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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 3)

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Giron, Aimé: Basilique de Notre-Dame du Ruy: fresque de la Chapelle des Morts
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https://doi.org/10.11588/diglit.18609#0212

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182

L'ART.

La peinture chrétienne naquit au fond des Catacombes, où elle ne reproduisait alors aucune
des scènes violentes de la Passion. C'était la religion douce et joyeuse des symboles touchants et
des radieuses espérances.

Bientôt, l'art chrétien émigra à Byzance avec Constantin. Après le Concile in Trullo de 692,
qui recommandait, au contraire aux artistes les sujets de la Passion, l'art devint liturgique et
réglementé, hiératique et immobile, mais avec les formules nouvelles de son milieu asiatique; —
ce fut fart byzantin. Les peintres byzantins, héritiers du grand art en décadence de la grande
Rome, se trouvèrent naturellement les éducateurs de l'Europe aux x° et xie siècles. L'Europe
eut donc, à son tour, un art participant de ce double caractère : le roman byzantin.
Plus tard enfin, à l'heure où les sociétés travaillaient à constituer leur unité, où les terreurs le
disputaient aux fléaux, la religion se fit sombre. Elle inspira de préférence aux artistes les
représentations douloureuses du sublime martyre évangélique et s'affirma comme la religion de
la souffrance, des expiations et des réalités terrifiantes.

Voilà la triple influence d'où procède notre fresque. Elle est du commencement du xiiic siècle,
si l'on en juge par la forme des lettres des inscriptions — romaines mêlées aux onciales et surtout
les E, tantôt carrés, tantôt lunaires.

Elle représente le Christ en croix. C'est tout un drame — une sorte de mystère comme en
composait le moyen âge où le Ciel et la Terre ensemble étaient évoqués dans les développements
d'une action.

Jésus est le personnage principal. Son visage est empreint d'une horrible angoisse — mais
en même temps de résignation.

Saint Jean, à gauche du Crucifié, — tenant un livre parce qu'il est évangéliste, — pieds nus
parce qu'il est apôtre, — dans son affliction soutient de la main sa tête penchée.

La Vierge Marie est à droite de la croix —■ la place la plus noble. Elle élève vers son fils
de larges yeux désolés, en le montrant comme pour dire à l'Humanité : Voilà ton Sauveur!

A eux trois, ils forment le groupe souverain, groupe émacié à plaisir, douloureux à épouvanter.

La Terre est représentée par les Prophètes qui ont annoncé la mort du Christ. Le peintre a
exagéré leur stature, car l'art byzantin essayait de rendre la grandeur morale par la dimension
matérielle, comme le montre l'image colossale de la sainte Sagesse dans le chevet de Sainte-Sophie
de Constantinople. Chez tous, le type du nez est de race — il est juif. Chaque prophète
développe, entre ses mains écartées et par des mouvements heureux, un rouleau où se trouve
inscrit le texte de sa prophétie ; son nom l'accompagne : Jérémie, Esaïe, Osée — et Filo.
Pourquoi Filo ? Celui-ci porte une citation du Livre de la Sagesse. Le roi Salomon était regardé
par les Pères grecs comme l'auteur de ce livre. D'autres — les Pères latins, saint Jérôme, par
exemple, — l'attribuaient à Philon, célèbre philosophe juif d'Alexandrie. — Hasarderons-nous une
autre conjecture ? Schilo, en hébreu, signifie le Pacifique et ce mot est la racine même du nom
de Salomon. L\F du peintre ne serait-il pas une corruption du sch hébreu — qui a la forme
d'un E gothique ?

Quoi qu'il en soit, la présence de ce nom signe une origine ou, tout au moins, une école.

La nature elle-même participe au sinistre drame du Golgotha par ses deux astres rois —
le soleil, rouge, et la lune, verte, — le soleil à droite et la lune à gauche suivant les règles
iconographiques, — tous deux portant la désolation sur cette singulière face humaine que leur
a prêtée l'artiste.

D'après la tradition, quand Jésus expira, la lune et le soleil accoururent se placer de chaque
côté de la croix — ce qu'appuie un fait historique. Saint Denys l'aréopagite se trouvait alors à
Hiéropolis en Egypte en compagnie de l'astronome Apollophane ; ils constatèrent avec étonnement,
à la neuvième heure du jour, une éclipse en contradiction pour cette époque de l'année avec les
lois inflexibles de l'astronomie.

Chacun des deux astres est, de plus, gardé par un ange armé d'une baguette. Platon et
Aristote croyaient les astres animés par une âme en leur révolution. Le moyen âge prétendit
qu'ils étaient sous la puissance d'anges moteurs.
 
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