LIONARDO DA VINCI.
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porter en France. Lionard vint donc à Paris, mais pour renoncer en-
tièrement à la peinture et pour mourir en 1510, à Cloux, près d’Am-
boise, dans les bras du monarque, son ami.
La connaissance que Vinci avait de la poésie et de l’histoire, produisit
dans l’école milanaise cette préoccupation de l’antique et du costume
dont le maître avait donné l’exemple et qui manque aux œuvres des
plus illustres. Il donna une grande part à la lumière dans ses compo-
sitions, et il eut peu de rivaux dans le clair-obscur et dans le mélange
du fini et du grandiose pour lequel il servit de modèle à Raphaël. Il
est surtout remarquable par le dessin et par l’art avec lequel il sut
représenter les passions les plus secrètes et les plus impénétrables.
« Aucun des anciens maîtres, écrivait Giuseppe Bossi, n’a mis plus
de vie, de force, d’expression et de caractère, soit dans l’achèvement
de ses compositions, soit dans les premiers traits que dessinait son pin-
ceau. La vivacité des regards, le froncement des cils, la compression
des lèvres dans les têtes d’hommes ; le creusement du front et des na-
rines, les rides molles des joues et du cou dans les têtes de vieillards ;
dans celles des jeunes gens et des femmes la douceur des sourires, le
léger gonflement des joues produit par la joie, les yeux à demi voilés;
dans les têtes de cheval l’écartement des naseaux, les narines frémis-
santes et les lèvres écumeuses; les plis de la chair dans les nus,
le gonflement étudié des muscles, le détirement des tendons, l’effort
des os contre la peau, et mille autres accidents naturels saisis avec sa-
gacité et rendus avec une admirable vérité de caractère : voilà ce qu’on
admire dans les rares pages tracées par sa main divine, les délices
éternelles de quiconque sait les comprendre. »
Aux qualités à l’aide desquelles il lui fut donné d’atteindre à la per-
fection des plus grands maîtres, Lionard de Vinci joignit l’habi-
tude malheureuse de laisser inachevés les ouvrages qu’il avait conçus
avec le plus d’amour : effet regrettable d’un goût trop raffiné et de la
trop grande peur de l’artiste, mais où les nains orgueilleux de
notre époque pourraient trouver une leçon. Telle était donc l’idée que
se faisait Vinci de la sublimité et de la sainteté de F Art, qu’il se croyait
trop faible pour y atteindre ; et ces œuvres qui font aujourd’hui l’orgueil
des cités qui les possèdent paraissaient de nul prix à ses yeux, et le dé-
couragement l’empêchait de les continuer. A qui cependant ne de-
vaient-elles pas paraître des miracles?
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porter en France. Lionard vint donc à Paris, mais pour renoncer en-
tièrement à la peinture et pour mourir en 1510, à Cloux, près d’Am-
boise, dans les bras du monarque, son ami.
La connaissance que Vinci avait de la poésie et de l’histoire, produisit
dans l’école milanaise cette préoccupation de l’antique et du costume
dont le maître avait donné l’exemple et qui manque aux œuvres des
plus illustres. Il donna une grande part à la lumière dans ses compo-
sitions, et il eut peu de rivaux dans le clair-obscur et dans le mélange
du fini et du grandiose pour lequel il servit de modèle à Raphaël. Il
est surtout remarquable par le dessin et par l’art avec lequel il sut
représenter les passions les plus secrètes et les plus impénétrables.
« Aucun des anciens maîtres, écrivait Giuseppe Bossi, n’a mis plus
de vie, de force, d’expression et de caractère, soit dans l’achèvement
de ses compositions, soit dans les premiers traits que dessinait son pin-
ceau. La vivacité des regards, le froncement des cils, la compression
des lèvres dans les têtes d’hommes ; le creusement du front et des na-
rines, les rides molles des joues et du cou dans les têtes de vieillards ;
dans celles des jeunes gens et des femmes la douceur des sourires, le
léger gonflement des joues produit par la joie, les yeux à demi voilés;
dans les têtes de cheval l’écartement des naseaux, les narines frémis-
santes et les lèvres écumeuses; les plis de la chair dans les nus,
le gonflement étudié des muscles, le détirement des tendons, l’effort
des os contre la peau, et mille autres accidents naturels saisis avec sa-
gacité et rendus avec une admirable vérité de caractère : voilà ce qu’on
admire dans les rares pages tracées par sa main divine, les délices
éternelles de quiconque sait les comprendre. »
Aux qualités à l’aide desquelles il lui fut donné d’atteindre à la per-
fection des plus grands maîtres, Lionard de Vinci joignit l’habi-
tude malheureuse de laisser inachevés les ouvrages qu’il avait conçus
avec le plus d’amour : effet regrettable d’un goût trop raffiné et de la
trop grande peur de l’artiste, mais où les nains orgueilleux de
notre époque pourraient trouver une leçon. Telle était donc l’idée que
se faisait Vinci de la sublimité et de la sainteté de F Art, qu’il se croyait
trop faible pour y atteindre ; et ces œuvres qui font aujourd’hui l’orgueil
des cités qui les possèdent paraissaient de nul prix à ses yeux, et le dé-
couragement l’empêchait de les continuer. A qui cependant ne de-
vaient-elles pas paraître des miracles?