Overview
Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 3)

DOI Artikel:
Pecht, Fr.: De l'état actuel de la peinture en Allemagne, [1]
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.18609#0096

DWork-Logo
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
DE L'ÉTAT ACTUEL DE LA PEINTURE EN ALLEMAGNE. 81

l'âme, avait pour but et pour idéal de délivrer l'Allemagne du joug que lui imposait Napoléon.
Produit de la haine de son temps, cet art allemand d'une époque un peu plus reculée n'est
grand que dans la représentation de ce que nul homme n'a jamais vu, dans l'empire des mythes
religieux, des allégories, des fables, des rêveries de toutes sortes. La beauté n'était pas le but
de l'œuvre : la pensée était tout : on cherchait à rendre le monde intérieur des sentiments
élevés. Aujourd'hui, cette tendance n'existe plus, pour ainsi dire : elle a été entièrement chassée
par le réalisme né à la fois et de l'imitation des maîtres anciens, et de l'influence de l'école
française.

L'influence française sur l'art allemand a toujours été très puissante, malgré l'opposition
constante de notre naturel entêté. Nous sommes toujours très disposés à accueillir avec admiration
les œuvres étrangères, celles-là mêmes qui ne se prêtent que difficilement à notre milieu et à
notre caractère. Puis, notre humeur inquiète et errante nous conduit presque toujours à Rome
et à Paris, dont l'art nous fascine singulièrement par sa perfection technique, par le fini des
études et le développement du goût. Cela se vit au xvn° siècle surtout, lorsque la cour brillante
de Louis XIV devint l'idéal de tous les petits monarques allemands, qui l'imitèrent et engen-
drèrent par là les plus absurdes des caricatures. Toutes ces petites cours furent inondées d'e
peintres et d'architectes français, aussi bien que d'acteurs, de maîtres de danse, de coiffeurs et
de cuisiniers de même origine, qui entreprirent la tâche ingrate de raffiner nos mœurs vraiment
barbares. En réalité ils firent de nos classes supérieures, non pas des Parisiens, mais des
demi-singes. L'apparition de notre littérature classique et les guerres contre Napoléon mirent
un terme à cette immigration. Mais bientôt nos compatriotes envahirent la France en masse,
non pour y enseigner, mais pour s'y instruire. Aujourd'hui encore il est bien peu de peintres
allemands qui n'aient pas vécu pendant quelque temps à Paris : beaucoup même s'y sont fixés.

David, Gérard et Gros formèrent déjà un grand nombre de peintres allemands, Ingres et
Delaroche un plus grand nombre encore. Plus tard Gérôme, Jules Dupré, Rousseau, Courbet et
Meissonier exercèrent une influence considérable sur la peinture allemande. Non seulement
Winterhalter, mais Piloty, Knaus, Richter, Feuerbach, Schreyer, Victor Muller, Bœklin, Lenbach,
Makart, Defregger, ces maîtres de l'Allemagne actuelle, ont presque tous travaillé pendant de
longues années à Paris sans s'attacher spécialement à telle ou telle école. Plusieurs d'entre eux
ont fait leur réputation et leur fortune dans cette ville, si impartiale dans l'appréciation du
mérite, si hospitalière pour tous les étrangers. Oui, l'on peut dire que Paris a eu, sur notre
jeune école de peinture, la même influence que Rome sur nos vieux maîtres. Ce qui nous y remplit
surtout d'admiration, c'est de voir l'empire exercé sur toutes les conditions de la vie par les
beaux-arts, l'estime dont ils y jouissent et les liens étroits qui les rattachent à tout l'ensemble de
la production de la France. Paris est en vérité le seul endroit au monde où l'art tienne la place
qui lui est due : sauf Athènes et Florence, aucune autre ville ne peut se vanter de rien de pareil.

Pourtant, malgré cette admiration incontestable, la peinture allemande ne s'est approprié ni
l'habileté technique, ni la manière de voir des maîtres français. Nous ne faisons guère rien
d'important, que dans un ordre peu familier aux peintres de Paris : de sorte que l'histoire de
l'art ne nous offre pas d'exemple de deux peuples aussi bien constitués pour se compléter au lieu
de se combattre.

Fr. Pecht.

Tome XXII. 11
 
Annotationen