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L'ART.
fragment monétaire, car, en l'absence d'un tel document, il est
assez difficile de fixer la date de ce dépôt d'une manière absolu-
ment certaine.
.— A Avranches, dans la nouvelle église des Champs, dont
la construction est loin d'être terminée, a été placée, depuis
1874, une série de verrières, dons de plusieurs familles. Ces ver-
rières révèlent, chez l'artiste qui en est l'auteur, une excellente
entente des conditions spéciales à ce genre de décoration, dont
le passé nous a légué de si merveilleux spécimens.
M. Duhamei-Marctte, peintre verrier à Evreux, n'a point
cherché à pasticher ses illustres devanciers. Il s'est contenté
d'être lui ; et bien lui en a pris.
Ses compositions sont heureusement établies; leur ordon-
nance est d'une clarté remarquable ; leur coloration, sans briller
par un grand éclat, se distingue. toujours par un ensemble
très harmonieux.
Ses travaux d'Avranches n'ont qu'un tortj celui de n'être
pas assez connus.
Allemagne. — La Galette de Cologne annonce qu'on lui a
fait part d'un projet tendant à achever la construction de la
cathédrale de Strasbourg. Le journal allemand se prononce
d'une manière favorable à ce projet, et exhorte l'association qui
s'est chargée de l'achèvement de la cathédrale de Cologne à
transférer son siège à Strasbourg pour travailler à l'achèvement
de la cathédrale de cette dernière ville.
Alsace-Lorraine. — L'Union d'Alsace-Lorraine du 17 sep-
tembre a publié sur cette question l'intéressante note suivante :
« M. Bartholdy vient de livrer à la publicité un projet
d'achèvement de la cathédrale de Strasbourg.
« Ce plan fut conçu par un ingénieur allemand, M. Schus-
ter, de Zeffdenick (Prusse), qu'une mort subite a empêché de
« Un employé de Strasbourg, M. Hermann Perrot, dans
une brochure sur le sujet, désire qu'on transfère cette vaste
organisation à Strasbourg. Il est question encore de l'achève-
ment delà tour d'Ulm et de la restauration de l'église Sainte-
Catherine, à Oppenheim.
« Nous estimons que ces deux entreprises sont plus faciles,
moins longues et moins dispendieuses, mais surtout plus désirées
que ne l'est, en Alsace, la construction d'une seconde tour à la
cathédrale de Strasbourg. »
Angleterre. — Le monument de Milton dans l'église de
Cripplegate, où il était relégué dans un coin obscur, vient d'être
transféré à une place d'honneur près de la porte sud-ouest.
Pays-Bas. — Nous recevons de notre collaborateur M. Ch.
Vosmaer la note suivante :
« Le 14 septembre a été inaugurée à la Haye la
statue de Spinoza. C'est notre jeune concitoyen, M. Frédéric
Hexamer, qui avait remporté le prix dans le concours institué
à cette occasion, et qui a modelé la statue; elle a été fondue
chez MM. Thiébaut, à Paris. Le statuaire a eu un réel succès,
et on ne peut que le louer du talent qu'il a montré et admirer
la conception et l'exécution de sa belle œuvre. C'est bien là le
bourgeois du xvne siècle, le simple sage, comme il est dépeint
dans la biographie de Colerus, comme on le voit dans le meil-
leur de ses portraits, et dans ses écrits et ses lettres. Voilà bien
le penseur profond. Il est assis dans son fauteuil, une main aban-
donnée sur le genou tient quelques feuillets écrits, l'autre rele-
vée à la hauteur de la tète tient un crayon. Toute la pose respire
la sérénité; on sent l'homme qui pense et qui poursuit tranquil-
lement l'enchaînement de ses idées. Pour la tète, qui est très
réussie, l'artiste s'est inspiré du portrait qui accompagne les
œuvres complètes de Spinoza et qui est le meilleur; le costume
publier lui-même son travail. i est assez exactement celui du xvn° siècle ; le tout cependant n'est
« Le dessin est accompagné de notes critiques où l'auteur ; pas d'une réalité banale, mais d'une vérité légèrement idéalisée,
recommande ce projet à tous les amis de l'art. Il a le grand tort comme il convient à l'art monumental.
d'insinuer, dans ce travail, qu'avant la conquête de Strasbourg
par les Allemands la cathédrale était négligée, dans un état de
délabrement indigne d'un tel monument.
« En ceci, M. Schuster est absolument à côté de la vérité,
car il est de notoriété publique que l'œuvre de Notre-Dame a
de tout temps veillé avec un soin minutieux à l'entretien de
notre cathédrale.
« Quant aux grands travaux de décoration intérieure, on
sait qu'ils étaient déjà décidés il y a une vingtaine d'années.
« La mort de M. Hippolyte Flandrin, l'artiste éminent qui
était chargé de l'entreprise, en est venue entraver l'exécution.
