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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 3)

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https://doi.org/10.11588/diglit.18609#0033

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réprouver, car c'est, sous pre'texte de propager le goût des arts,
le vrai moyen de calomnier et de faire prendre en horreur à la
fois et l'œuvre du peintre et celle du graveur.

Les éditeurs des Chefs-d'œuvre de la peinture italienne ont
mieux aimé recourir aux procédés modernes de la photogravure.
Ne pouvant pas faire graver à nouveau toutes ces planches, ce
qui aurait coûté horriblement cher, ne voulant pas employer des
planches hors de service qu'ils auraient pu avoir à bon marché,
mais qui ne répondaient pas à leurs intentions, ils ont imaginé
de faire faire des clichés d'après de bonnes épreuves empruntées
aux meilleurs graveurs de chaque artiste, et ils ont ainsi repro-
duit des fac-similés un peu froids et amollis, mais dont la plu-
part donnent une idée suffisante sinon du tableau, du moins de
la gravure reproduite. Plusieurs cependant des gravures qui
semblaient tout indiquées ont dû être laissées de côté, faute de
se prêter au procédé de reproduction adopté. Mais le nombre
de celles-ci est peu considérable, et grâce à l'obligeance des
conservateurs des cabinets des estampes de Stuttgart et de
Munich, et aussi de ceux de Berlin et de Vienne; grâce aux
conservateurs des collections royales de Saxe, aux sociétés artis-
tiques des provinces rhénanes et de Westphalie et à un certain
nombre de particuliers, tels que les maisons C. G. Luderitz, de
Berlin, E. A. Seemann, de Leipsig, H. Manz, de Munich, Goupil
et Cie, de Paris, et Fr. Alinari, de Florence, les éditeurs des
Classiques de la peinture italienne ont pu se procurer à peu près
ce qu'il y a eu de meilleur dans les gravures jusqu'alors publiées.

C'est là un point essentiel pour les amateurs. Reste à savoir
s'il n'y a pas à critiquer le choix fait par les éditeurs des œuvres
à reproduire. Ici, je l'avoue, je ne me trouve pas absolument
d'accord avec eux. Ces messieurs évidemment ont choisi leurs
classiques en se plaçant à un point de vue un peu étroit et
passablement académique. Ils admirent Léonard de Vinci et
Michel-Ange, mais ils adorent Raphaël. Ils ont reproduit de
Léonard cinq planches : la Vierge au donateur, la Cène, les
Quatre Cavaliers, Vanité et Modestie, la Joconde; de Michel-
Ange, cinq également : Création de l'homme, le Daniel de la
Sixtine, la Sibylle de Delphes de la Sixtine, une scène du Juge-
ment dernier, le Carton de Pise ; mais de Raphaël on nous
donne quinze planches, trois fois plus que de chacun des grands
maîtres précédents : le Mariage de la Vierge, la Madonna del
Passeggio, la Vierge à la chaise ( ! ! ), la Sainte Famille de Fran-
çois I", la Vierge de Saint-Sixte, Jésus portant sa croix, la
Transfiguration, la Dispute du Saint-Sacrement, lIncendie du
Borgo, la Bataille de Constantin, la Vision d'É^échiel, la
Guérison du paralytique, le Triomphe de Galatée, Léon X
avec deux cardinaux, une décoration murale des loges du
Vatican.

Les primitifs sont mis à la portion congrue : un Masaccio
Saint Denis payant le tribut; un Fra Filippo Lippi, la Sainte
Vierge et Jésus; un Benozzo Gozzoli, Noé en vendanges ; un
Sandro Botticelli, Vierge couronnée; un Domenico Ghirlandaio,
la Naissance de saint Jean-Baptiste ; un Luca Signorelli, lès
Derniers actes de Moïse; un Lorenzo di Credi, Adoration de
l'enfant Jésus, etc., etc.

Est-ce vraiment là une justice distributive bien équitable ?
Ce partage paraît d'autant plus singulier que l'auteur chargé de
la notice relative à Raphaël reconnaît formellement (pages 85 et
86) que la qualité saillante de son génie est une faculté extraor-
dinaire d'assimilation. Il s'assimile d'abord son maître le Pé-
rugin, dont il prend les procédés et la manière, au point de se
confondre avec lui. Plus tard « d'autres influences prévalurent,
avant tout la florentine. Elle était patente à la fin de 1504,
lorsque, sorti de chez Pérugin, il passa dans l'Athènes italienne.»
Là « le jeune Sanzio ne tarda pas à s'approprier les qualités
incontestables de Bartolommeo, comme la plénitude des formes,
la largeur des masses, la profondeur du coloris (?) Grâce à cela
la raideur péruginesque, un peu poncive, ne tarda pas à se
relâcher.)) — « Dans la Mise au tombeau on démêle une certaine

