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L'ART.
PHÉNICIE
Aussi loin qu'on veuille remonter dans l'histoire, on entend
vanter l'habileté des Phe'niciens dans le travail des me'taux. Les
inscriptions hie'roglyphiques les plus anciennes mentionnent les
ouvrages de bronze provenant de leurs fabriques et Homère
célèbre dans ses poèmes la beauté des coupes ciselées par les
ouvriers de Sidon. Les Phéniciens n'ont jamais été cultivateurs,
mais outre qu'ils étaient navigateurs et commerçants ils exploi-
taient les mines partout où ils en trouvaient. M. Lenormant a
émis sur ce sujet quelques considérations historiques qui méritent
d'être citées ici : « Voici trois faits élémentaires et dont les
recherches récentes sur l'humanité primitive ont partout vulga-
risé la connaissance. Le premier est la prodigieuse antiquité de
la métallurgie dans les civilisations asiatiques ; le second, l'an-
tériorité du travail du cuivre sur le travail du fer, à tel point que
l'âge du bronze représente dans l'histoire de la civilisation une
longue période qui a précédé l'âge du fer. Le dernier fait, enfin,
est celui-ci, que presque aussitôt que les hommes ont su fondre
le cuivre et en fabriquer des instruments, ils ont reconnu ses
nombreuses imperfections dans un emploi à l'état pur et la né-
cessité de le rendre plus dur et plus résistant par un alliage,
qu'en un mot ils se sont mis tout de suite à fabriquer du bronze.
Aussi haut que nous remontions dans les deux plus vieilles civi-
lisations du monde, en Egypte et en Chaldée, nous trouvons
l'usage du bronze. Celui des instruments en cuivre pur est si
bien abandonné, si bien oublié, qu'il n'a pas laissé de vestiges.
Mais qu'est-ce que le bronze? Un alliage de cuivre et d'étain.
Or les Égyptiens et les Babyloniens trouvaient le cuivre sur leur
propre territoire ou dans des districts touchant à leur frontière",
mais pour l'étain, on ne le rencontrait qu'à de bien grandes dis-
tances. Le moindre outil de bronze que l'on recueille auprès de
Memphis, dans un de ces tombeaux où il est demeuré enfermé
depuis soixante siècles, révèle donc un antique et lointain com-
merce qui apportait à l'Egypte pharaonique, naissant à la civi-
lisation au milieu des peuples encore absolument sauvages,
l'étain du Caucase, de l'Inde ou de l'Espagne. Sans ce com-
merce, en effet, on ne pourrait pas en expliquer l'existence,
puisque l'étain ne se trouve dans la nature sur aucun point
plus rapproché de l'Egypte. »
L'étain, nécessaire pour la fabrication du bronze dont l'u-
sage a.été répandu dans toute l'antiquité, a été un des objets
les plus importants du commerce phénicien. Primitivement on
le tirait du Caucase, et il est probable que dans un certain temps
il se transportait par terre au moyen des caravanes. Mais ce
genre de voyage au milieu de populations nomades et pillardes
a dù être abandonné de bonne heure par les Phéniciens, qui
d'ailleurs, à l'époque de l'empire d'Assyrie, se trouvaient à la
merci d'un monarque assez puissant pour leur barrer le passage.
Aussi ont-ils préféré la route de mer, où ils se sont trouvés
longtemps sans rivaux.
Quand les Grecs ont commencé à naviguer dans les îles delà
mer Egée, la piraterie est devenue un obstacle pour le commerce
phénicien qui s'est vu obligé de prendre une autre direction où
il n'avait pas d'ennemis à redouter. C'est alors que les naviga-
teurs de Tyr et de Sidon se sont dirigés vers l'Espagne, et quand
les mines qu'ils avaient trouvées dans ce pays ont été épuisées, ils
ont passé.les colonnes d'Hercule, se sont aventurés sur l'Océan,
et ont été chercher l'étain jusque dans les Iles-Britanniques, à
l'endroit où est aujourd'hui le comté de Cornouailles. Pendant
une durée de siècles dont il est impossible de fixer la limite
historiquement, les Phéniciens ont été seuls détenteurs de l'étain.
Ils n'avaient pas moins d'habileté à exploiter les mines d'or, et
les vestiges de leurs énormes travaux dans l'île de Thasos exci-
taient encore longtemps après l'étonnement et l'admiration
d'Hérodote.
