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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 3)

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Soldi, Émile: Les arts de l'Amérique d'après "Pérou et Bolivie" par Charles Wiener, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18609#0245

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LES ARTS DE L'AMÉRIQUE

D'APRÈS «PÉROU ET BOLIVIE1 », PAR CHARLES WIENER

k, . m n 1452 une nouvelle merveilleuse vint surprendre l'Eu-
3 S»ÇJ. rope. Par delà les mers, un nouveau monde venait d'être
!faE=si trouve'. Un Italien, Colomb, qui était au service de
l'Espagne, venait de planter la croix dans ces contre'es où elle
était inconnue, contrées féeriques, où il y avait des populations
considérables, possédant d'immenses trésors en or, en argent, en
pierres précieuses de toutes sortes. Aussitôt tous les aventuriers
de l'Espagne y vont chercher fortune. Pizarre au Pérou, Cortez
au Mexique, grâce aux armes à feu, à la terreur qu'inspirent des
hommes inconnus à peau blanche lançant la foudre, conquièrent
ces pays, volent, brûlent, et, poussés par la sainte Inquisition, au
nom de Sa Majesté Catholique, exterminent en masse ou asser-
vissent toute la population. Au moyen de ses richesses l'Es-
pagne, par contre-coup, peut étendre sa lourde main sur la
moitié de l'Europe, jusqu'au jour où, ayant épuisé toutes ses
colonies en même temps que perdu toute son énergie, elle se
voit obligée de lâcher les deux mondes.

En Amérique, cette délivrance ne fut pour les indigènes
qu'un changement d'esclavage. La conquête avait été trop rude.
Leur civilisation, que l'on n'avait pas môme eu le temps d'étu-
dier, que l'on avait pu à peine entrevoir, avait disparu. Chose
stupide, mais pourtant trop réelle, et qui se retrouve continuelle-
ment dans l'histoire, le dédain pour la race vaincue fut si grand
qu'il persiste encore, et que les œuvres d'art de ces nations que
la civilisation européenne commença par mutiler, sont niées
ou ridiculisées encore aujourd'hui.

Quelques exemplaires qui en furent apportés en Europe,
petits monuments, idoles ou fétiches d'un art inférieur, comme
celui de nos campagnes, semblaient donner raison à ce dédain.
Les grands monuments avaient disparu, ou étaient difficiles à
retrouver. Quand ils furent remis au jour, les dessinateurs qui
les reproduisirent furent accusés de les avoir embellis et même
à peu près inventés.

Depuis, cette civilisation a été l'objet de nombreuses recher-
ches de la part des ethnographes et des philologues ; mais les
œuvres d'art qu'elle avait produites ont été plutôt mentionnées
comme appoint dans des discussions dogmatiques qu'elles n'ont
été l'objet d'une étude particulière. Cette étude nous semble
pourtant, si elle était suivie avec plus de soin par les savants
américanistes, devoir conduire à des inductions importantes sur
l'origine et le développement des arts si curieux, si bizarres de
l'Amérique. Un peu de lumière projeté sur certaines parties
quelque peu mystérieuses de ces arts pourrait démontrer que
l'on a commis a leur égard bien des erreurs et que nous ne con-
naissons pas mieux leur technique que leur esthétique, au
moins en ce qui concerne le Mexique, le Yucatan et même le
Pérou.

Parmi les livres nouveaux qui pourront le plus contribuer
à rectifier les jugements sur l'Amérique, il faut citer en pre-
mière ligne le volume intitulé : Pérou et Bolivie, par M. Charles
Wiener.

La maison Hachette a ce grand mérite et ce grand bonheur
de donner aux livres qu'elle édite toute l'ampleur qu'ils com-
portent.

Elle sait apprécier l'importance du sujet traité, la valeur
scientifique des développements, l'agrément de la facture litté-
raire. D'un bon livre elle ne manque jamais de faire un beau

livre en usant largement de tous les procédés les plus perfection-
nés dont dispose l'art moderne pour rendre au moyen de vues
et de reproductions la pensée de l'auteur facile à suivre, à com-
prendre et à retenir. Le livre de M. Wiener, Pérou et Bolivie,
est illustré avec une prodigalité rare 2. On pourrait, non sans
quelque raison, reprocher à ces illustrations d'être obtenues
presque toutes par le même procédé (celui de M. Gillot), ce qui
donne au livre une certaine uniformité un peu grise qu'il eût
été facile d'éviter en ajoutant des gravures sur bois et en inter-
calant quelques planches chromolithographiques. Mais d'un
autre côté le procédé Gillot a l'avantage de reproduire directe-
ment par la photographie et de transformer en clichés typogra-
phiques les dessins mêmes rapportés par le voyageur. II y a là un
élément de vérité, une garantie de sincérité, une sorte de goût
de terroir, qui compense, ce nous semble, l'infériorité relative
de ce genre de reproductions comparé à d'autres plus artistiques,
mais aussi plus artificiels.

Généralement, tous ceux qui parcourent un livre y cher-
chent un genre spécial de renseignements et d'attrait et ils ne se
déclarent pas satisfaits si les questions auxquelles ils s'intéressent
plus particulièrement n'y sont point traitées avec tous les déve-
loppements que le sujet paraît comporter. L'un des grands
mérites du livre de M. Wiener, c'est le talent avec lequel l'au-
teur a su s'intéresser à toutes les questions qui se sont présentées
au cours de son voyage et que, grâce à son esprit fécond et
inventif, il a su résoudre en grande partie, à force de persévé-
rance et de recherches laborieuses et de courageuses investiga-
tions.

Mais au milieu des fatigues, des dangers, des préoccupations
du voyage, Fauteur a surtout poursuivi un but. travaillé à une
œuvre qui n'a cessé un instant d'être présente à sa pensée : cette
œuvre, c'était la reconstitution complète, fidèle, vivante de
la vieille société péruvienne, de sa vie, de ses croyances, de son
art.

I

Dans son livre, M. Ch. Wiener a su éviter le défaut de la
plus grande partie des personnes qui ont écrit sur l'Amérique.
Celles-ci n'ont jamais manqué de comparer les monuments de
ce pays avec ceux des anciennes civilisations de l'Asie et de
l'Afrique ; les hypothèses ont été si nombreuses, les assertions si
diverses et parfois si étranges, que leur abondance même fait
comprendre que la science sur ce point est le plus souvent
engagée sur une fausse route.

Il existe un certain nombre de formes données par la nature,
et que tous les peuples adoptent quand ils sont arrivés à un cer-
tain degré de civilisation.

Tels sont : la forme pyramidale pour les temples, la forme
ovoïde pour le vase, les méandres et la grecque, les torsades, les
^ig^ags dans les pays où se trouve de l'argile. Les analogies de
style, de travail et de matière des statues américaines avec celles
de l'Égypte, étaient forcées, et malgré les souvenirs que provo-
quent les représentations des temples péruviens visités par
M. Wiener (principalement la porte de Huanucho-Viejo, dont
la forme est la même que celle des temples égyptiens), nous

[. Paris, Hachette et (>, éditeurs.
-2. Plus de 1,200 gravures.

Tome XXII. 27
 
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