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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 3)

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Soldi, Émile: Les arts de l'Amérique d'après "Pérou et Bolivie" par Charles Wiener, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18609#0248

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212

L'ART.

ni

Le point le plus important à rappeler en face des sculptures
de l'Amérique, c'est qu'elles sont l'œuvre de socie'te's qui ne
connaissaient pas les outils en fer. Les peuples de l'Anahuac,
comme ceux du Pérou, ne connaissaient que le cuivre, l'étain,
par conséquent le bronze. On n'a pas manqué de prétendre, pour
eux comme pour tous les peuples de l'antiquité, qu'ils possé-
daient une façon particulière de tremper le cuivre (B. de Bour-
bourg, Mon. anciens du Mexique, p. II), mais nous avons déjà
démontré combien sont gratuites de telles assertions, et rien
n'empêche d'en rester à la croyance ordinaire, c'est-à-dire de
penser qu'ils se servaient d'instruments en pierre plus ou moins
dure, suivant la nature de la matière qu'ils travaillaient

Il est aussi nécessaire de rappeler que les habitants successifs
de l'ancien Mexique se sont attaqués à toutes les pierres connues
pour les sculpter.

Les pierres fines les plus rebelles au travail, et parmi celles-ci
l'obsidienne, l'émeraude, la chalchinite, ont été généralement
sculptées et non gravées par les Américains. Ce fait est d'autant
plus curieux que, chez les peuples classiques de l'antiquité
comme chez les modernes, qui ont possédé ou possèdent encore
une facilité relative pour obtenir les formes les plus diverses
dans ces matériaux, on ne s'est guère attaqué à ces matières
qu'en les gravant, c'est-à-dire après les avoir dressées dans un
plan droit, en y traçant plus ou moins profondément des petites
figures, mais non en donnant à la pierre elle-même des mouve-
ments et des formes : en un mot en faisant de la sculpture.

Les Américains au contraire ont fait des sculptures sur
pierres fines, et n'ont presque pas fait de gravures.

Il n'existe pas d'intailles péruviennes ; il existe des médail-
lons et des figurines sculptés, en chalchinite, en obsidienne. De
cette hardiesse unique et incroyable chez un peuple à l'âge de
pierre est née une sculpture particulière, ingénieuse dans ses
procédés, barbare dans ses résultats, c'est-à-dire que, suivant le
plus ou moins d'industries employées, les œuvres en sont
variées, délicates ou insensées, mais toujours étranges et
bizarres.

Les sculptures américaines sur pierres fines peuvent se
diviser, au point de vue de l'art ou de l'exécution, en trois sys-
tèmes, que nous nommerons: i° le système cylindrique; 2° le
système mixte; 30 le système linéaire. Dans le premier, tout
est fait par des cercles et parties de cercles ; dans le deuxième,
les cercles se mélangent de lignes droites ; dans le troisième, il
n'y a que des lignes droites. Les têtes et les médaillons sont
le plus souvent faits d'après le premier système ; les petites sta-
tuettes d'après le dernier. Dans les trois procédés, les Américains
montrent qu'ils n'ont jamais pu donner à une pierre toutes les
sinuosités ou délicatesses de formes qu'on eût pu désirer, et
qu'ils n'ont jamais su rendre que des lignes droites ou complè-
tement rondes ; les lignes courbes intérieures non régulières
leur étaient interdites.

L'année dernière, nous avons visité à Londres la collection
ethnographique trop peu connue qui porte le nom de Musée
Cristy. Ce musée renferme les dessins gravés sur des os d'ani-
maux par les habitants des cavernes de la Dordogne à l'âge du
renne, reliques nationales auxquelles on n'aurait jamais dû laisser
passer le détroit. Je fus surpris devant la vitrine placée au
centre de la salle américaine, non seulement par le carac-
tère riche et par l'éclat sinistre des fameux masques en mo-
saïque, si connus, grâce aux reproductions chromo-lithographi-
ques de l'ouvrage de Waldeck, mais aussi par quelques petits,
mais magnifiques échantillons de la sculpture aztèque, qui me
semblèrent à première vue avoir exigé un art et un outillage
beaucoup plus complets que celui que possédaient les popula-
tions de l'Amérique, avant l'arrivée des Espagnols.