' Les bronzes de fabrication phénicienne sont assez rares, et
les petites idoles que nous connaissons indiquent tout à fait
l'enfance de l'art. En revanche, nos musées renferment quelques
produits de l'orfèvrerie et de la bijouterie phéniciennes, mais
ce n'est pas dans la Phénicie même que la plupart ont été trou-
vés, c'est plutôt dans les îles de Chypre et de Rhodes, qui ont
été, antérieurement à la période grecque, peuplées par des
Phéniciens. Comme orfèvrerie, nous citerons les précieuses
coupes d'argent découvertes par M. de Saulcy à Chypre et données
par lui au musée du Louvre. Ces coupes présentent un singulier
mélange d'emblèmes asiatiques des différentes époques, et
peuvent nous donner une idée des vases de métal que les
Phéniciens portaient aux Grecs de l'âge héroïque et dont Ho-
mère fait mention. Nous voyons aussi comment les Grecs, dis-
ciples et imitateurs des Asiatiques pour tout ce qui touche à
l'industrie, ont pu être amenés à introduire dans leurs ouvrages
des symboles tout à fait étrangers à leur nationalité.
Le musée renferme aussi quelques bijoux d'or se rattachant
à la mission de M. Renan en Phénicie. Ce sont des colliers et
des amulettes trouvés pour la plupart sur l'emplacement de
l'ancienne Sidon. Un collier de fabrication phénicienne trouvé
dans l'île de Rhodes est particulièrement curieux par le style de
sa décoration. Il est formé de petites plaques métalliques repré-
sentant alternativement une Diane Persique et un centaure sous
la forme archaïque. On désigne généralement sous le nom de
Diane Persique, une figure ailée tenant un animal fabuleux dans
chacune de ses mains; c'est un type originaire de l'ancienne
Asie et qu'on rencontre assez fréquemment sur les monuments
étrusques. Quant au centaure, il présente la plus ancienne forme
de cette création mythologique, celle d'un homme au dos duquel
s'adapte la croupe d'un cheval, mais qui garde par devant ses
jambes humaines. Ce type grossier se trouve également sur les
vases grecs de l'époque archaïque, mais la coiffure égyptienne
donne à celui-ci une physionomie tout à fait spéciale.
D'autres bijoux phéniciens bien remarquables ont été trou-
vés dans les fouilles de Camiros par M. Salzmann, qui en fait
remonter la fabrication au vme siècle avant notre ère. Ce ne
sont pas à proprement parler des pendants d'oreille, mais plutôt
des pendeloques destinées à être accrochées après le vêtement.
Dans la première, un lion de style assyrien forme le milieu d'une
plaque carrée ornée de trois rosettes en haut et en bas de deux
tètes d'aigle. Trois anneaux suspendus à la base de la plaque
supportent, celui du milieu une fleur de grenade, et ceux de
côté des chaînettes auxquelles sont adaptées de petites têtes
portant une coiffure égyptienne; des espèces de grelots suspen-
dus à ces petites têtes complètent la décoration de cette pende-
loque. L'autre est formée de deux plaques enrichies de rosettes,
mais c'est une figure humaine et non un lion qui occupe le motif
central de la décoration.
HÉBREUX.
Ici les monuments figurés nous font absolument défaut et
nous sommes obligés de nous en tenir aux textes. Malgré l'appa-
rence légendaire des récits concernant la sortie d'Égypte, c'est là
seulement que l'industrie en général, et celle des métaux en
particulier, commence historiquement pour le peuple de Dieu.
Il faut convenir, au reste, que ce peuple de pasteurs, qui vient
de traverser la mer Rouge en fuyant, se met assez vite en
besogne. A peine est-il campé sur la limite du désert, avec l'in-
tention bien arrêtée de ne pas y rester, puisqu'il cherche la terre
promise, qu'il reçoit du Seigneur la plus belle commande d'or-
fèvrerie dont il ait été question dans les fastes historiques du
métal. Il s'agit d'abord de l'arche sainte qui doit être entière-
ment revêtue de plaques d'or, et au-dessus de laquelle il faut
suspendre une couronne du même métal. Puis il faut un pro-
pitiatoire de l'or le plus pur, qui aura deux coudées et demie de
L'ART.
