L'ART ITALIEN A ROME. 205'
romain à la stérilité ? Suivant les lois mystérieuses qui président à l'éclosion d'un art, un des
éléments nécessaires dominait-il les autres dans des proportions trop fortes pour en permettre
la fusion complète et le mélange fécondant ? A Rome, l'équilibre ne pouvait-il exister, dans la
doctrine, entre la liberté, indispensable à la création d'un style, et l'autorité tyrannique des
exemples professés par les Anciens ? Tels sont les problèmes que les documents découverts par
M. Mùntz viennent poser à la philosophie de l'histoire. En tout cas il est déjà bien certain que
l'art de la Renaissance italienne n'est pas né à Rome, dans cette Rome où, à priori, on eût été
tenté de rechercher son berceau.
Mais si l'art de la Renaissance, en fait et quelle qu'en soit la raison, n'est pas né à Rome,
c'est à Rome qu'il a vécu en pleine lumière, c'est là qu'il a vieilli, c'est là qu'il devait mourir.
En effet, Rome, à l'image de toutes les capitales, a, de bonne heure, attiré à elle toutes les
forces vives de l'Italie et sucé, jusqu'à la tarir, la sève artiste de la nation. Les architectes, les
sculpteurs et les peintres ne recevaient pas de couronnes d'or au Capitole, mais la ville aux sept
collines exerçait sur eux, aussi bien que sur les poètes, une véritable fascination ; et les goûts
somptueux des papes assuraient un emploi à l'activité de leur jeunesse, comme ils promettaient
au talent éprouvé de leur âge mûr la plus glorieuse des consécrations. Rome, d'ailleurs, avec ses
ruines grandioses et son immobilité pittoresque, était la ville sainte de l'art, de même qu'elle était
le sanctuaire privilégié de la religion. A partir du xv° siècle, le Colisée, la Rotonde, le Forum
eurent leurs pèlerins comme le tombeau des Apôtres. Il en résulte que si le livre de M. Mùntz
est presque un procès-verbal de carence dressé à l'endroit de l'art romain proprement dit, ce
livre constitue au contraire la plus importante contribution à l'histoire générale des arts en
Italie. Dans ses longues listes nous voyons la plupart des grands créateurs italiens défiler au pied
du Vatican et émarger sur les registres de la chancellerie pontificale.
M. Mûntz a étendu autant qu'il l'a pu l'immense enquête qu'il voulait dresser sur la
participation des papes à l'œuvre de la renaissance des arts. Non content de recueillir tous les
témoignages déjà connus et de coordonner les dépositions des contemporains parvenues jusqu'à
nous, il s'est attaqué à la masse énorme des comptes inédits et des documents d'archives. C'est,
avant tout, à ces témoins, qui ne savent pas mentir, c'est à ce miroir fidèle, qui retrace presque
jour par jour la physionomie de ses personnages, que l'auteur est allé demander la vérité.
Les documents publiés par M. Mùntz sont tirés : i° des archives d'Etat créées à Rome par
le gouvernement italien ; 20 des archives secrètes du Vatican ; 30 des archives du chapitre de Saint-
Pierre ; 40 des archives de la Basilique de Saint-Pierre; Ç des bibliothèques romaines; 6° des
archives d'État de Florence. Us proviennent principalement des registres de payement ou de
mandats de la chambre apostolique et de la trésorerie particulière des papes. On comprend
l'autorité que les jugements formulés après une instruction aussi consciencieuse emprunteront
au dépouillement systématique de pareilles sources d'histoire.
M. Mùntz consacre d'abord à chaque pape une notice préliminaire dans laquelle il apprécie
d'ensemble l'action individuelle des souverains pontifes sur les arts. Puis il énumère les travaux
entrepris pour chacun des monuments élevés ou restaurés. Il classe ensuite dans des chapitres
spéciaux les divers arts ou métiers employés par les commandes de chaque pape. De cette façon
la progression des idées et la marche de l'art sont faciles à saisir. On voit immédiatement d'où
partent l'initiative et les efforts, à quoi ils s'appliquent, et quel est l'apport particulier de chaque
spécialité dans l'admirable concours de la Renaissance à Rome. Cet ordre lumineux, si agréable
pour le lecteur, n'est pas moins favorable à l'érudit qui, après avoir lu, voudra consulter
l'ouvrage. La division des chapitres n'a rien de factice et, à l'aide des titres courants, on trouve
immédiatement le passage auquel on veut recourir. Il résulte en outre de l'ordonnance bien
raisonnée de ce livre que les documents originaux constamment cités ont pu être intercalés dans
le texte et, pour employer l'expression consacrée, ont été digérés par leur éditeur. L'ouvrage de
M. Mùntz ne se fractionne donc pas, comme beaucoup d'autres, en une introduction nécessai-
rement un peu vague, et une série de documents trop capiteux, juxtaposés au hasard, rejetés à
la fin du travail, documents qu'on ne lit généralement pas et où les recherches, sans table, sont
romain à la stérilité ? Suivant les lois mystérieuses qui président à l'éclosion d'un art, un des
éléments nécessaires dominait-il les autres dans des proportions trop fortes pour en permettre
la fusion complète et le mélange fécondant ? A Rome, l'équilibre ne pouvait-il exister, dans la
doctrine, entre la liberté, indispensable à la création d'un style, et l'autorité tyrannique des
exemples professés par les Anciens ? Tels sont les problèmes que les documents découverts par
M. Mùntz viennent poser à la philosophie de l'histoire. En tout cas il est déjà bien certain que
l'art de la Renaissance italienne n'est pas né à Rome, dans cette Rome où, à priori, on eût été
tenté de rechercher son berceau.
