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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 3)

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Brès, Louis: Exposition de la Société des Amis des Arts de Marseille
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https://doi.org/10.11588/diglit.18609#0029

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EXPOSITION DE LA SOCIÉTÉ DES

AMIS DES ARTS DE MARSEILLE.

19

J'ai signale le meilleur portrait de l'exposition, celui de
M. N. par M. Moutte. Je citerai encore les portraits de M. Du-
rangel, d'un dessin très ferme et d'un solide modèle' ; ceux de
M. Bo?.e, d'un effet plein de mystère et qui font songer à
Ricard; de M. Be'rengier, un disciple d'Holbein égaré en plein
xixc siècle; de MM. Lagier, Magaud, Guindon, Bérard,Toussaint
et Pouchin, inte'ressants à divers égards.

Une tète d'étude de Mlle de Mertens mérite une mention
toute spéciale. L'artiste a reproduit avec une ampleur et une
liberté de touche toutes viriles un de ces modèles qui courent
les ateliers de Paris, une Calabraise aux yeux noirs, aux cheveux
emmêlés, au sourire provocant, une tète diabolique de servante
d'auberge italienne. Ce que je ne saurais dire c'est le nerf de
cette facture et son étonnante justesse, la touche exprimant le
sens des muscles, le creux des fossettes, la commissure des lèvres,
donnant à cette figure le frémissement de la vie ; ce que je ne
saurais rendre non plus, c'est la qualité de la couleur, une
pleine pâte solide, puissante, émaillée, lumineuse. Il y a du
Franz Hais dans cette face charbonnée s'enlevarît, souriante,
en pleine lumière.

Une autre œuvre de main féminine qui attire l'attention,
c'est le Courrier de Nice, de Mm0 Laurenceau, une vaste toile
qui est à la fois une marine, un tableau de figures et un tableau
de fleurs. Imaginez une barque et deux figures grandes comme
nature, un marin, les avirons à la main, et une dame en chapeau
de paille faisant face au spectateur; au milieu de la barque un
monceau de fleurs. En somme, une grande décoration dont
l'idée assez originale aurait gagné à être rendue avec une entente
plus habile de l'effet.

Une exposition marseillaise compte toujours un certain
nombre de tableaux de marine. Nous retrouvons ici les peintres
des eaux bleues de la Méditerranée et de ses blanches falaises.
C'est M. Suchet, dont le Brick couratrt vent arrière est parfait
d'allure quoiqu'un peu trop à l'étroit dans son cadre; c'est
M. R. Ponson et sa Calanque de Sormiou, une page d'une
agréable impression à laquelle il faut reprocher pourtant le peu
de consistance des premiers plans ; c'est M. Maglione avec ses
bords d'étang, dont la couleur, quoiqu'un peu fondante, nous
charme par sa délicatesse et sa fraîcheur.

Un jeune artiste qui promet, c'est M. Casile. Ses plages de
l'Océan, Environs de Dieppe, Villerville, etc., ont obtenu un
franc succès. Le jury leur a décerné le prix réservé à la marine.
Largement traitées dans une gamme de gris puissants et fins,
ces petites marines indiquent une entente très juste des valeurs
et un vif sentiment de l'effet.

Le lauréat pour le paysage a été M. Fraissinet, un autre
interprète de la nature du Nord. Sa Rivière de l'Arroux, un de
ces coins verts et plantureux qu'il affectionne, est l'œuvre d'un
talent honnête et discret.

Le paysage méridional a, en MM. Milhau et Mayan, deux
interprètes de grand tempérament. Le premier expose, outre
quelques esquisses un peu sommaires, mais où l'on trouve pas mal
de notes justes, un tableau très achevé, Torrent sous bois dans
les Pyrénées, qui est une chose excellente. Le feuillage touffu
de ce petit coin de nature est rendu avec vérité, et le tableau
nous intéresse autant par sa franchise d'impression que par sa
facture. M. Mayan se préoccupe surtout de la vibration lumi-
neuse de nos paysages méridionaux. Il réussit bien souvent à
l'exprimer et parvient ainsi à nous intéresser à des horizons nus
et caillouteux comme celui que nous montre la Durance à
Orgon. Ses rues de village et ses ruisseaux ravinés rendent
d'ailleurs très fidèlement la nature des Basses-Alpes, et n'étaient
quelques imperfections de détail, ce seraient d'excellents
paysages. Je citerai aussi M. Viguier, un paysagiste délicat et
fin, dont les esquisses et les dessins faits sur nature révèlent une
spirituelle recherche.