PHÉNICIE
Aussi loin qu'on veuille remonter dans l'histoire, on entend
vanter l'habileté des Phe'niciens dans le travail des me'taux. Les
inscriptions hie'roglyphiques les plus anciennes mentionnent les
ouvrages de bronze provenant de leurs fabriques et Homère
célèbre dans ses poèmes la beauté des coupes ciselées par les
ouvriers de Sidon. Les Phéniciens n'ont jamais été cultivateurs,
mais outre qu'ils étaient navigateurs et commerçants ils exploi-
taient les mines partout où ils en trouvaient. M. Lenormant a
émis sur ce sujet quelques considérations historiques qui méritent
d'être citées ici : « Voici trois faits élémentaires et dont les
recherches récentes sur l'humanité primitive ont partout vulga-
risé la connaissance. Le premier est la prodigieuse antiquité de
la métallurgie dans les civilisations asiatiques ; le second, l'an-
tériorité du travail du cuivre sur le travail du fer, à tel point que
l'âge du bronze représente dans l'histoire de la civilisation une
longue période qui a précédé l'âge du fer. Le dernier fait, enfin,
est celui-ci, que presque aussitôt que les hommes ont su fondre
le cuivre et en fabriquer des instruments, ils ont reconnu ses
nombreuses imperfections dans un emploi à l'état pur et la né-
cessité de le rendre plus dur et plus résistant par un alliage,
qu'en un mot ils se sont mis tout de suite à fabriquer du bronze.
Aussi haut que nous remontions dans les deux plus vieilles civi-
lisations du monde, en Egypte et en Chaldée, nous trouvons
l'usage du bronze. Celui des instruments en cuivre pur est si
bien abandonné, si bien oublié, qu'il n'a pas laissé de vestiges.
Mais qu'est-ce que le bronze? Un alliage de cuivre et d'étain.
Or les Égyptiens et les Babyloniens trouvaient le cuivre sur leur
propre territoire ou dans des districts touchant à leur frontière",
mais pour l'étain, on ne le rencontrait qu'à de bien grandes dis-
tances. Le moindre outil de bronze que l'on recueille auprès de
Memphis, dans un de ces tombeaux où il est demeuré enfermé
depuis soixante siècles, révèle donc un antique et lointain com-
merce qui apportait à l'Egypte pharaonique, naissant à la civi-
lisation au milieu des peuples encore absolument sauvages,
l'étain du Caucase, de l'Inde ou de l'Espagne. Sans ce com-
merce, en effet, on ne pourrait pas en expliquer l'existence,
puisque l'étain ne se trouve dans la nature sur aucun point
plus rapproché de l'Egypte. »
L'étain, nécessaire pour la fabrication du bronze dont l'u-
sage a.été répandu dans toute l'antiquité, a été un des objets
les plus importants du commerce phénicien. Primitivement on
le tirait du Caucase, et il est probable que dans un certain temps
il se transportait par terre au moyen des caravanes. Mais ce
genre de voyage au milieu de populations nomades et pillardes
a dù être abandonné de bonne heure par les Phéniciens, qui
d'ailleurs, à l'époque de l'empire d'Assyrie, se trouvaient à la
merci d'un monarque assez puissant pour leur barrer le passage.
Aussi ont-ils préféré la route de mer, où ils se sont trouvés
longtemps sans rivaux.
Quand les Grecs ont commencé à naviguer dans les îles delà
mer Egée, la piraterie est devenue un obstacle pour le commerce
phénicien qui s'est vu obligé de prendre une autre direction où
il n'avait pas d'ennemis à redouter. C'est alors que les naviga-
teurs de Tyr et de Sidon se sont dirigés vers l'Espagne, et quand
les mines qu'ils avaient trouvées dans ce pays ont été épuisées, ils
ont passé.les colonnes d'Hercule, se sont aventurés sur l'Océan,
et ont été chercher l'étain jusque dans les Iles-Britanniques, à
l'endroit où est aujourd'hui le comté de Cornouailles. Pendant
une durée de siècles dont il est impossible de fixer la limite
historiquement, les Phéniciens ont été seuls détenteurs de l'étain.
Ils n'avaient pas moins d'habileté à exploiter les mines d'or, et
les vestiges de leurs énormes travaux dans l'île de Thasos exci-
taient encore longtemps après l'étonnement et l'admiration
d'Hérodote.
