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Grolier, Gérard: Un dessin de Cellini
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.18609#0340
304 L'ART.
versé dans Fart d'escompter l'avenir et d'en faire accroire à ses contemporains et à la postérité,
ait trouvé que Vasari lui fit bonne mesure.
C'est surtout à l'occasion du Persée que se sera émue la fibre ultra-chatouilleuse de
l'orfèvre-statuaire. N'en pas dire plus long de ce Persée, le monument des monuments, le
chef-d'œuvre des chefs-d'œuvre de la Pia^a délia Signôria, à en croire les paroles du Duc
Cosimo Ier, paroles que la modestie du sculpteur a la douleur de devoir transmettre à la
postérité, par simple respect de la vérité ! Il est vrai que dans son humilité, Benvenuto s'em-
presse de rappeler à « l'excellentissime seigneur », que « sur cette place se trouvent les œuvres
du grand Donatello' et du merveilleux Michel-Ange2 ».
Le rusé Médicis avait d'ailleurs ses très excellentes raisons personnelles pour louer par-
dessus toutes choses le Persée. Le savant annotateur de La Vita di Benvenuto Cellini scritta da
lui medesimo, M. B. Bianchi, nous initie, clans une de ses notes, aux motifs de ces préférences
souveraines : « In qaesto soggetto vedeva Cosimo un rapporto molto lusinghiero per lui ; egli era
Perseo, e Medusa il partilo repubblicano3. »
Simple question de tendresse pour le monument destiné à rappeler aux victimes du tyran
qu'il les avait réduites en esclavage, pour ne pas dire à néant, et charitable avertissement du
sort réservé à ceux qui tenteraient de relever la tête.
Le Persée dont l'autobiographie de Cellini nous poursuit à satiété, est bien supérieur dans les
petits modèles du Museo Nationale, au monument de la Loggia dei Lan\i.
M. Alessandro Castellani, le fameux antiquaire romain, possède un dessin de l'artiste, très
probablement la toute première pensée du Persée.
Outre cet intérêt qui est considérable, il s'en rattache un autre, également précieux, à ce
croquis que l'on a pu étudier à l'Exposition de dessins de maîtres anciens qu'avaient organisée
avec tant de succès, à l'École des Beaux-Arts, MM. Dreyfus et Charles Ephrussi.
C'est exécuté par simples indications sommaires de la plus extrême adresse; mais examinez
attentivement la tête de Méduse, et tout particulièrement sa chevelure ; vous verrez que cela est
traité en paraphe d'écriture par un très habile homme et non par une main magistrale.
L'habileté, voilà qui résume tous les mérites de Cellini, et ce n'est pas sans raison que
M. le vicomte Henri Delaborde a dit de cet infatigable hâbleur : « Entre autres habiletés, il a
eu celle de se faire passer pour un artiste de premier ordre ».
Gérard Grolier.
1. La Judith.
2. Le David, qui a été transporté à l'Académie des Beaux-Arts, via Riçasoli.
j. Page 37g de l'édition Le Monnier. Florence, 1866.
Mu*le de lion lâché. — Fac-similé d'une eau-Ione de Sttfano délia Bella.
versé dans Fart d'escompter l'avenir et d'en faire accroire à ses contemporains et à la postérité,
ait trouvé que Vasari lui fit bonne mesure.
C'est surtout à l'occasion du Persée que se sera émue la fibre ultra-chatouilleuse de
l'orfèvre-statuaire. N'en pas dire plus long de ce Persée, le monument des monuments, le
chef-d'œuvre des chefs-d'œuvre de la Pia^a délia Signôria, à en croire les paroles du Duc
Cosimo Ier, paroles que la modestie du sculpteur a la douleur de devoir transmettre à la
postérité, par simple respect de la vérité ! Il est vrai que dans son humilité, Benvenuto s'em-
presse de rappeler à « l'excellentissime seigneur », que « sur cette place se trouvent les œuvres
du grand Donatello' et du merveilleux Michel-Ange2 ».
Le rusé Médicis avait d'ailleurs ses très excellentes raisons personnelles pour louer par-
dessus toutes choses le Persée. Le savant annotateur de La Vita di Benvenuto Cellini scritta da
lui medesimo, M. B. Bianchi, nous initie, clans une de ses notes, aux motifs de ces préférences
souveraines : « In qaesto soggetto vedeva Cosimo un rapporto molto lusinghiero per lui ; egli era
Perseo, e Medusa il partilo repubblicano3. »
Simple question de tendresse pour le monument destiné à rappeler aux victimes du tyran
qu'il les avait réduites en esclavage, pour ne pas dire à néant, et charitable avertissement du
sort réservé à ceux qui tenteraient de relever la tête.
Le Persée dont l'autobiographie de Cellini nous poursuit à satiété, est bien supérieur dans les
petits modèles du Museo Nationale, au monument de la Loggia dei Lan\i.
M. Alessandro Castellani, le fameux antiquaire romain, possède un dessin de l'artiste, très
probablement la toute première pensée du Persée.
Outre cet intérêt qui est considérable, il s'en rattache un autre, également précieux, à ce
croquis que l'on a pu étudier à l'Exposition de dessins de maîtres anciens qu'avaient organisée
avec tant de succès, à l'École des Beaux-Arts, MM. Dreyfus et Charles Ephrussi.
C'est exécuté par simples indications sommaires de la plus extrême adresse; mais examinez
attentivement la tête de Méduse, et tout particulièrement sa chevelure ; vous verrez que cela est
traité en paraphe d'écriture par un très habile homme et non par une main magistrale.
L'habileté, voilà qui résume tous les mérites de Cellini, et ce n'est pas sans raison que
M. le vicomte Henri Delaborde a dit de cet infatigable hâbleur : « Entre autres habiletés, il a
eu celle de se faire passer pour un artiste de premier ordre ».
Gérard Grolier.
1. La Judith.
2. Le David, qui a été transporté à l'Académie des Beaux-Arts, via Riçasoli.
j. Page 37g de l'édition Le Monnier. Florence, 1866.
Mu*le de lion lâché. — Fac-similé d'une eau-Ione de Sttfano délia Bella.