encore, et comme il a vidé ses galeries au profit de l'exposition,
on comprend aisément l'importance de ses vitrines. Ce que l'on com-
i prendrait moins ce serait une exposition où il ne figurerait point.
Meubles, armes, bijoux, céramique, montres, pendules, émaux,
dessins, tableaux, étoffes, reliquaires, objets d'art religieux, bronzes
ciselés, bois sculptés, marbres précieux, miniatures, manuscrits,
curiosités byzantines, tel est, saisi au vol de la plume, le bilan de
M. Paul Héry à l'exposition du Mans : il est aisé de voir que ce
n'est point celui d'un homme prêt à faire faillite.
M. Hucher est un personnage. Conservateur du musée archéolo-
gique de la ville du Mans, membre du comité des travaux historiques
près du Ministère de l'Instruction publique, et possesseur d'une
collection merveilleuse, il a rempli presque toute une salle de ses
inestimables trésors. Je note en passant deux magnifiques bahuts du
xv° siècle, d'une opulente ornementation ;— un meuble Henri II,
en bois noir, style Henri II très nettement caractérisé; puis des
buffets de Boulle, et des cariatides en bois sculpté et doré, au mono-
gramme de Louis XIV; des monnaies, des médailles et des sceaux
d'une haute curiosité, et des livres, et des Chartres, et des tableaux, et
des bijoux;— enfin, tout le monde de la curiosité, choisi avec la sûreté
de goût d'un homme qui est tout à la fois un érudit et un artiste.
M. le marquis de Mailly-Nesle a fait aussi de bien précieux
envois d'armes et d'émaux, et de ferronneries de diverses époques, et
d'une grande valeur artistique.
M. le marquis du Puy de Quiqueran expose également d'admi-
rables émaux du xvic siècle, et de belles faïences de Rouen, de Delft,
de Marseille, de Nevers, de Moustiers, ainsi que de jolies porcelaines
du Japon, très richement décorées.
Mais, au point de vue céramique, les envois de M. Adolphe
Singher sont plus riches encore, et ce sont des spécimens vérita-
blement remarquables des plus beaux types de Rouen, de Marseille,
de Moustiers, de Nevers, de Strasbourg, de Florence, de Savone, de
Pesaro, d'Alcora, de Séville, de Delft, de Sceaux, de La Haye, de
Ligron, qu'il offre à notre attention et à notre étude.
Je suis loin d'avoir tout dit et je ne dirai pas tout. Les expo-
sitions provinciales ne peuvent et ne doivent être pour nous l'objet
que d'indications rapides, et non d'études minutieuses et détaillées.
Que ceux-là nous pardonnent dont nous n'avons pas même pu men-
tionner les noms ni reconnaître les généreux efforts et 1 intelligente
initiative. Nous n'avons eu qu'un but en écrivant ces lignes, c'est de
signaler à nos lecteurs l'importante exposition dont la ville du Mans
■est aujourd'hui le théâtre, et de leur donner l'envie de la visiter eux-
mêmes. Ils trouveront, nous n'en doutons pas, que le but vaut le
voyage.
Louis Énault.