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ALESSANDRO GUIDI.
Clément XI était allé passer la belle saison, dans le dessein de lui en
faire hommage. La découverte de quelques fautes graves d’impression
qu’il fit en chemin le pénétra d’une telle douleur, qu’arrivé à Frascati
il fut frappé d’apoplexie,et expira quelques heures après, le 12 juin 1712.
La nature prodigue envers Guidi des dons de l’esprit lui refusa ceux
du corps. Il était borgne de l’œil droit, avait le buste défectueux, les
épaules inégales. Il était dédaigneux et vantard, défaut choquant chez
tout le monde, mais plus encore chez celui qui est disgracié dans sa
personne. Aussi fut-il en butte aux moqueries et aux satires de beau-
coup de ses contemporains, et principalement de Settano. En revanche
il montra un éloquent amour de la patrie dans le discours qu’il adressa
au prince Eugène de Savoie, gouverneur de Milan, et par lequel il par-
vint à soustraire sa ville de Pavie aux charges écrasantes dont l’avarice
du fisc menaçait de l’accabler. Il était toujours prêt à aider les autres
de ses conseils et de sa bourse, et il fut d’une si grande charité pour
les pauvres qu’il les fit héritiers de tout son avoir, qui était assez consi-
dérable. Admirateur passionné de Pétrarque, il sollicita la faveur
d’être enterré près de lui dans l’église de Saint Onuphre, où la munifi-
cence de Clément éleva un tombeau à son ami. Ces sentiments géné-
reux serviront d’excuse à sa vanité, et la beauté de ses canzones lui fera
pardonner ce vers:
« Pindare n’est pas le seul poète aimé des Dieux. »
ALESSANDRO GUIDI.
Clément XI était allé passer la belle saison, dans le dessein de lui en
faire hommage. La découverte de quelques fautes graves d’impression
qu’il fit en chemin le pénétra d’une telle douleur, qu’arrivé à Frascati
il fut frappé d’apoplexie,et expira quelques heures après, le 12 juin 1712.
La nature prodigue envers Guidi des dons de l’esprit lui refusa ceux
du corps. Il était borgne de l’œil droit, avait le buste défectueux, les
épaules inégales. Il était dédaigneux et vantard, défaut choquant chez
tout le monde, mais plus encore chez celui qui est disgracié dans sa
personne. Aussi fut-il en butte aux moqueries et aux satires de beau-
coup de ses contemporains, et principalement de Settano. En revanche
il montra un éloquent amour de la patrie dans le discours qu’il adressa
au prince Eugène de Savoie, gouverneur de Milan, et par lequel il par-
vint à soustraire sa ville de Pavie aux charges écrasantes dont l’avarice
du fisc menaçait de l’accabler. Il était toujours prêt à aider les autres
de ses conseils et de sa bourse, et il fut d’une si grande charité pour
les pauvres qu’il les fit héritiers de tout son avoir, qui était assez consi-
dérable. Admirateur passionné de Pétrarque, il sollicita la faveur
d’être enterré près de lui dans l’église de Saint Onuphre, où la munifi-
cence de Clément éleva un tombeau à son ami. Ces sentiments géné-
reux serviront d’excuse à sa vanité, et la beauté de ses canzones lui fera
pardonner ce vers:
« Pindare n’est pas le seul poète aimé des Dieux. »