Mais si l'art de la Renaissance, en fait et quelle qu'en soit la raison, n'est pas né à Rome,
c'est à Rome qu'il a vécu en pleine lumière, c'est là qu'il a vieilli, c'est là qu'il devait mourir.
En effet, Rome, à l'image de toutes les capitales, a, de bonne heure, attiré à elle toutes les
forces vives de l'Italie et sucé, jusqu'à la tarir, la sève artiste de la nation. Les architectes, les
sculpteurs et les peintres ne recevaient pas de couronnes d'or au Capitole, mais la ville aux sept
collines exerçait sur eux, aussi bien que sur les poètes, une véritable fascination ; et les goûts
somptueux des papes assuraient un emploi à l'activité de leur jeunesse, comme ils promettaient
au talent éprouvé de leur âge mûr la plus glorieuse des consécrations. Rome, d'ailleurs, avec ses
ruines grandioses et son immobilité pittoresque, était la ville sainte de l'art, de même qu'elle était
le sanctuaire privilégié de la religion. A partir du xv° siècle, le Colisée, la Rotonde, le Forum
eurent leurs pèlerins comme le tombeau des Apôtres. Il en résulte que si le livre de M. Mùntz
est presque un procès-verbal de carence dressé à l'endroit de l'art romain proprement dit, ce
livre constitue au contraire la plus importante contribution à l'histoire générale des arts en
Italie. Dans ses longues listes nous voyons la plupart des grands créateurs italiens défiler au pied
du Vatican et émarger sur les registres de la chancellerie pontificale.
M. Mûntz a étendu autant qu'il l'a pu l'immense enquête qu'il voulait dresser sur la
participation des papes à l'œuvre de la renaissance des arts. Non content de recueillir tous les
témoignages déjà connus et de coordonner les dépositions des contemporains parvenues jusqu'à
nous, il s'est attaqué à la masse énorme des comptes inédits et des documents d'archives. C'est,
avant tout, à ces témoins, qui ne savent pas mentir, c'est à ce miroir fidèle, qui retrace presque
jour par jour la physionomie de ses personnages, que l'auteur est allé demander la vérité.
Les documents publiés par M. Mùntz sont tirés : i° des archives d'Etat créées à Rome par
le gouvernement italien ; 20 des archives secrètes du Vatican ; 30 des archives du chapitre de Saint-
Pierre ; 40 des archives de la Basilique de Saint-Pierre; Ç des bibliothèques romaines; 6° des
archives d'État de Florence. Us proviennent principalement des registres de payement ou de
mandats de la chambre apostolique et de la trésorerie particulière des papes. On comprend
l'autorité que les jugements formulés après une instruction aussi consciencieuse emprunteront
au dépouillement systématique de pareilles sources d'histoire.
M. Mùntz consacre d'abord à chaque pape une notice préliminaire dans laquelle il apprécie
d'ensemble l'action individuelle des souverains pontifes sur les arts. Puis il énumère les travaux
entrepris pour chacun des monuments élevés ou restaurés. Il classe ensuite dans des chapitres
spéciaux les divers arts ou métiers employés par les commandes de chaque pape. De cette façon
la progression des idées et la marche de l'art sont faciles à saisir. On voit immédiatement d'où
partent l'initiative et les efforts, à quoi ils s'appliquent, et quel est l'apport particulier de chaque
spécialité dans l'admirable concours de la Renaissance à Rome. Cet ordre lumineux, si agréable
pour le lecteur, n'est pas moins favorable à l'érudit qui, après avoir lu, voudra consulter
l'ouvrage. La division des chapitres n'a rien de factice et, à l'aide des titres courants, on trouve
immédiatement le passage auquel on veut recourir. Il résulte en outre de l'ordonnance bien
raisonnée de ce livre que les documents originaux constamment cités ont pu être intercalés dans
le texte et, pour employer l'expression consacrée, ont été digérés par leur éditeur. L'ouvrage de
M. Mùntz ne se fractionne donc pas, comme beaucoup d'autres, en une introduction nécessai-
rement un peu vague, et une série de documents trop capiteux, juxtaposés au hasard, rejetés à
la fin du travail, documents qu'on ne lit généralement pas et où les recherches, sans table, sont