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GIAMBATTISTA CASH.
Établissant une distinction,
A chacun d’eux il assigna sa place
Ou dans la basse ou dans la haute classe.
Ainsi l’on voit chez les Européens,
Grands et petits, nobles et plébéiens.
La classe noble englobait les rapaces,
Les vigoureux, les cruels, les pillards :
Tigres, Lions, Panthères, léopards ;
Les indomptés, les forts et les voraces :
Rhinocéros, Girafes, Éléphants,
Du peuple brute espèces de géants;
On leur donna mainte prérogative,
Exemption, titre, charge exclusive,
Héréditaire ; et chacun fut soudain
En grand’ faveur auprès du souverain.
C’est dans leurs rangs que Lion, par la suite,
Des courtisans prit la gent favorite.
L’ignoble classe eut un autre destin,
On y rangea les animaux utiles,
Faibles, petits, timides ou tranquilles :
Brebis, agneaux, chevreuils, hermines, daims;
Les écureuils, les lièvres, les lapins;
Gens qui jamais ne causent de dommage,
Dociles tous, ennemis du tapage.
Qu’arriva-t-il ? Bientôt aux seuls puissants
La basse classe en propre fut donnée.
Loin d’être admise aux emplois éclatants,
Par les seigneurs elle fut condamnée
A les nourrir : peine, travail, sueur,
Fatigue, soin, les cinq sens de nature,
Tout fut pour eux; elle eut enfin l’honneur
A tous ces grands de servir de pâture ! »
Ensuite le roi Lion, sur l’avis de son premier ministre, le Chien
dogue, choisit pour son grand majordome, le Taureau; pour maître des
cérémonies, le jeune Singe; pour chambellan, le Chien barbet; pour mi-
nistre de la police, le Chat; pour interprète des volontés royales, \eLynx;
pour grand pourvoyeur, le Chacal; pour premier architecte, le Castor;
pour bibliothécaire en chef, la Souris; pour archiviste, la Taupe; pour
pré^nteur de l’infant lion, X Ane; pour médecin, Xlbis; pour maître de
langue, le Perroquet ; pour maître de ballet, XOurs; pour grand théo-
logien et directeur des consciences, le Hibou; pour maître de poli-
tique, le Renard; pour journaliste, la Pie tfiazza}. Cette dernière
s’étant faite dans la Gazette de cour l’apologiste effrontée du ministre
animalesque de la régente Lionne et de son affidé le Renard, Casti
prend de là occasion de parler de la vénalité, de l’effronterie et de
la fausseté des gazetiers :
« Ainsi bientôt une institution
Qui devait être en lumières féconde
GIAMBATTISTA CASH.
Établissant une distinction,
A chacun d’eux il assigna sa place
Ou dans la basse ou dans la haute classe.
Ainsi l’on voit chez les Européens,
Grands et petits, nobles et plébéiens.
La classe noble englobait les rapaces,
Les vigoureux, les cruels, les pillards :
Tigres, Lions, Panthères, léopards ;
Les indomptés, les forts et les voraces :
Rhinocéros, Girafes, Éléphants,
Du peuple brute espèces de géants;
On leur donna mainte prérogative,
Exemption, titre, charge exclusive,
Héréditaire ; et chacun fut soudain
En grand’ faveur auprès du souverain.
C’est dans leurs rangs que Lion, par la suite,
Des courtisans prit la gent favorite.
L’ignoble classe eut un autre destin,
On y rangea les animaux utiles,
Faibles, petits, timides ou tranquilles :
Brebis, agneaux, chevreuils, hermines, daims;
Les écureuils, les lièvres, les lapins;
Gens qui jamais ne causent de dommage,
Dociles tous, ennemis du tapage.
Qu’arriva-t-il ? Bientôt aux seuls puissants
La basse classe en propre fut donnée.
Loin d’être admise aux emplois éclatants,
Par les seigneurs elle fut condamnée
A les nourrir : peine, travail, sueur,
Fatigue, soin, les cinq sens de nature,
Tout fut pour eux; elle eut enfin l’honneur
A tous ces grands de servir de pâture ! »
Ensuite le roi Lion, sur l’avis de son premier ministre, le Chien
dogue, choisit pour son grand majordome, le Taureau; pour maître des
cérémonies, le jeune Singe; pour chambellan, le Chien barbet; pour mi-
nistre de la police, le Chat; pour interprète des volontés royales, \eLynx;
pour grand pourvoyeur, le Chacal; pour premier architecte, le Castor;
pour bibliothécaire en chef, la Souris; pour archiviste, la Taupe; pour
pré^nteur de l’infant lion, X Ane; pour médecin, Xlbis; pour maître de
langue, le Perroquet ; pour maître de ballet, XOurs; pour grand théo-
logien et directeur des consciences, le Hibou; pour maître de poli-
tique, le Renard; pour journaliste, la Pie tfiazza}. Cette dernière
s’étant faite dans la Gazette de cour l’apologiste effrontée du ministre
animalesque de la régente Lionne et de son affidé le Renard, Casti
prend de là occasion de parler de la vénalité, de l’effronterie et de
la fausseté des gazetiers :
« Ainsi bientôt une institution
Qui devait être en lumières féconde