GIAMBATTISTA GIRALDI.
297
reuses dispositions, que les maîtres les plus fameux tinrent à honneur
de cultiver, SoccinoBenzi dans la dialectique et la physique, Giovanni
Manardi dans la médecine, Gelio Calcagnini et Marc-Antoine Antimaco
dans les lettres, il ne tarda pas à professer lui-même la philosophie
et l’art médical dans sa patrie. C’est ainsi qu’il consuma, comme lui-
même s’en plaignit, douze de ses meilleures années parmi les épines
de la logique et les landes de la philosophie. Devenu dans la suite
secrétaire d’Hercule II et d’Alphonse II, il eut un vif démêlé avec
Jean-Baptiste Pigna1, autrefois son élève et son ami, qu’il accusa d’ingra-
titude et de déloyauté pour avoir voulu lui dérober ses Discours sur les
romans et les faire passer sous son nom, dans le même temps qu’il
les avait donnés à l’impression. Le disciple renvoya l’accusation à
son maître, si bien qu’il est difficile aujourd’hui de dire de quel
côté étaient le mensonge et la fourberie. Ce qui n’est que trop
certain, c’est le scandale avec lequel nos écrivains, à cette époque et à
d’autres, faisaient assaut de calomnies. Cette querelle alla si loin que
Giraldi, craignant d’avoir perdu les bonnes grâces du duc, s’exila vo-
lontairement. Il accepta l’offre que lui avait faite le prince de Savoie
d’une chaire d’éloquence à l’Université de Mondovi, puis à celle de
Turin. Plus tard encore nous le trouvons professeur de belles-lettres à
Pavie, où l’avait appelé le sénat de Milan. Ces divers enseignements lui
attirèrent des applaudissements universels, parce qu’il joignait la pro-
fondeur du savoir aux charmes de la parole. Mais enfin, sentant sa
santé s’affaiblir, le désir lui vint de revoir Ferrare, où il mourut en 1573.
Les ouvrages qu’a laissés Giraldi sont de diverses sortes : le Discours
sur les romans, dont j’ai parlé, une histoire abrégée de la maison d’Este,
en latin, neuf tragédies italiennes parmi lesquelles YOrbecche, et cent
Nouvelles nommées par lui Ecatommiti, et qui virent le jour en 1565.
L’auteur suppose qu’après le sac de Rome et la peste qui survint peu
après, une troupe de cavaliers et de dames de distinction font voile en-
semble pour Marseille et se mettent à conter des histoires à tour de
rôle pour tromper les longueurs de la traversée. Bartolomeo Cavalcanti
n’hésite pas à déclarer les Nouvelles de Giraldi supérieures à celles de
Boccace; Zanetti, au contraire, après avoir critiqué l’invraisemblance
et le défaut d’invention du fond dit que le style de Giraldi est « inégal,
traînant, ennuyeux et flasque à force de travail, sans être pour cela plus
correct ni plus pur du côté de la langue. » Zanetti et Cavalcanti ont tort
tous les deux, et Giraldi ne mérite ni cet excès d’honneur ni cette indi-
gnité. Son style est remarquable à beaucoup d’égards, et si l’on n’y re-
' Ce Pigna (Jean-Baptiste), historien des princes d’Este, secrétaire et favori du duc
Alphonse, fut en même temps le rival d’amour et l’ennemi du Tasse.
(A’ote dit traducteur.}
297
reuses dispositions, que les maîtres les plus fameux tinrent à honneur
de cultiver, SoccinoBenzi dans la dialectique et la physique, Giovanni
Manardi dans la médecine, Gelio Calcagnini et Marc-Antoine Antimaco
dans les lettres, il ne tarda pas à professer lui-même la philosophie
et l’art médical dans sa patrie. C’est ainsi qu’il consuma, comme lui-
même s’en plaignit, douze de ses meilleures années parmi les épines
de la logique et les landes de la philosophie. Devenu dans la suite
secrétaire d’Hercule II et d’Alphonse II, il eut un vif démêlé avec
Jean-Baptiste Pigna1, autrefois son élève et son ami, qu’il accusa d’ingra-
titude et de déloyauté pour avoir voulu lui dérober ses Discours sur les
romans et les faire passer sous son nom, dans le même temps qu’il
les avait donnés à l’impression. Le disciple renvoya l’accusation à
son maître, si bien qu’il est difficile aujourd’hui de dire de quel
côté étaient le mensonge et la fourberie. Ce qui n’est que trop
certain, c’est le scandale avec lequel nos écrivains, à cette époque et à
d’autres, faisaient assaut de calomnies. Cette querelle alla si loin que
Giraldi, craignant d’avoir perdu les bonnes grâces du duc, s’exila vo-
lontairement. Il accepta l’offre que lui avait faite le prince de Savoie
d’une chaire d’éloquence à l’Université de Mondovi, puis à celle de
Turin. Plus tard encore nous le trouvons professeur de belles-lettres à
Pavie, où l’avait appelé le sénat de Milan. Ces divers enseignements lui
attirèrent des applaudissements universels, parce qu’il joignait la pro-
fondeur du savoir aux charmes de la parole. Mais enfin, sentant sa
santé s’affaiblir, le désir lui vint de revoir Ferrare, où il mourut en 1573.
Les ouvrages qu’a laissés Giraldi sont de diverses sortes : le Discours
sur les romans, dont j’ai parlé, une histoire abrégée de la maison d’Este,
en latin, neuf tragédies italiennes parmi lesquelles YOrbecche, et cent
Nouvelles nommées par lui Ecatommiti, et qui virent le jour en 1565.
L’auteur suppose qu’après le sac de Rome et la peste qui survint peu
après, une troupe de cavaliers et de dames de distinction font voile en-
semble pour Marseille et se mettent à conter des histoires à tour de
rôle pour tromper les longueurs de la traversée. Bartolomeo Cavalcanti
n’hésite pas à déclarer les Nouvelles de Giraldi supérieures à celles de
Boccace; Zanetti, au contraire, après avoir critiqué l’invraisemblance
et le défaut d’invention du fond dit que le style de Giraldi est « inégal,
traînant, ennuyeux et flasque à force de travail, sans être pour cela plus
correct ni plus pur du côté de la langue. » Zanetti et Cavalcanti ont tort
tous les deux, et Giraldi ne mérite ni cet excès d’honneur ni cette indi-
gnité. Son style est remarquable à beaucoup d’égards, et si l’on n’y re-
' Ce Pigna (Jean-Baptiste), historien des princes d’Este, secrétaire et favori du duc
Alphonse, fut en même temps le rival d’amour et l’ennemi du Tasse.
(A’ote dit traducteur.}