Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 3)

DOI article:
Soldi, Émile: Les arts de l'Amérique d'après "Pérou et Bolivie" par Charles Wiener, [2]
DOI Page / Citation link: 
https://doi.org/10.11588/diglit.18609#0270

DWork-Logo
Overview
loading ...
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
234

L'ART.

et l'on verra facilement que ce dernier monument n'est qu'une
représentation barbare du même art obtenue avec plus de diffi-
culté ou d'impuissance.

Le troisième système de gravure, celui où ne se trouvent
que des lignes droites, a été surtout usité chez les Zapotèques,
principalement pour essayer des représentations de figures
rondes bosses en pierres fines. Ici l'usure par le frottement a été
combinée de manière à former trois plans, l'un pour le dos de la
figurine et les deux autres pour les deux-côtés, de façon à pré-

GuERRIER antique1.

Bas-relief en porphyre brun (du Pashash), actuellement à Cabana.
Gravure extraite de Pérou et Bolivie. Hachette et O, éditeurs.

senter un angle à milieu de la face principale. Le musée ethno-
graphique qui s'organise au Trocadéro en possède toute une
série rassemblée dans une vitrine de la collection Pinart.

V

C'est surtout la sculpture américaine, en pierres dures,
granit, porphyre, diorite, enfermée de même dans des limites

Fresque antique sur un mur de la « Fortaleza » de Paramonga 2.
Silhouettes rouges sur fond jaune ; longueur du mur, y™, 20.
Gravure extraite de Pérou et Bolivie. Hachette et C'*, éditeurs.

artistiques infranchissables et toutes particulières, qui a fait sup-
poser des origines égyptiennes aux civilisations qui les avaient
enfantées; supposition dont la trace est restée jusque dans les
dénominations adoptées, telles que celle du temple de Palanqué
qu'une statue ronde bosse, placée a l'extérieur, a fait surnom-
mer temple de l'Egyptien.

Évidemment de grands rapports artistiques devaient naître
entre les deux pays, qui, tous deux, avaient possédé les mêmes
matériaux, et les avaient employés avec une grande prédilection

pour les œuvres monumentales, destinées à être placées à l'exté-
rieur, et à passer à l'éternité. La sculpture égyptienne avait été
fortement influencée par ces matériaux, ainsi que nous l'avons
fait remarquer3, et elle s'était vue amenée à une simplicité de
mouvement, une largeur de formes qui lui donnent une grande
originalité. Mais combien l'artiste mexicain, et surtout le péru-
I vien, sera-t-il encore plus dominé, annihilé, par la matière qu'il
aura à employer !

M. Wiener rappelle (page 567), l'appréciation de d'Orbigny :
« Leur sculpture était dans l'enfance, puisque souvent les mem-
bres de leurs statues n'étaient pas détachés du corps4. » Dans
l'examen que nous avons fait des collections rapportées par
M. Wiener, nous avons montré des sculptures péruviennes
qui méritent parfaitement le nom d'œuvres d'art, et ce n'est
guère que dans les œuvres en pierre dure, comme en pierre
fine, que l'artiste comme l'archéologue peuvent faire des restric-
tions, mais encore celles-ci témoignent-elles de la volonté et
de la patience des Péruviens pour représenter leurs rois ou
leurs divinités .dans une matière immortelle.

La façon d'exécuter le bas-relief en pierre dure par les
Péruviens dérive complètement du traitement que subit la
matière.

Le sculp'teur péruvien est dominé par celle-ci, il en est
l'esclave. Aucun art n'a montré à quel point l'impuissance
technique peut donner aux productions d'un peuple, pourtant
bien doué, un côté grotesque amené par cela même qu'il ne
veut pas s'avouer vaincu.

Presque tous les bas-reliefs sont également formés d'une
simple silhouette en découpure méplate sur un fond méplat.

Le corps de l'homme ou de l'animal, enlevé ainsi sur le
fond de la pierre, a une saillie variant depuis un centimètre
jusqu'à un décimètre. La forme en reste toujours à l'image
géométrique de la première ébauche, et la simplicité forcée à
laquelle cette silhouette est amenée donnerait de la difficulté à
comprendre le sujet, si quelques traits déterminatifs, obtenus par
les rayures ou des gravures sur les formes ou plans en saillie,
ne permettaient de comprendre que deux anses représentent
deux bras par les deux ou trois lignes gravées, indiquant les
doigts. Le sujet exprimé de cette façon n'est pas sans analogie
avec les figures des hiéroglyphes égyptiens, mais il se tient aussi
loin de ceux-ci que l'outil en pierre américain est inférieur à
l'outil d'acier moderne.

La perfection la plus grande à laquelle l'artiste se soit élevé,
c'est d'avoir su réserver plusieurs plans, découpés les uns sur les
les autres, formant jusqu'à sept ou huit étages, chaque étage
correspondant à la saillie d'un membre du corps ou d'un organe
de la face. De telles particularités donnent comme très probable
l'explication suivante de la technique qui les a produites. Le
granit ou porphyre était scié en plaques avec du fil d'agave et
de l'émeri. Un dessin grossier du contour indiquait la partie de
l'épaisseur à enlever. Celle-ci était obtenue, soit par le sciage de
certaine portion que Ton éclatait habilement, soit par le mar-
tellement obtenu par tine pointe de silex; enfin, à l'aide des
pierres plates ou polissoirs et d'eau mêlée d'émeri, on frottait
la surface des plans, de manière à enlever la trace des éclate-
ments et du morcellement5.

Le bas-relief reproduit dans le livre de M. Wiener, dans
lequel ce système a été le mieux appliqué, est celui du dieu
Soleil, placé au centre de la frise, et l'on peut dire comme clef

1. Sculpture méplate, à un seul gradin, entaillé au milieu de la figure pour réserver une saillie spéciale aux principaux traits de la face et obtenir artificiellement
l'effet d'un second plan.

2. Joli motif d'animaux formant arabesque; les couleurs, d'un eftet criard dans nos contrées grises, s'harmonisent parfaitement dans la lumière dorée du
climat péruvien.

3. Voir l'Art, 1™ année, tome II, page 75.

4. D'Orbigny, l'Homme amér., X, 1, page t;j.

Parfois les sculpteurs péruviens ont profilé des couches parallèles des schistes pour obtenir avec bien moins de travail un résultat semblable à celui que
nous venons d'expliquer. Ainsi, sur un bas-relief, dont le moulage est au Musée ethnographique du Trocadéro, représentant un hibou et provenant de Cabana, le,
relief est obtenu par l'enlèvement successif des trois couches schisteuses sur une quatrième qui sert de fond. Le corps et les pattes de l'animal appartiennent à la
première, la tête à la seconde, le bec à la troisième.
 
Annotationen