La pièce la plus parfaite de la vitrine est sculptée sur une
pierre très dure, qui nous a paru, autant que nous avons pu
en juger par l'examen extérieur, être cette pierre verte, si esti-
mée à juste titre par les anciens Indiens sous le nom de Chal-
chinite. La sculpture, polie avec soin, donne à cette substance
la belle apparence d'émail vert, qui caractérise cette espèce de
jade.

La "beauté de la pierre, l'arrangement artistique de la tête
qui y est représentée, trompent au premier abord, et ne permet-
tent guère de constater l'imperfection de son exécution. Un exa-
men minutieux démontre la faiblesse des procédés comme celle
du résultat, dissimulés d'ailleurs d'une manière très habile.
D'abord l'artiste mexicain a souvent conformé la composition, les
plans et l'arrangement de son sujet d'après les accidents naturels
ou la forme de sa pierre, et, malgré l'art extrême qu'il y a mis, il
n'a pas toujours su déguiser ces accidents, comme on peut le voir
à l'angle supérieur de gauche, où la plume delà coiffure manque
de saillie et suit toutes les anfractuosités de la matière. Tous les
traits de cette sculpture sont produits, tant bien que mal, par
des rayures droites ou circulaires les plus simples à obtenir, les
premières avec une pierre, les secondes avec l'extrémité du tube
que forme un roseau ou un os. L'artiste était du reste si peu
maître de la matière, qu'il n'a même pas essayé de rendre l'œil
ouvert et que la simple raie qui sépare les deux paupières s'éloi-
gne trop et coupe aussi les tempes. Ce défaut est encore plus
visible au nez qui, à la base, est séparé de la bouche par une
rayure longitudinale que le va et vient de la pierre anguleuse,
lave volcanique ou obsidienne, a prolongée sur les joues. Enfin,
à toutes les extrémités de la coiffure, à tous les points que l'ar-
tiste a voulu accentuer, il a foré une série de trous de la môme
grandeur, très facilement obtenus, car ils sont trop accentués. En
dernier lieu, le frottement avec des poudres siliceuses a donné
un beau poli à la pierre, régularisé les grandes formes de la
tête, obtenues par un petit éclatement, et enlevé, autant que cela
était possible, les rayures trop accentuées.

Emile Soldi.

[l.a fin prochainement.)

1. Montésinos parle pourtant (chapitre v, page 75) d'arraes et outils en fer, apportés par les géants ou Chimus arrivés par mer sur les côtes de l'Equateur et du
Pérou, sous le règne de Ayartarco Cupo, douzième souverain de Cusco, fin du deuxième cycle millénaire.

Mais pour qu'une civilisation ait oublié le fer, il faut admettre un immense désastre, et nous savons que les Mexicains, avec leurs pierres, faisaient de très bons
travaux.

Les autres historiens nient l'emploi du fer. « Les statues étaient généralement de pierre ou de bois, dit Espinosa, ils travaillaient les premiers sans fer, ni acier,
ni autres instruments que des pierres dures. Toute leur incomparable patience et constance était nécessaire pour arriver à vaincre tant de difficultés, et surtout
l'imperfection des moyens qu'ils employaient. Ils savaient donner à leurs statues toutes les postures que le corps humain est capable de prendre, observant exacte-
ment les proportions, et faisant avec précision les travaux les plus fins et les plus délicats. » (Vast de Mexico, page 657, par F. Carfayal Espinosa, 1863, Mexico.)
Voir la même affirmation dans Torquemada, livre XIII, page 4S6, tome II, et Gam, p. 113, et par Garcilasso, livre III, chapitre xvi, sur les pêcheurs qui n'avaient
pas d'hameçon d'acier quoiqu'ils possédassent des mines de fer.

M. de Saussure (le descendant du célèbre géologue) a été assez heureux pour retrouver dans les roches du Mexique, situées à la Sierra de las Mabagas (la Mon-
tagne des cailloux), l'antique carrière d'obsidienne exploitée par les anciens naturels. 11 y a ramassé quantité de pierres diverses, les unes ébauchées servant à
l'ablation d'une série de lamse à deux tranchants, obtenues par le choc appliqué habilement. Suivant M. de Saussure, la façon première se réduisait à produire un gros
prisme à six côtés, dont les arêtes verticales, successivement et régulièrement abattues, laissaient encore un prisme à six pans que l'on débitait de la même manière
jusqu'à ce que le résidu ou noyau fût trop aminci pour continuer l'opération. L'historien espagnol Hernandez dit avoir ainsi fabriqué cent lances par heure.
 
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