« Pour ce qui est du plan d'achèvement de la construction
d'une seconde tour, c'est une utopie qui ne rencontrera pas
beaucoup de partisans en Alsace. Le dessin que nous avons
devant nous témoigne, il est vrai, d'une étude minutieuse et
d'une connaissance très sérieuse de l'architecture gothique. Il
ne nous appartient pas d'en discuter la valeur artistique-ni les
rapports plus ou moins intimes avec le plan primitif d'Erwin de
Steinbach. Mais nous croyons être l'interprète du sentiment
général en disant que l'Alsace préfère sa cathédrale telle que les
siècles nous l'ont donnée.
« Si nous parcourons les journaux allemands, nous y
voyons que l'un des grands motifs de ce subit enthousiasme
pour l'achèvement de la cathédrale de Strasbourg, c'est le besoin
de trouver, pour la célèbre corporation des sculpteurs (la
Bauhûttc) de Cologne, une occupation digne de succéder au
travail qu'elle vient de terminer.
« La statue bien divisée en grandes masses, bien pondérée
et équilibrée, offre des lignes et des contrastes admirables, le tout
est enveloppé par les grands plis du manteau, qui, un peu re-
jeté sur l'épaule, est ramené sur le genou de la jambe droite.
« L'impression est grande, sérieuse, vraiment monumentale.
Ce qui frappe surtout, c'est une grande impression de simpli-
cité. Pas de pose, pas de phrases ; l'artiste, en restant simple et
vrai, a trouvé le secret de faire grand et de nous émouvoir.
« Le piédestal est en beau granit rouge de Suède.
« Le monument s'élève sur le Paviljoensgracht, à une petite
distance de la maison où le penseur qui devait avoir une si
grande influence sur la philosophie des deux siècles suivants a
passé les six dernières années de sa vie. A la façade de cette
maison on a fixé une pierre portant une inscription commémo-
rative.
« L'inauguration a eu un caractère également simple. Il
n'y avait guère là que des admirateurs du philosophe, et parmi
eux plusieurs étrangers, MM. B. Auerbach, Pollock, de Londres,
le professeur et bibliothécaire Scharschmidt, de Iéna, etc. M. le
professeur J. van Vloten a prononcé un discours, où le ton et
le style vraiment dignes du philosophe et de sa statue s'alliaient
à une franchise, à une hardiesse de pensée admirables.
« Nous faisons des vœux sincères pour que, du socle de la
statue de Spinoza où il est gravé, le nom du jeune statuaire
s'élève à la gloire. Et nous comptons sur la capitale de l'art mo-
derne, sur Paris, pour faire à ce talent inconnu la place qu'il
mérite. »
Le Directeur-Gérant : EUGÈNE VÉRON.
L'ART.
fragment monétaire, car, en l'absence d'un tel document, il est
assez difficile de fixer la date de ce dépôt d'une manière absolu-
ment certaine.
.— A Avranches, dans la nouvelle église des Champs, dont
la construction est loin d'être terminée, a été placée, depuis
1874, une série de verrières, dons de plusieurs familles. Ces ver-
rières révèlent, chez l'artiste qui en est l'auteur, une excellente
entente des conditions spéciales à ce genre de décoration, dont
le passé nous a légué de si merveilleux spécimens.
M. Duhamei-Marctte, peintre verrier à Evreux, n'a point
cherché à pasticher ses illustres devanciers. Il s'est contenté
d'être lui ; et bien lui en a pris.
Ses compositions sont heureusement établies; leur ordon-
nance est d'une clarté remarquable ; leur coloration, sans briller
par un grand éclat, se distingue. toujours par un ensemble
très harmonieux.
Ses travaux d'Avranches n'ont qu'un tortj celui de n'être
pas assez connus.
Allemagne. — La Galette de Cologne annonce qu'on lui a
fait part d'un projet tendant à achever la construction de la
cathédrale de Strasbourg. Le journal allemand se prononce
d'une manière favorable à ce projet, et exhorte l'association qui
s'est chargée de l'achèvement de la cathédrale de Cologne à
transférer son siège à Strasbourg pour travailler à l'achèvement
de la cathédrale de cette dernière ville.
Alsace-Lorraine. — L'Union d'Alsace-Lorraine du 17 sep-
tembre a publié sur cette question l'intéressante note suivante :
« M. Bartholdy vient de livrer à la publicité un projet
d'achèvement de la cathédrale de Strasbourg.
« Ce plan fut conçu par un ingénieur allemand, M. Schus-
ter, de Zeffdenick (Prusse), qu'une mort subite a empêché de
« Un employé de Strasbourg, M. Hermann Perrot, dans
une brochure sur le sujet, désire qu'on transfère cette vaste
organisation à Strasbourg. Il est question encore de l'achève-
ment delà tour d'Ulm et de la restauration de l'église Sainte-
Catherine, à Oppenheim.
« Nous estimons que ces deux entreprises sont plus faciles,
moins longues et moins dispendieuses, mais surtout plus désirées
que ne l'est, en Alsace, la construction d'une seconde tour à la
cathédrale de Strasbourg. »
Angleterre. — Le monument de Milton dans l'église de
Cripplegate, où il était relégué dans un coin obscur, vient d'être
transféré à une place d'honneur près de la porte sud-ouest.
