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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 6.1880 (Teil 3)

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Giron, Aimé: Basilique de Notre-Dame du Ruy: fresque de la Chapelle des Morts
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https://doi.org/10.11588/diglit.18609#0213

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BASILIQUE DE NOTRE-DAME DU PUY. 183

Le Ciel, enfin, couronne le drame. Dans les hauteurs de la fresque deux groupes d'anges —
face à face — sont peints, têtes nimbées, ailes déployées, — en lamentations, en stupeur, en
adoration.

Tous les personnages de cette composition sont équilibrés — dans leur nombre, leur pose,
leurs gestes —■ avec une symétrie, caractéristique de l'art byzantin.

Voilà le drame. ■— Quels sont maintenant les caractères originels de cette peinture ?

On peut y reconnaître le mélange de deux influences distinctes : l'influence byzantine-grecque
dans le groupe principal et, dans les comparses, l'influence byzantine-latine retournant à la liberté
des mouvements et à une certaine observation de la nature.

En effet, dans le groupe principal, absence ou ignorance d'anatomie, roideur des draperies
développées outre mesure — en un mot, mépris complet du corps au profit de l'âme, révélé par
l'expression. Le Christ n'est plus qu'un squelette mis à nu pour réaliser au vrai cette parole de
l'Écriture : « Ils ont compté mes os ! » et, cette autre : « Voilà où m'ont réduit les péchés du
monde ! » — Émaciation symbolique voulue, cherchée et traduite énergiquement par les attaches
des bras, la saillie des côtes et l'ossature des genoux.

La draperie tourmentée qui ceint les flancs du Christ est bordée d'un ornement oriental,
la grecque.

La croix est à deux étages de traverses : les premières s'allongeant sous les bras étendus, et
les secondes, plus étroites au-dessus de la tête. Les iconologues avancent que ces traverses plus
petites sont destinées à rappeler la planchette de l'inscription : Jésus de Nazareth, roi des Juifs.
Un commentaire talmudique affirme à son tour que la croix fut un arbre brut avec ses deux
grosses premières branches conservées et ses deux secondes coupées à quelques pouces du tronc.

Du pied de la croix, enfin, sortent des têtes d'anges figurant la source d'eau vive que les
peintres primitifs en faisaient sourdre. ■— Ex morte, vita.

Voilà la partie de la fresque, rendue d'après l'iconologie liturgique et sur des types
invariables.

Mais les autres parties révèlent déjà ce que Viollet-le-Duc appelle le génie national, par une
composition plus indépendante, par un sentiment plus réel des postures et des physionomies, par
une tendance dramatique, absente de la peinture byzantine. En effet, les prophètes sont humains
et bien vivants; l'étude de la nature risque déjà des muscles et du sang sous la chair.

Dans la partie supérieure, les anges aussi sont vrais — charmants — et d'une étonnante
variété de gestes et d'expressions. Les inflexibilités ont disparu et la souplesse tend à régner.

Chaque scène de ce drame à compartiments, de même que chaque prophète, est enfermée
clans une bordure — soit sinueuse avec des nuances d'arc-en-ciel, soit pointillée de trous dans la
pâte et dont nous allons reparler.

Un encadrement général circonscrit enfin la fresque — feuilles de palmier richement
fantaisiste appelant le lieu du drame, la Palestine. Cette fresque accuse donc une véritable
science de composition. Quant à l'exécution elle est sommaire. Les figures se détachent en
silhouettes claires sur un fond sombre et simplement rehaussées de traits hardis, énergiques qui
indiquent les formes, les plis des draperies, les linéaments intérieurs ; le modelé n'est lui-même
obtenu que par ces traits plus ou moins accentués, et la couleur n'est autre chose que de
l'enluminure; — toute l'ancienne pratique de l'art byzantin.

Il faut maintenant signaler dans l'exécution un procédé d'une audace ingénieuse et rare, et
dont nous ne trouvons, croyons-nous, trace ou mention nulle part.

Les encadrements peints, le semis des losanges jaunes du fond, les nimbes, les ornements, la
couverture du livre de saint Jean sont ponctués de trous dans l'enduit frais, • obtenus,
semble-t-il; par le bout de l'index et disposés en chapelet régulier comme dans les bordures ou,
par symétrie de cinq, comme dans les losanges. Le jeu de l'ombre et de la lumière dans ces
dépressions simule, à distance, les cabochons dont semaillait et abusait l'art byzantin. Ce jeu est
facilité par le jour avare et douteux que les six baies ouvertes sous les arcades d'un cloître,
laissent glisser à regret dans cette chapelle des morts.
 
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