L'exposition des animaliers pourrait motiver quelques cri-
tiques. Ce sont cependant tous des artistes sincères, trop

consciencieux peut-être et partant un peu plus naïfs qu'il ne
faudrait. Je citerai en première ligne M. Théophile Jourdan, à
qui le jury a décerné un prix, non sans doute pour la composi-
tion de dimension ambitieuse qu'il intitule l'Enfant et l'Agneau,
mais, je pense, pour une toile plus modeste et infiniment supé-
rieure à l'autre, représentant des moutons paissant sur une
colline de Provence. Je dois mentionner ensuite les Intérieurs
d'étable de M. Simon, les Chiens de M. Vimar, les Poules et les
Canards de M. Dauphin.

Nombreuses, je l'ai dit, sont les natures mortes. Il y a là pas
mal d'honnêtes médiocrités, mais aussi quelques ouvrages sor-
tant de pair. Je veux parler de ceux d'un tout jeune homme,
M. Allègre, dont les débuts ont fait sensation. Ce jeune artiste
expose, outre un petit portrait d'après lui-même d'une facture
fiévreuse et d'une saveur assez étrange, trois natures mortes
représentant, l'une, des poissons s'échappant d'une corbeille;
l'autre, un bouquet de violettes et divers bibelots; la troisième,
des pêches et des raisins. Ces peintures sont d'une couleur
superbe. Mais il faut bien montrer le joint de la cuirasse.
M. Allègre est élève de Vollon : le livret ne nous l'apprendrait
pas que nous le devinerions sans peine, tant il pastiche la
manière du maître. Ce sont, à n'en pas douter, ses procédés, mais
ce n'est pas encore sa main. Cela est visible surtout dans le
tableau intitulé Violettes et Bibelots, dont les fonds, peints sur
une préparation d'or, ont une si riche sonorité, où le pinceau
s'est joué avec une hardiesse étonnante sur les bibelots, où tout
se tient dans une si puissante harmonie ; cela est visible aussi
dans maints détails des autres toiles, dans ces poissons faits d'une
large coulée de la pâte, dans ces pèches à la pulpe veloutée,
d'une facture si souple et si grasse, ce qui n'empêche pas qu'il
n'y ait çà et là de criantes inexpériences. On ne saurait nier à
M. Allègre un fier tempérament de coloriste, ce n'est pas sans
inquiétude pourtant que nous le voyons s'engager dans cette voie
et préférer l'artifice à la nature : on aime à trouver chez un
débutant plus de naïveté et de conscience. M. Allègre a obtenu
un prix pour ses natures mortes. Il faut espérer qu'il ne se
laissera pas griser par ce succès hâtif et qu'il s'efforcera d'être
lui-même.

Je dois signaler aussi les peintures d'un autre élève de
Vollon, M. Etienne Martin, un tout jeune homme encore, qui
s'était déjà fait remarquer à l'Exposition régionale de l'année
dernière. Ce jeune artiste expose quelques intérieurs d'écurie
d'une exécution vigoureuse, d'une belle couleur et d'une bonne
entente de l'effet lumineux. Ces études, malgré quelques incor-
rections, annoncent un peintre.

Je ne vois à citer, en fait de dessins et d'aquarelles, qu'un
portrait au crayon de M. Toussaint, d'une charmante distinc-
tion, deux marines à la plume de M. Olive, très habilement
traitées, et des bords de mer de M. Pauzat, aquarelles d'une
exquise délicatesse de ton. MM. Toussaint et Pauzat ont obtenu
chacun un prix de la Société des Amis des Arts.

Je dois signaler aussi d'intéressants essais d'eau-forte faits à
Marseille par M. Amiel.

Les envois de M. Amy, l'auteur de la statue de Figaro,
apportent à l'exposition de sculpture, généralement composée
de portraits, l'intérêt d'une piquante ingéniosité. Voici d'abord
un buste de Figaro auquel fait vis-à-vis celui de Basile, deux
figures souples et vivantes dont l'artiste a spirituellement rendu
le caractère. La recherche de la physionomie conduit parfois
M. Amy à un excès de préciosité. Ainsi en est-il de deux petits
bustes en terre cuite, la Joie et le Chagrin, et aussi de ce groupe
de deux tètes sur un même socle que l'artiste intitule Jeune
femme et l'Amour. M. Amy expose en outre un buste en terre
cuite vigoureusement modelé, l'Enfer, et des médaillons d'un
léger relief dont l'un, Frère et Sœur, plaît par son sentiment
délicat; enfin un projet de monument à Puget, d'un heureux
arrangement.

M. Amy ayant obtenu une médaille au Salon se trouvait
 
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