Pays-Bas. — Nous recevons de notre collaborateur M. Ch.
Vosmaer la note suivante :
« Le 14 septembre a été inaugurée à la Haye la
statue de Spinoza. C'est notre jeune concitoyen, M. Frédéric
Hexamer, qui avait remporté le prix dans le concours institué
à cette occasion, et qui a modelé la statue; elle a été fondue
chez MM. Thiébaut, à Paris. Le statuaire a eu un réel succès,
et on ne peut que le louer du talent qu'il a montré et admirer
la conception et l'exécution de sa belle œuvre. C'est bien là le
bourgeois du xvne siècle, le simple sage, comme il est dépeint
dans la biographie de Colerus, comme on le voit dans le meil-
leur de ses portraits, et dans ses écrits et ses lettres. Voilà bien
le penseur profond. Il est assis dans son fauteuil, une main aban-
donnée sur le genou tient quelques feuillets écrits, l'autre rele-
vée à la hauteur de la tète tient un crayon. Toute la pose respire
la sérénité; on sent l'homme qui pense et qui poursuit tranquil-
lement l'enchaînement de ses idées. Pour la tète, qui est très
réussie, l'artiste s'est inspiré du portrait qui accompagne les
œuvres complètes de Spinoza et qui est le meilleur; le costume
publier lui-même son travail. i est assez exactement celui du xvn° siècle ; le tout cependant n'est
« Le dessin est accompagné de notes critiques où l'auteur ; pas d'une réalité banale, mais d'une vérité légèrement idéalisée,
recommande ce projet à tous les amis de l'art. Il a le grand tort comme il convient à l'art monumental.
d'insinuer, dans ce travail, qu'avant la conquête de Strasbourg
par les Allemands la cathédrale était négligée, dans un état de
délabrement indigne d'un tel monument.
« En ceci, M. Schuster est absolument à côté de la vérité,
car il est de notoriété publique que l'œuvre de Notre-Dame a
de tout temps veillé avec un soin minutieux à l'entretien de
notre cathédrale.
« Quant aux grands travaux de décoration intérieure, on
sait qu'ils étaient déjà décidés il y a une vingtaine d'années.
« La mort de M. Hippolyte Flandrin, l'artiste éminent qui
était chargé de l'entreprise, en est venue entraver l'exécution.
« Pour ce qui est du plan d'achèvement de la construction
d'une seconde tour, c'est une utopie qui ne rencontrera pas
beaucoup de partisans en Alsace. Le dessin que nous avons
devant nous témoigne, il est vrai, d'une étude minutieuse et
d'une connaissance très sérieuse de l'architecture gothique. Il
ne nous appartient pas d'en discuter la valeur artistique-ni les
rapports plus ou moins intimes avec le plan primitif d'Erwin de
Steinbach. Mais nous croyons être l'interprète du sentiment
général en disant que l'Alsace préfère sa cathédrale telle que les
siècles nous l'ont donnée.
« Si nous parcourons les journaux allemands, nous y
voyons que l'un des grands motifs de ce subit enthousiasme
pour l'achèvement de la cathédrale de Strasbourg, c'est le besoin
de trouver, pour la célèbre corporation des sculpteurs (la
Bauhûttc) de Cologne, une occupation digne de succéder au
travail qu'elle vient de terminer.
« La statue bien divisée en grandes masses, bien pondérée
et équilibrée, offre des lignes et des contrastes admirables, le tout
est enveloppé par les grands plis du manteau, qui, un peu re-
jeté sur l'épaule, est ramené sur le genou de la jambe droite.
« L'impression est grande, sérieuse, vraiment monumentale.
Ce qui frappe surtout, c'est une grande impression de simpli-
cité. Pas de pose, pas de phrases ; l'artiste, en restant simple et
vrai, a trouvé le secret de faire grand et de nous émouvoir.
« Le piédestal est en beau granit rouge de Suède.
« Le monument s'élève sur le Paviljoensgracht, à une petite
distance de la maison où le penseur qui devait avoir une si
grande influence sur la philosophie des deux siècles suivants a
passé les six dernières années de sa vie. A la façade de cette
maison on a fixé une pierre portant une inscription commémo-
rative.
« L'inauguration a eu un caractère également simple. Il
n'y avait guère là que des admirateurs du philosophe, et parmi
eux plusieurs étrangers, MM. B. Auerbach, Pollock, de Londres,
le professeur et bibliothécaire Scharschmidt, de Iéna, etc. M. le
professeur J. van Vloten a prononcé un discours, où le ton et
le style vraiment dignes du philosophe et de sa statue s'alliaient
à une franchise, à une hardiesse de pensée admirables.
« Nous faisons des vœux sincères pour que, du socle de la
statue de Spinoza où il est gravé, le nom du jeune statuaire
s'élève à la gloire. Et nous comptons sur la capitale de l'art mo-
derne, sur Paris, pour faire à ce talent inconnu la place qu'il
mérite. »
Le Directeur-Gérant : EUGÈNE VÉRON.