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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 3)

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Leroi, Paul: Thomas Couture
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https://doi.org/10.11588/diglit.18609#0297

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THOMAS COUTURE. 261

ct';)illeurs suppléé par l'audace de ses créations? Le monde ne
leur est-il pas redevable du grandiose développement du cha-
rabia ? N'est-ce pas la Galette des Beaux-Arts qui a eu le pri-
vilège exclusif d'imprimer 1 : « Le marquis d'Azeglio, qui fut
encore l'heureux acquisiteur (SIC) de ce manuscrit....?»

Et ce n'est pas seulement sa langue maternelle que l'illustre
Rédacteur en chef traite de la sorte; il opère avec non moins de
bonheur et d'éclat sur l'italien, et traduit Marchese par mar-
quise2, se réservant sans doute de traduire Marquesa par mar-
quis.

L'univers, attentif aux moindres exploits de sa plume, lui
doit encore la traduction de R. Arcispedale di S. M. Nuova3,
par Musée du Nouvel Archevêché4 !

Couronnement de l'édifice, dirions-nous s'il ne fallait réser-
ver quelques perles, — la suite au prochain numéro, peut-être,
comme pour les romans-feuilletons, — couronnement de l'édi-
fice ! le Directeur du Courrier européen de l'Art et de la Curio-
sité a découvert « au Pitti (sic) » un des deux chefs-d'œuvre de
Hugo van der Goes5, découverte d'autant plus merveilleuse
qu'il n'existe pas trace d'un van der Goesdans la Galerie Royale
du Palais Pitti.

C'est en se formant à pareille école que M. Roger Ballu est
arrivé à prendre au sérieux un tas de fades en-têtes de romances,
de pierroteries et d'arlequinades niaises, de morceaux d'un vul-
gaire inouï, de tonalités tantôt glaireuses, tantôt plombées, sans
compter un burlesque Napoléon Ier bénisseur, juché le plus
diôlatiquement du monde au haut d'un nuage d'opéra-comique.

Il faut voir à cette exposition l'inimaginable projet de déco-
ration imaginé par Couture pour l'ex-salle des Etats du Louvre.
Jamais dans l'école française on n'a rien conçu d'aussi ridicule,
ni d'aussi pauvre, pourrait-on dire en toute sûreté, si M. Caba-
nel — Alexandre — n'existait pas.

Couture avait révé et proposé l'olla-podrida que voici :

i° Le Baptême du prince impérial;

2° L'Empire s'appuyant sur l'Église et l'Armée pour
repousser l'Anarchie.

« A côté de ces vastes ensembles, un troisième aurait pris
place : l'Enrôlement des volontaires. Couture, à cette occasion,
consentit, pour ménager certaines susceptibilités politiques, à
effacer la figure de la Liberté et à la remplacer par un drapeau
tricolore6; mais le projet de décoration fut abandonné, et pour
toujours... Pauvre salle du Louvre7 ! »

Heureuse salle du Louvre ! répéteront à l'envi tous ceux
qui n'ont point pris la colossale vanité de Couture pour le grand
talent qui lui manque, tous ceux qui ont le respect de la dignité
de l'artiste.

Eugène Delacroix n'était rien moins qu'un révolutionnaire,
mais il avait au plus haut degré le sentiment de ce qu'il devait
à l'art dont il était l'honneur. Si S. M. Louis-Philippe s'était
avisé de lui demander de modifier sa figure de la Liberté ins-
pirée par les nobles ïambes d'Auguste Barbier, Delacroix, trai-
tant le roi d'égal à égal, lui eût répondu par les stances enflam-
mées du poète, suivies d'un refus catégorique.

Il est fâcheux que M. Roger Ballu n'ait point connu Dela-
croix; il saurait ces choses-là et en eût tiré profit pour formuler un
jugement digne de l'absence complète de caractère de Couture.

Le jeune écrivain fournit inconsciemment une arme terrible
contre son « grand artiste », tant la vérité s'impose en dépit des
plus robustes illusions.

« Toute une colonie de jeunes filles américaines vint se
grouper autour de lui pour recueillir de sa bouche les leçons du

maître; lui, joignait la pratique au précepte : on peut voir les
tètes qu'il peignit pendant les leçons, et qui n'étaient que l'ap-
plication de ses théories. Il est à remarquer qu'à l'heure où en
France on pensait le moins à lui, il jouissait en Amérique d'une
considération qui ne s'est pas démentie et dure encore8. »
Peintre pour l'exportation, d'accord.

