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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 3)

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Pecht, Fr.: De l'état actuel de la peinture en Allemagne, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18609#0260

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224 L'ART.

publics, propriété commune, accessible à tous. Sa peinture, malheureusement, n'est pas à la
hauteur de ses compositions grandioses. Aussi ferait-on bien de l'étudier, surtout dans les photogra-
phies de ses cartons. Ce défaut de l'école de Cornélius fut cause de l'abandon dans lequel elle
tomba si promptement. Deux de ses élèves seulement méritent d'être nommés : ce sont Kaulbach
et Schwind. Tous deux n'ont que le style du maître, sans atteindre à sa hauteur.

Kaulbach, dont les travaux sont bien connus en France, est aussi plastique, aussi pessimiste,
que Cornélius est grand et croyant ; il ne voit dans ce monde qu'un mélange de sots et de
coquins, dont son humeur sarcastique représente les manières de faire avec un très grand talent.
Son œuvre principale, les illustrations colossales de l'histoire universelle, au musée de Berlin,
témoigne à la fois et de la richesse de son talent et de l'affectation de son genre. Bien plus
intéressantes nous semblent ses illustrations du Roman du Renard, inspirées évidemment par
Grandville : sous des noms d'animaux, il nous y montre les hommes et tous leurs vices et leurs
faiblesses, qu'il dépeint avec un humour digne de Shakespeare.

Dans un cercle bien plus étroit, Schwind déploie plus de génie et d'originalité. Sans doute
il n'est que dessinateur, et sa couleur est très mauvaise. Mais ce mauvais coloriste est essen-
tiellement un romantique et un humoriste ; aussi, ses illustrations des contes des fées, entre
autres de l'Histoire des sept corbeaux, de Cendrillon, de la Belle Mélusine, composées toutes en
séries cycliques, peuvent-elles compter parmi les plus beaux triomphes de l'art allemand moderne.
Une richesse de figures qui rappelle à la fois et la grâce de la Renaissance italienne, et la naïveté
sérieuse de Durer, le charme, la brillante gaieté, enfin des inventions toujours heureuses caracté-
risent ces dessins. Schwind est Viennois, mais il vivait à Munich. 11 a toute la vivacité sanguine,
tout le brio de ses compatriotes, sans leur frivolité ; moralement, il est parent de Mozart : le
but de toute production artistique est, à ses yeux, la beauté. Le conte n'est qu'un moyen dont il
se sert pour arriver à ce but.

La peinture d'histoire n'a produit, dans la vieille école de Dusseldorf, que deux individualités
d'une réelle importance, Lessing et Alfred Rethel. Celui-ci est un des premiers réalistes de
l'Allemagne, contemporain de Delaroche, dont il n'a pas le talent. Il a eu pourtant du succès,,
parce que, le premier, il a su adroitement exploiter l'histoire des luttes et de la victoire définitive
du protestantisme. Rethel a plus de génie : il y a dans ses œuvres une grandeur sauvage
incontestable, une imagination d'une richesse immense. Il a représenté en fresques colossales, à
Aix-la-Chapelle, l'histoire de Charlemagne. Ses Danses macabres, conçues dans un ordre d'idées
qui rappelle exactement Holbein, l'emportent peut-être sur ce dernier par la grandeur de la
composition. Lui aussi brille plus par le dessin et la composition que par la couleur. Enlevé
trop tôt à l'art par la perte de- sa raison, il mourut avant d'avoir pu atteindre à la perfection
que nous faisaient espérer ses œuvres.

Lorsqu'au signal donné par Paris se produisit le mouvement de 1848, la Révolution, en
jetant par-dessus bord toutes les vieilles constitutions de nos États, emporta clans le tourbillon
notre vieille école classique. Les maîtres nommés ci-dessus restèrent quelque temps sur la brèche;
mais ces généraux n'avaient plus d'armées : leurs écoles restaient vides. Le réalisme moderne
leur enlevait le terrain pied à pied. On était las de n'avoir que des cartons ou des dessins au
lieu de tableaux; on demandait aux peintres une étude plus complète, plus fidèle, de la nature,
et enfin plus de couleur. A côté de tant de rois détrônés, de tant de souverains dépossédés, on
vit tomber Cornélius et Kaulbach. Ce dernier eut pour successeur, à Munich, Piloty, naturaliste
de beaucoup de talent et de peu d'esprit, mais qui pour la première fois se remit à une étude
approfondie de la peinture et apprit sérieusement le métier de son art. Tout en ayant la préten-
tion de n'avoir d'autre professeur que la nature, il se rattache évidemment à Delaroche et à
Gallait ; ses premières peintures, qui firent une sensation extraordinaire, prouvent surabondam-
ment cette vérité. La guerre de Troie fit place alors à la guerre de Trente ans. Les armures
d'acier, le velours et la soie succédèrent à la nudité classique, à la toge romaine. Ce fut un
grand mouvement, comparable à celui qu'avec plus de génie, Géricault et Delacroix avaient fait
naître en France.
 
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