CORILLA OLIMPICA.
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affection pour elle et qui, frappée du talent qu’elle annonçait pour la
poésie, l’éleva dans sa maison. Plus tard elle la conduisit à Rome où elle
la présenta à plusieurs grands personnages qui devinrent les amis et les
protecteurs de la jeune fdle. La même faveur et les mêmes prévenances
l’accueillirent à Naples. Belle, vertueuse, spirituelle, déjà célèbre, elle
eut un grand nombre d’adorateurs qui recherchèrent sa main; Ferdi-
nando Fernandez, gentilhomme espagnol, l’emporta sur ses rivaux et
devint son heureux époux.
C’était alors la grande vogue des poètes improvisateurs ; des applau-
dissements frénétiques accueillaient chaque vers qui sortait de la bouche
de Madeleine. Ces louanges, ces ovations devinrent un tel besoin pour
elle qu’elle quitta son ménage et son mari, et se mit à parcourir Bo-
logne , Modène , Parme, Venise, improvisant partout des vers sur les
sujets les plus difficiles. Elle se rendit de là à Inspruck, à la prière de
Marie-Thérèse, pour les noces de Pierre Léopold avec Marie-Louise, et
reçut avec une pension le titre de poète de la cour. A son retour à Rome,
elle fut reçue en triomphe par les Arcades ; ce n’étaient que bravos et
cris de joie; tous les bosquets témoins des soupirs de ces bienheureux
poètes retentissaient du nom de la bergère sans pareille.
Mais un triomphe encore plus éclatant lui était préparé par l’enthou-
siasme de ses adorateurs. Un jour, après avoir improvisé, en présence
de deux académies sur douze sujets différents, tous en vers, et cela avec
une telle perfection , qu’on ne sut pas ce qu’on devait admirer le plus
ou de la fécondité de son esprit, ou de son incomparable facilité d’élo-
cution, elle fut conduite au Capitole, où elle traita un nouveau thème
philosophique et religieux, après quoi, cette seconde épreuve étant
terminée, elle échangea son nom contre celui de Corilla Olimpica , et
fut promenée dans Rome le front couronné de laurier, comme au
temps des anciens triomphateurs. Les Arcades, les princes, les prélats,
les cardinaux chantèrent Corilla. Catherine de Russie et l’empereur
Joseph II la comblèrent de présents et voulurent, mais en vain,
l’attirer à leur-coùr.
Telle fut l’heureuse vie de Corilla, qui mourut en 1800, à Flo-
rence. Les louanges excessives dont elle fut comblée de son vivant ne
m’empêcheront pas de reconnaître et de louer en elle cette versifica-
tion élégante et facile qui est le propre des natures italiennes et qui,
par un phénomène singulier au premier abord , mais dont on a mille
exemples, manque tout à fait à ses poésies écrites et imprimées.
Cependant la véritable gloire de Corilla fut de ne s’être pas laissé
éblouir par ce concert unanime de louanges, et d’avoir poussé la mo-
destie jusqu’à arracher elle-même de son front la couronne qu’on y
avait placée pour la consacrer à la madone dans l’église de l’Humilité
à Pistoie.
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affection pour elle et qui, frappée du talent qu’elle annonçait pour la
poésie, l’éleva dans sa maison. Plus tard elle la conduisit à Rome où elle
la présenta à plusieurs grands personnages qui devinrent les amis et les
protecteurs de la jeune fdle. La même faveur et les mêmes prévenances
l’accueillirent à Naples. Belle, vertueuse, spirituelle, déjà célèbre, elle
eut un grand nombre d’adorateurs qui recherchèrent sa main; Ferdi-
nando Fernandez, gentilhomme espagnol, l’emporta sur ses rivaux et
devint son heureux époux.
C’était alors la grande vogue des poètes improvisateurs ; des applau-
dissements frénétiques accueillaient chaque vers qui sortait de la bouche
de Madeleine. Ces louanges, ces ovations devinrent un tel besoin pour
elle qu’elle quitta son ménage et son mari, et se mit à parcourir Bo-
logne , Modène , Parme, Venise, improvisant partout des vers sur les
sujets les plus difficiles. Elle se rendit de là à Inspruck, à la prière de
Marie-Thérèse, pour les noces de Pierre Léopold avec Marie-Louise, et
reçut avec une pension le titre de poète de la cour. A son retour à Rome,
elle fut reçue en triomphe par les Arcades ; ce n’étaient que bravos et
cris de joie; tous les bosquets témoins des soupirs de ces bienheureux
poètes retentissaient du nom de la bergère sans pareille.
Mais un triomphe encore plus éclatant lui était préparé par l’enthou-
siasme de ses adorateurs. Un jour, après avoir improvisé, en présence
de deux académies sur douze sujets différents, tous en vers, et cela avec
une telle perfection , qu’on ne sut pas ce qu’on devait admirer le plus
ou de la fécondité de son esprit, ou de son incomparable facilité d’élo-
cution, elle fut conduite au Capitole, où elle traita un nouveau thème
philosophique et religieux, après quoi, cette seconde épreuve étant
terminée, elle échangea son nom contre celui de Corilla Olimpica , et
fut promenée dans Rome le front couronné de laurier, comme au
temps des anciens triomphateurs. Les Arcades, les princes, les prélats,
les cardinaux chantèrent Corilla. Catherine de Russie et l’empereur
Joseph II la comblèrent de présents et voulurent, mais en vain,
l’attirer à leur-coùr.
Telle fut l’heureuse vie de Corilla, qui mourut en 1800, à Flo-
rence. Les louanges excessives dont elle fut comblée de son vivant ne
m’empêcheront pas de reconnaître et de louer en elle cette versifica-
tion élégante et facile qui est le propre des natures italiennes et qui,
par un phénomène singulier au premier abord , mais dont on a mille
exemples, manque tout à fait à ses poésies écrites et imprimées.
Cependant la véritable gloire de Corilla fut de ne s’être pas laissé
éblouir par ce concert unanime de louanges, et d’avoir poussé la mo-
destie jusqu’à arracher elle-même de son front la couronne qu’on y
avait placée pour la consacrer à la madone dans l’église de l’Humilité
à Pistoie.