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LODOVICO ARIOSTO.
Mais si je voulais parler des histoires amoureuses dont le Roland
est rempli, pourrais-je jamais exprimer toute la tendresse qui règne
dans celles d’Ariodant et de Ginevra, d’Angélique et de Médor,
d’Isabelle et de Zerbin? Que de merveilles dans l’île enchantée d’Al-
cine, et quelle peinture de sa beauté dans le VIIe chant ! La gaieté
naturelle de notre poète ne l’empêcha pas d’exhaler, dans une bril-
lante allégorie, sa sainte colère contre ceux qui déchiraient l’infortunée
patrie dont il raconte les douleurs avec une émotion profonde :
« Harpies cruelles, impies, affamées, que la justice suprême, pour
nous punir sans doute de nos anciennes fautes, envoie sur toutes les
possessions de l’Italie aveuglée, de l’Italie, foyer de coupables erreurs!
Les enfants innocents, leurs tendres mères, expirent ensemble, consu-
més par la faim , tandis que ce qui devait faire le soutien de leur vie ,
des monstres abominables le dévorent en un seul repas ! Quel crime
n’a-t-il pas commis celui qui a ouvert de nouveau les cavernes où ces
monstres étaient renfermés depuis tant d’années ! De là sont sorties l’in-
fection et la rapacité pour se répandre sur l’Italie , pour l’accabler des
maux les plus affreux; la paix, la douce aisance en ont disparu, et le
repos en a été si impitoyablement banni, que les batailles, le désespoir
et la misère l’ont de plus en plus épuisée, et l’épuiseront encore long-
temps ! »
Je termine ici le récit de la vie de l’Arioste, à qui son génie et sa
vertu ont fait décerner par ses contemporains le nom de divin, que la
juste postérité lui a confirmé en même temps qu’elle en dépouillait l’A-
rélin, et qu’elle renversait les autels élevés à ce faux dieu par l’adula-
tion, par l’ignorance et par la peur.
LODOVICO ARIOSTO.
Mais si je voulais parler des histoires amoureuses dont le Roland
est rempli, pourrais-je jamais exprimer toute la tendresse qui règne
dans celles d’Ariodant et de Ginevra, d’Angélique et de Médor,
d’Isabelle et de Zerbin? Que de merveilles dans l’île enchantée d’Al-
cine, et quelle peinture de sa beauté dans le VIIe chant ! La gaieté
naturelle de notre poète ne l’empêcha pas d’exhaler, dans une bril-
lante allégorie, sa sainte colère contre ceux qui déchiraient l’infortunée
patrie dont il raconte les douleurs avec une émotion profonde :
« Harpies cruelles, impies, affamées, que la justice suprême, pour
nous punir sans doute de nos anciennes fautes, envoie sur toutes les
possessions de l’Italie aveuglée, de l’Italie, foyer de coupables erreurs!
Les enfants innocents, leurs tendres mères, expirent ensemble, consu-
més par la faim , tandis que ce qui devait faire le soutien de leur vie ,
des monstres abominables le dévorent en un seul repas ! Quel crime
n’a-t-il pas commis celui qui a ouvert de nouveau les cavernes où ces
monstres étaient renfermés depuis tant d’années ! De là sont sorties l’in-
fection et la rapacité pour se répandre sur l’Italie , pour l’accabler des
maux les plus affreux; la paix, la douce aisance en ont disparu, et le
repos en a été si impitoyablement banni, que les batailles, le désespoir
et la misère l’ont de plus en plus épuisée, et l’épuiseront encore long-
temps ! »
Je termine ici le récit de la vie de l’Arioste, à qui son génie et sa
vertu ont fait décerner par ses contemporains le nom de divin, que la
juste postérité lui a confirmé en même temps qu’elle en dépouillait l’A-
rélin, et qu’elle renversait les autels élevés à ce faux dieu par l’adula-
tion, par l’ignorance et par la peur.