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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 3)

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CXCVI ■

G. Roger. Le Carnet d'un Ténor, avec Préface de Philippe
Gille, et Notice biographique par Charles Chincholle.
Quatrième édition. Paris, Paul Ollendorff, éditeur, 28 bis, rue
de Richelieu, 1880. Un volume in-18 de 348 pages.

uiconque a connu Roger le retrouve tout entier dans
ces notes intimes d'une absolue bonne foi ; il y revit.
Tous ceux au contraire pour qui le Carnet d'un Ténor
est une révélation, se prennent promptement à estimer l'homme
et l'artiste dont la physionomie, esquissée au jour le jour, de
sa propre main, est en effet profondément sympathique.

Douloureusement ému des triomphes éphémères de l'artiste
lyrique, Alfred de Musset s'est écrié, dans ses superbes Stances à
la Malibran :

O Maria-Félicia, le peintre et le poète
Laissent, en expirant, d'immortels héritiers;
Jamais l'affreuse nuit ne les prend tout entiers.
A défaut d'action, leur grande âme inquiète
De la mort et du temps entreprend la conquête,
lit, frappés dans la lutte, ils tombent en guerriers.

Celui-là sur l'airain a gravé sa pensée;
Dans son rhvthme doré l'autre l'a cadencée:
Du moment qu'on l'écoute, on lui devient ami.
Sur sa toile, en mourant, Raphaël l'a laissée,
Et pour que le néant ne touche point à lui,
C'est assez d'un enfant sur sa mère endormi.

Comme dans une lampe une flamme fidèle,
Au fond du Parthénon le marbre inhabité
Carde de Phidias la mémoire éternelle.
Et la jeune Vénus, fille de Praxitèle,
Sourit encor, debout dans sa divinité,
. Aux siècles impuissants qu'a vaincus sa beauté.

Recevant d'âge en âge une nouvelle vie,
Ainsi s'en vont à Dieu les gloires d'autrefois;
Ainsi le vaste écho de la voix du génie
Devient du genre humain l'universelle voix...
lit de toi, morte hier, de toi, pauvre .Marie,
Au fond d'une chapelle il nous reste une croix I

Due croix ! et l'oubli, la nuit et le silence.

Ecoutez ! c'est le vent, c'est l'Océan immense;

C'est un pêcheur qui chante au bord du grand chemin.

Et de tant de beauté, de gloire et d'espérance,

De tant d'accords si doux d'un instrument divin,

Pas un faible soupir, pas un écho lointain.

Plus heureux que la Malibran, Roger se survivra, grâce à
ces notes si vécues de son carnet qui nous disent l'amant pas-
sionné de son art, le parfait galant homme, la nature franche,
loyale, généreuse, en un style bon enfant, sans l'ombre de
prétention, avec la plus aimable humeur du monde, de l'esprit
et souvent du meilleur, et une impartialité plus que rare dans
les jugements qu'il porte sur ses camarades.

Voici la première page du Carnet d'un Ténor ; la suite tient
tout ce que promet ce début. Faut-il s'étonner qu'ayant com-
mencé le livre, on ne l'abandonne qu'à la dernière page?

« Paris, jeudi 4. mars 184J. — Dîné chez Clapisson. Quel
homme heureux! Grâce à son succès de Gibby, le voilà arrivé à
une aisance qu'il était loin de connaître. Comme il jouit de
tout avec délices ! 11 se fait un immense bonheur avec les mille
riens dont se compose le confort de la vie; il a enfin des tapis,
un calorifère dans sa salle à manger; il a chaud, ses amis ont

1. Page 26.

2. Page 34.
; Page 64.

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chaud et regardent avec admiration ses curiosités et ses vieux
instruments. Il a été chez le duc de Nemours! ! Il laisse arron-
dir son ventre sans craindre que son ventre soit en contradic-
tion avec sa fortune : c'est vraiment plaisir de voir une fois par
hasard le bonheur niché dans une famille qui sait en jouir et
qui l'a mérité. »

Ce qui suit est d'un observateur sagace: l'émotion n'altère
pas chez lui le jugement, qui reste très sûr :

« J'ai vu les Enfants de troupe, par Bouffé; j'étais dans le
trou du souffleur, bien à même d'observer les jeux de physio-
nomie, et je sais maintenant que Bouffé est un grand artiste,
qu'il ne faut peut-être pas voir souvent, parce que son jeu est
étudié dans les petits moyens. Mais il a du cœur, de l'âme
vraie, et aux dernières scènes j'ai senti deux grosses larmes qui

Portrait de Routa.

roulaient sur mes joues. Il y avait longtemps que ça ne m'était
arrivé, et ça m'a fait du bien '. »

A moi qui me souviens d'Alizard, cela m'a fait du bien
aussi, de lire sous la date du 2 mai tS47, à propos d'une repré-
sentation de Robert : « Alizard est prodigieusement beau. Voilà
un artiste qui devrait faire courir tout Paris, si Paris pouvait se
passionner pour tout ce qui est beau et grand, sans que quelque
charlatan de la presse ait frappé de sa baguette sur le tableau en
criant: «Vous allez voir ce que vous allez voir! ! » C'est tout
simplement sublime, et personne ne s'en émeut, et la salle est
vide. C'est à donner des maladies de nerfs à force de rage - ! »

Personne n'a loué et admiré plus sincèrement Jenny Lind,
M,uo Viardot, Duprez, Berlioz. Meyerbeer, etc.

« Duprez, notre modèle à tous... », dit Roger3, qui termine
ainsi son Carnet le 12 septembre 1878 : « J'aime l'Art avec
passion; il a été le culte de ma vie, et s'il m'est arrivé de me
réjouir des applaudissements dont on récompensait mes efforts,
j'en étais lier, non pour l'humble prêtre que j'étais, mais pour
le dieu que je servais. »

Le livre en est à sa quatrième édition, et comme je crois

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