DANIELLO BARTOLI.
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Monti a dit, en parlant de Bartoli : « Les ouvrages de cet auteur,
pour tout ce qui touche à la langue, se distinguent par la pureté et la
recherche de l’expression, au point qu’ils pécheraient plutôt par < ex-
cès que par le manque d’élégance. Et il serait à désirer qu i eut su
se préserver de la rhétorique de son siècle aussi bien qu’il posséda
mieux que personne les secrets les plus cachés de notre langue. »
Mais ces qualités extérieures ne sont pas les seules de Bartoli, et le
fini de la forme n’ôte rien, chez lui, au mérite et à l’importance du
fond. Sans parler de ses ouvrages sur la grammaire, l’Histoire de l’Asie,
en trois livres, consacrés, le premier au récit des missions des Jésuites
dans les Indes orientales, le second aux missions du Japon, et le troi-
sième à celles de la Chine, offre, dans un ensemble remarquable, la
grandeur des pensées et la force de la dialectique soutenues par l’in-
térêt des récits, le charme et la vivacité des descriptions, la grâce par-
fois railleuse des aperçus. La citation suivante mettra le lecteur à même
d’en juger :
« La nature a placé l’homme à dessein au milieu de l’univers, comme
au centre d’un immense théâtre, pour faire de lui, non l’habitant oisif,
mais le spectateur curieux de ce magnifique ouvrage, où éclate une si
grande variété dans une telle unité, et une si grande unité dans une
telle variété, où la beauté de l’ensemble surpasse encore la multipli-
cité des parties. Et encore, pour peu que l’on y réfléchisse, on s’aper-
çoit que la nature nous a placés au centre de la création, moins comme
dans un théâtre pour admirer, que comme dans une école pour ap-
prendre. C’est pour cela qu’elle a allumé en nous cette soif inextingui-
ble de savoir, et qu’en déroulant devant nos yeux l’immensité de l’uni-
vers et la diversité des éléments, elle nous invite, par l’évidence des
effets, à rechercher le mystère des causes. Quelle est cette force intelli-
gente qui meut l’univers dans un cercle éternel? Ce mouvement qui
l’emporte lui est-il propre ou lui a-t-il été donné? Les sphères des
planètes forment-elles autant de cieux concentriques, ou bien toute
cette grande famille d’étoiles n’a-t-elle qu’un ciel unique pour de-
meure? De quelle substance est-il composé ? corruptible, ou éternelle ?
liquide comme l’air, ou solide et dure comme le diamant ? D’où vien-
nent les taches, les lueurs autour du soleil? Qui produit l’obscurité qui
nous dérobe la lune? A quel foyer s’embrasent et de quelle matière sont
composées les comètes et les étoiles qui apparaissent soudainement?
Sont-elles citoyennes ou étrangères dans le ciel? sont-ce des naturels
de cette contrée, ou étaient-elles primitivement ici-bas? Comment le
cours irrégulier des planètes peut-il être soumis à des lois fixes? com-
ment connaître, comment prédire les éclipses ? quelle est la pro-
fondeur des cieux ? le nombre des étoiles? la rapidité de leurs
mouvements? le volume de leurs corps? D’où les vents ont-ils pris
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Monti a dit, en parlant de Bartoli : « Les ouvrages de cet auteur,
pour tout ce qui touche à la langue, se distinguent par la pureté et la
recherche de l’expression, au point qu’ils pécheraient plutôt par < ex-
cès que par le manque d’élégance. Et il serait à désirer qu i eut su
se préserver de la rhétorique de son siècle aussi bien qu’il posséda
mieux que personne les secrets les plus cachés de notre langue. »
Mais ces qualités extérieures ne sont pas les seules de Bartoli, et le
fini de la forme n’ôte rien, chez lui, au mérite et à l’importance du
fond. Sans parler de ses ouvrages sur la grammaire, l’Histoire de l’Asie,
en trois livres, consacrés, le premier au récit des missions des Jésuites
dans les Indes orientales, le second aux missions du Japon, et le troi-
sième à celles de la Chine, offre, dans un ensemble remarquable, la
grandeur des pensées et la force de la dialectique soutenues par l’in-
térêt des récits, le charme et la vivacité des descriptions, la grâce par-
fois railleuse des aperçus. La citation suivante mettra le lecteur à même
d’en juger :
« La nature a placé l’homme à dessein au milieu de l’univers, comme
au centre d’un immense théâtre, pour faire de lui, non l’habitant oisif,
mais le spectateur curieux de ce magnifique ouvrage, où éclate une si
grande variété dans une telle unité, et une si grande unité dans une
telle variété, où la beauté de l’ensemble surpasse encore la multipli-
cité des parties. Et encore, pour peu que l’on y réfléchisse, on s’aper-
çoit que la nature nous a placés au centre de la création, moins comme
dans un théâtre pour admirer, que comme dans une école pour ap-
prendre. C’est pour cela qu’elle a allumé en nous cette soif inextingui-
ble de savoir, et qu’en déroulant devant nos yeux l’immensité de l’uni-
vers et la diversité des éléments, elle nous invite, par l’évidence des
effets, à rechercher le mystère des causes. Quelle est cette force intelli-
gente qui meut l’univers dans un cercle éternel? Ce mouvement qui
l’emporte lui est-il propre ou lui a-t-il été donné? Les sphères des
planètes forment-elles autant de cieux concentriques, ou bien toute
cette grande famille d’étoiles n’a-t-elle qu’un ciel unique pour de-
meure? De quelle substance est-il composé ? corruptible, ou éternelle ?
liquide comme l’air, ou solide et dure comme le diamant ? D’où vien-
nent les taches, les lueurs autour du soleil? Qui produit l’obscurité qui
nous dérobe la lune? A quel foyer s’embrasent et de quelle matière sont
composées les comètes et les étoiles qui apparaissent soudainement?
Sont-elles citoyennes ou étrangères dans le ciel? sont-ce des naturels
de cette contrée, ou étaient-elles primitivement ici-bas? Comment le
cours irrégulier des planètes peut-il être soumis à des lois fixes? com-
ment connaître, comment prédire les éclipses ? quelle est la pro-
fondeur des cieux ? le nombre des étoiles? la rapidité de leurs
mouvements? le volume de leurs corps? D’où les vents ont-ils pris