' Les bronzes de fabrication phénicienne sont assez rares, et
les petites idoles que nous connaissons indiquent tout à fait
l'enfance de l'art. En revanche, nos musées renferment quelques
produits de l'orfèvrerie et de la bijouterie phéniciennes, mais
ce n'est pas dans la Phénicie même que la plupart ont été trou-
vés, c'est plutôt dans les îles de Chypre et de Rhodes, qui ont
été, antérieurement à la période grecque, peuplées par des
Phéniciens. Comme orfèvrerie, nous citerons les précieuses
coupes d'argent découvertes par M. de Saulcy à Chypre et données
par lui au musée du Louvre. Ces coupes présentent un singulier
mélange d'emblèmes asiatiques des différentes époques, et
peuvent nous donner une idée des vases de métal que les
Phéniciens portaient aux Grecs de l'âge héroïque et dont Ho-
mère fait mention. Nous voyons aussi comment les Grecs, dis-
ciples et imitateurs des Asiatiques pour tout ce qui touche à
l'industrie, ont pu être amenés à introduire dans leurs ouvrages
des symboles tout à fait étrangers à leur nationalité.
Le musée renferme aussi quelques bijoux d'or se rattachant
à la mission de M. Renan en Phénicie. Ce sont des colliers et
des amulettes trouvés pour la plupart sur l'emplacement de
l'ancienne Sidon. Un collier de fabrication phénicienne trouvé
dans l'île de Rhodes est particulièrement curieux par le style de
sa décoration. Il est formé de petites plaques métalliques repré-
sentant alternativement une Diane Persique et un centaure sous
la forme archaïque. On désigne généralement sous le nom de
Diane Persique, une figure ailée tenant un animal fabuleux dans
chacune de ses mains; c'est un type originaire de l'ancienne
Asie et qu'on rencontre assez fréquemment sur les monuments
étrusques. Quant au centaure, il présente la plus ancienne forme
de cette création mythologique, celle d'un homme au dos duquel
s'adapte la croupe d'un cheval, mais qui garde par devant ses
jambes humaines. Ce type grossier se trouve également sur les
vases grecs de l'époque archaïque, mais la coiffure égyptienne
donne à celui-ci une physionomie tout à fait spéciale.
D'autres bijoux phéniciens bien remarquables ont été trou-
vés dans les fouilles de Camiros par M. Salzmann, qui en fait
remonter la fabrication au vme siècle avant notre ère. Ce ne
sont pas à proprement parler des pendants d'oreille, mais plutôt
des pendeloques destinées à être accrochées après le vêtement.
Dans la première, un lion de style assyrien forme le milieu d'une
plaque carrée ornée de trois rosettes en haut et en bas de deux
tètes d'aigle. Trois anneaux suspendus à la base de la plaque
supportent, celui du milieu une fleur de grenade, et ceux de
côté des chaînettes auxquelles sont adaptées de petites têtes
portant une coiffure égyptienne; des espèces de grelots suspen-
dus à ces petites têtes complètent la décoration de cette pende-
loque. L'autre est formée de deux plaques enrichies de rosettes,
mais c'est une figure humaine et non un lion qui occupe le motif
central de la décoration.
HÉBREUX.
Ici les monuments figurés nous font absolument défaut et
nous sommes obligés de nous en tenir aux textes. Malgré l'appa-
rence légendaire des récits concernant la sortie d'Égypte, c'est là
seulement que l'industrie en général, et celle des métaux en
particulier, commence historiquement pour le peuple de Dieu.
Il faut convenir, au reste, que ce peuple de pasteurs, qui vient
de traverser la mer Rouge en fuyant, se met assez vite en
besogne. A peine est-il campé sur la limite du désert, avec l'in-
tention bien arrêtée de ne pas y rester, puisqu'il cherche la terre
promise, qu'il reçoit du Seigneur la plus belle commande d'or-
fèvrerie dont il ait été question dans les fastes historiques du
métal. Il s'agit d'abord de l'arche sainte qui doit être entière-
ment revêtue de plaques d'or, et au-dessus de laquelle il faut
suspendre une couronne du même métal. Puis il faut un pro-
pitiatoire de l'or le plus pur, qui aura deux coudées et demie de