L'extrême bonne foi du jeune auteur, si l'on avait le tort de
la mettre en doute. — éclate à tous les yeux — page xvn —
quand il « proclame hautement » urbi et orbi, ce qu'il croit être
une vérité, « en défiant qu'on puisse le démentir ». Rien que
cela !

Il est, hélas ! quelqu'un qui s'est chargé depuis vingt-deux
ans de ce démenti, en devançant sans appel le juste arrêt de la
postérité.

M. Roger Ballu est de ceux à qui l'on s'intéresse, à qui l'on
voit avec regret faire fausse route, car, je le répète, il est très
heureusement doué et inspire la sympathie. Qu'il fasse connais-
sance avec le quelqu'un dont je viens de parler; il m'en remer-
ciera. Ce n'était ni un bellâtre, ni le plus beau des fils des
hommes, ni un Adonis, encore moins un Narcisse, et pas davan-
tage un poseur. Comme il en savait long et qu'il avait le goût
délicat et juste, il n'avait jamais songé à remplacer par de la
morgue, l'ignorance qui lui manquair.

Vous devez vous souvenir de lui, mon cher Etienne, de ce
pauvre Théodore Pelloquet, que la misère entraîna au pays de
Bohème, où il trouva une si cruelle fin.

Si M. Roger Ballu ouvre le Dictionnaire de poche des
Artistes contemporains que ce voyant publia en 1858 chez
l'éditeur Delahays, il lira à la page 62, à l'article Thomas
Couture :

« On peut dire de cet artiste, comme des gravures d'un cer-
tain prix, que sa renommée était plus grande avant la lettre. II
n'en a pas moins du talent et une habileté de métier longtemps
estimée science par les gobe-mouches du feuilleton. Quand
parut son oeuvre la plus importante, les Romains de la déca-
dence (Salon de 1847), l'Académie, d'ordinaire assez hostile aux
nouveaux venus, salua dans M. Couture le sauveur de l'art
menacé par les Vandales. — Les Vandales se résumaient dans
M. Delacroix.

« Les journaux mêlèrent leurs louanges à celles de l'Ins-
titut. Si Paris, comme Rome ou Toulouse, eût possédé un Capi-
tole, on l'y aurait conduit en triomphe et coiffé de lauriers. Un
seul critique ne s'associa pas complètement à ces acclamations
universelles; M. Planche compara la peinture du jeune artiste
aux œuvres des maîtres du xviii® siècle; par exemple, si j'ai
bonne mémoire, à celles de Restout, des Coypel et des Natoire.
Les enthousiastes s'indignèrent de la comparaison, qui ravalait,
disaient-ils, leur héros. Je ne suis ni de leur avis, ni de celui de
M. Planche. A mon sens, ce dernier faisait de M. Couture, sous
forme de blâme, un éloge immérité.

« Les maîtres auxquels il l'assimilait ne sauraient être mis,
il est vrai, au rang de ceux des grandes époques. Ils manquent
de naturel et de vérité, de puissance et de largeur; mais ils pos-
sèdent des parties importantes de l'art. S'ils remplacent trop
souvent l'étude de la nature par l'adresse du métier, on est forcé
de convenir que cette adresse est réelle, et qu'il faut être très
savant pour tricher, comme ils le font, avec la science. Ils pos-
sèdent tous d'ailleurs, même les plus faibles d'entre eux, cette
logique de l'ordonnance et de la composition, cette entente du
tableau, qui est la première et la plus évidente qualité de l'école
française. Avec cela un sentiment très pittoresque, un esprit

1. Ga-ette des Beaux-Arts. Courrier européen de l'Art et de la Curiosité, livraison du 1" juillet 1SS0. page 90.

2. Galette des Beaux-Arts, même livraison, pages 86 et 88.
L'hôpital royal de Santa Maria Nuova.

4. Galette des Beaux-Arts, même numéro, page SS.
ç. Galette des Beaux-Arts, même numéro, page 88.

6. Sic.

7. Essai sur Th. Couture, par Roger Ballu, page xxnr-

8. Roger Ballu, page xxv.
 
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