contrainte timorée et même çà et là un retour à d'anciens mo-
dèles (Mantegna). » Enfin, il arrive à Rome. « Armé de toutes
pièces, d'abord d'un fonds d'éducation péruginesque renforcé par
la contemplation à la Sixtine de travaux de maîtres éprouvés,
puis des avantages qu'il avait tirés de l'étude des monuments de
l'art florentin, depuis Masaccio jusqu'à Ghirlandaio, particuliè-
rement à la chapelle des Brancacci, au chœur de Sainte-Marie-
Nouvelle ; enfin pénétré du sentiment délicat et du sens parfait
de la forme qu'il tenait de Bartolommeo, ainsi que du modèle
de Léonard, le jeune maître se mit à l'œuvre. Quant à l'essence
du cycle des « Stances de la signature » qu'il fallait d'abord
peindre, on ne peut l'attribuer uniquement à Raphaël, ni dans
l'ensemble, ni dans le choix des détails. Quelque grande qu'on
puisse supposer sa culture littéraire, affinée par le contact avec
les Florentins les plus distingués, comme avec les hôtes illustres
qu'hébergeait la cour d'Urbin, Bembo, Bibiena et B. Casti-
glione, Sanzio ne pouvait suffire à l'agencement des groupes ni
au choix des figures de la Dispute du Saint-Sacrement et de
l'École d'Athènes. Il n'était pour cela ni assez théologien, ni
assez philosophe. Par exemple il s'entendait à merveille à coor-
donner les indications reçues, à répartir les figures suivant l'es- .
pace qui lui était attribué et suivant leur degré d'importance....
On ne peut pas mettre en doute, du moins dans la première
peinture, la présence de procédés et d'une conception tels que
les comprenait l'école ombrienne, de même qu'un rappel du
mode de composition de Bartolommeo... Comparées à laDispute,
les dernières peintures (le Parnasse et l'allégorie relative à
l'administration de la justice) font pressentir le commencement
d'une troisième manière chez Raphaël. Le jeune maître, à qui il
avait été donné de contempler avec tout le peuple en 1509 la
première moitié du plafond peint par Michel-Ange, n'avait pas
été sans s'avouer que le grand Florentin l'emportait sur lui en
matière de conception monumentale. Il devait se dire que,
puisque le Pape Pélevait à quelque chose de mieux que la pein-
ture de chevalet et de sainteté, il ne lui serait pas mauvais de
s'inspirer de la manière de Michel-Ange, comme il l'avait fait
jadis pour celle de Bartolommeo.... D'ailleurs dans la Madonna
Carpi à Naples, dans la Vierge aux poissons à Madrid, à côté
de l'influence de Bartolommeo, on commence à pressentir la
présence de Sébastien del Piombo à Rome (1511). »

C'est un véritable kaléidoscope et une transformation per-
pétuelle ; Raphaël revêt la couleur de tous les milieux qu'il tra-
verse. Il représente d'avance la plus merveilleuse incarnation
de l'école éclectique qui n'existe pas encore, mais qui se for-
mera bientôt en se mettant très justement sous le patronage de
son nom. . «

Franchement est-ce là un mérite suffisant pour faire de ce
génie docile et facile le prototype de l'art et le modèle achevé
de toute perfection? Je sais bien tout ce qu'on peut dire à la
louange de Raphaël; je reconnais sans peine .que les Raphaël ne
sont pas plus communs que les Vinci, les Michel-Ange, les
Rembrandt, les Rubens, et qu'un pareil ensemble de qualités
secondaires réunies en un seul homme n'est pas moins rare que
la prodigieuse exaltation de deux ou trois facultés spéciales
dont la réunion constitue le génie propre des autres grands artistes.
Mais vraiment je ne crois pas que la solution de la question
dépende du plus ou moins de rareté des cas. Pour nous l'art
consiste essentiellement dans la manifestation d'une personna-
lité énergique et tranchée, qui manque surtout a Raphaël, —
car elle est juste le contraire de la souplesse et de la faculté
d'assimilation qui est sa qualité maîtresse — et qui ne saurait
être vraiment compensée par aucun éclectisme quelconque.
A nos yeux Raphaël est le premier des artistes de second ordre.
Aussi est-ce lui qui a donné en Italie le signal de la décadence.
Après lui, il n'y a plus de place que pour les habiles ; les sincères,
les grands, les naïfs ont à jamais disparu. Tant que Raphaël
restera le modèle de notre enseignement artistique, notre ensei-
gnement demeurera stérile, parce qu'il restera négatif. On n'en-
 
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