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L'ART.
« Je vous propose donc, en premier lieu, de donner une place importante à l'art monumental,
à cet art d'intérêt public que l'État a pour mission d'encourager spécialement, parce que c'est
son auxiliaire le plus utile. L'architecture tiendra, dans nos salles intérieures, la place qui lui est
due comme à l'art fondamental d'où procèdent tous les arts décoratifs. Autour des projets et des
restaurations de nos architectes, se rangeront les travaux de la peinture monumentale et décora-
tive. Des esquisses, des maquettes, des aquarelles, au besoin même des photographies prises sur
place, reconstitueront pour l'imagination autant que possible les milieux que ces travaux doivent
occuper. Il en sera de même pour les œuvres de la sculpture monumentale. Dans ces deux sections
(peinture et sculpture), le jury spécial aura droit, par dérogation au règlement, d'admettre,
quel qu'en soit le nombre, tout assemblage de sculptures ou de peintures formant soit un monu-
ment complet, soit un ensemble indivisible. N'est-il pas fâcheux que, jusqu'à présent, les ouvrages
les plus importants de nos artistes, par suite de la rigueur d'une formule, aient pu être soustraits
Intérieur d'une étable, a Ollwiller (Alsace).
Dessin de Niederhausern-Kœchlin, d'après son tableau. (Salon de 1880.)
au jugement de tous dans l'endroit et à l'heure où ce jugement s'exerce le mieux: Il est certain
d'ailleurs que la vue de ces ensembles, où la pensée de l'artiste s'imprime en traits plus fermes,
plus libres, plus expressifs, accoutumera peu à peu le public à comprendre l'Art d'une façon plus
haute, dans ses manifestations complètes. »
Assurément ces propositions sont intelligentes, tout à fait dans l'esprit qui doit animer une
administration républicaine. Mais nous doutons qu'elles soient réalisables dans les Salons annuels,
et, dès celui-ci, on a été forcé de renoncer aux parties du programme que nous avons soulignées,
c'est-à-dire, en réalité, au programme lui-même. Les Salons annuels ont dégénéré en halles
commerciales dans lesquelles, selon sa force, chacun envoie à peu près librement sa production
de l'année. Le fait est tellement patent, que le ministre de l'Instruction publique et des Beaux-
Arts, à un banquet qu'il présidait, a déclaré aux membres des jurys réunis que, « ainsi que
l'avait dit M. Thiers pour le budget d'un milliard, il fallait saluer ce Salon de sept mille envois,
1. Cette dernière proposition serait facilement réfutable. Le Salon, ou l'attention est sans cesse morcelée, qui n'offre qu'un ensemble
banal, ne peut reconstituer les conditions spéciales en vue desquelles l'œuvre a été exécutée, ni les conditions de jour, d'effet, de perspective,
en un mot de convenances de tout ordre dans lesquelles elle est placée. A cela près, l'idée est ingénieuse.
L'ART.
« Je vous propose donc, en premier lieu, de donner une place importante à l'art monumental,
à cet art d'intérêt public que l'État a pour mission d'encourager spécialement, parce que c'est
son auxiliaire le plus utile. L'architecture tiendra, dans nos salles intérieures, la place qui lui est
due comme à l'art fondamental d'où procèdent tous les arts décoratifs. Autour des projets et des
restaurations de nos architectes, se rangeront les travaux de la peinture monumentale et décora-
tive. Des esquisses, des maquettes, des aquarelles, au besoin même des photographies prises sur
place, reconstitueront pour l'imagination autant que possible les milieux que ces travaux doivent
occuper. Il en sera de même pour les œuvres de la sculpture monumentale. Dans ces deux sections
(peinture et sculpture), le jury spécial aura droit, par dérogation au règlement, d'admettre,
quel qu'en soit le nombre, tout assemblage de sculptures ou de peintures formant soit un monu-
ment complet, soit un ensemble indivisible. N'est-il pas fâcheux que, jusqu'à présent, les ouvrages
les plus importants de nos artistes, par suite de la rigueur d'une formule, aient pu être soustraits
Intérieur d'une étable, a Ollwiller (Alsace).
Dessin de Niederhausern-Kœchlin, d'après son tableau. (Salon de 1880.)
au jugement de tous dans l'endroit et à l'heure où ce jugement s'exerce le mieux: Il est certain
d'ailleurs que la vue de ces ensembles, où la pensée de l'artiste s'imprime en traits plus fermes,
plus libres, plus expressifs, accoutumera peu à peu le public à comprendre l'Art d'une façon plus
haute, dans ses manifestations complètes. »
Assurément ces propositions sont intelligentes, tout à fait dans l'esprit qui doit animer une
administration républicaine. Mais nous doutons qu'elles soient réalisables dans les Salons annuels,
et, dès celui-ci, on a été forcé de renoncer aux parties du programme que nous avons soulignées,
c'est-à-dire, en réalité, au programme lui-même. Les Salons annuels ont dégénéré en halles
commerciales dans lesquelles, selon sa force, chacun envoie à peu près librement sa production
de l'année. Le fait est tellement patent, que le ministre de l'Instruction publique et des Beaux-
Arts, à un banquet qu'il présidait, a déclaré aux membres des jurys réunis que, « ainsi que
l'avait dit M. Thiers pour le budget d'un milliard, il fallait saluer ce Salon de sept mille envois,
1. Cette dernière proposition serait facilement réfutable. Le Salon, ou l'attention est sans cesse morcelée, qui n'offre qu'un ensemble
banal, ne peut reconstituer les conditions spéciales en vue desquelles l'œuvre a été exécutée, ni les conditions de jour, d'effet, de perspective,
en un mot de convenances de tout ordre dans lesquelles elle est placée. A cela près, l'idée est ingénieuse.