FRANCESCO REDL
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tomie comparée, découvrit les lois de la physique, de la chimie, de
l’hydraulique et de la botanique. A trente-quatre ans, il fut fait pre-
mier médecin du grand-duc Ferdinand IL Les résultats obtenus prou-
vaient l’excellence de la réforme que Redi avait opérée dans la méde-
cine, réforme qui fut proclamée ensuite par ses illustres disciples
Lorenzo Bellini et Giuseppe del Papa. La réputation du réformateur
s’étendit bientôt au delà de l’Italie : « Les ouvrages de Redi, écrivait
Magalotti, ont trouvé des partisans jusque dans les contrées les plus
reculées du nord, et je les ai vus tenir pour des oracles en Suède, dans
l’université d’Upsal, dans celle d’Abbo en Finlande. »
La langue dut beaucoup à Redi ; il fit des additions au vocabulaire de
la Crusca et aux Origines de Ménage en s’aidant du grec et du latin,
du syriaque et de l’arabe, de l’espagnol et du français. Par un privi-
lège rare chez un homme absorbé par les affaires, il aima et cultiva la
poésie. Ses canzones, ses sonnets, et surtout l’ode de Bacchus en Tos-
cane renferment des beautés du premier ordre. Son style est , en gé-
néral, net, concis, orné sans affectation, comme on peut en juger
encore par ses OEuvres médicales, ses Consultations et par ses Lettres,
qui sont restées comme un modèle d’érudition gracieuse et polie. Voici
une de ces lettres qu’il adresse à Lorenzo Magalotti :
« Mon secrétaire s’étonne que V. S. Illustrissime n’ait pas pu lire sa
lettre, parce qu’il l’avait tracée avec son écriture des jours de fête, en
pure formatella1, comme il dit lui-même. Mais venons ad rem nostram.
J’ai reçu la lettre de V. S. Illustrissime comme j’allais me mettre à table,
et je fus pris d’une joie si vive en m’entendant placer au-dessus de Pé-
trarque que je fis, à ce que j’imagine, des libations assez copieuses, si
bien que m’étant mis ensuite au lit je dormis d’un sommeil de béat; et
en dormant j’eus un rêve. Il me sembla que, pénétré de cette idée que
j’étais au-dessus de Pétrarque, j’étais monté au Parnasse pour détrôner
ce grand homme et m’asseoir au rang qu’il occupait. Appollon rit de
ma prétention ; mais je lui présentai la lettre de V. S. Illustrissime,
comme si ce fût un diplôme impérial ; et aussitôt ce dieu, comme il a
votre nom en vénération, se leva de son siège, ôta son bonnet et voulut
lire lui-même la lettre, quoique son chancelier murmurât tout bas, et,
après l’avoir lue, il se tourna vers moi et me dit d’un air moqueur :
Seigneur Francesco Redi, mon ami, monsieur le comte Lorenzo Ma-
galotti vous conte des chansons.
« Allez, moi je vous ferai justice.
« Ici, je m’éveillai de colère et de honte, et, au lieu de me trouver
sur le mont Parnasse, je me trouvai couché tout de mon long dans mes
draps, et je m’aperçus que j’étais un sot comme devant, et comme vous
1 Sorte de caractère ancien entre le majuscule et le minuscule. {Note du traducteur.)
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tomie comparée, découvrit les lois de la physique, de la chimie, de
l’hydraulique et de la botanique. A trente-quatre ans, il fut fait pre-
mier médecin du grand-duc Ferdinand IL Les résultats obtenus prou-
vaient l’excellence de la réforme que Redi avait opérée dans la méde-
cine, réforme qui fut proclamée ensuite par ses illustres disciples
Lorenzo Bellini et Giuseppe del Papa. La réputation du réformateur
s’étendit bientôt au delà de l’Italie : « Les ouvrages de Redi, écrivait
Magalotti, ont trouvé des partisans jusque dans les contrées les plus
reculées du nord, et je les ai vus tenir pour des oracles en Suède, dans
l’université d’Upsal, dans celle d’Abbo en Finlande. »
La langue dut beaucoup à Redi ; il fit des additions au vocabulaire de
la Crusca et aux Origines de Ménage en s’aidant du grec et du latin,
du syriaque et de l’arabe, de l’espagnol et du français. Par un privi-
lège rare chez un homme absorbé par les affaires, il aima et cultiva la
poésie. Ses canzones, ses sonnets, et surtout l’ode de Bacchus en Tos-
cane renferment des beautés du premier ordre. Son style est , en gé-
néral, net, concis, orné sans affectation, comme on peut en juger
encore par ses OEuvres médicales, ses Consultations et par ses Lettres,
qui sont restées comme un modèle d’érudition gracieuse et polie. Voici
une de ces lettres qu’il adresse à Lorenzo Magalotti :
« Mon secrétaire s’étonne que V. S. Illustrissime n’ait pas pu lire sa
lettre, parce qu’il l’avait tracée avec son écriture des jours de fête, en
pure formatella1, comme il dit lui-même. Mais venons ad rem nostram.
J’ai reçu la lettre de V. S. Illustrissime comme j’allais me mettre à table,
et je fus pris d’une joie si vive en m’entendant placer au-dessus de Pé-
trarque que je fis, à ce que j’imagine, des libations assez copieuses, si
bien que m’étant mis ensuite au lit je dormis d’un sommeil de béat; et
en dormant j’eus un rêve. Il me sembla que, pénétré de cette idée que
j’étais au-dessus de Pétrarque, j’étais monté au Parnasse pour détrôner
ce grand homme et m’asseoir au rang qu’il occupait. Appollon rit de
ma prétention ; mais je lui présentai la lettre de V. S. Illustrissime,
comme si ce fût un diplôme impérial ; et aussitôt ce dieu, comme il a
votre nom en vénération, se leva de son siège, ôta son bonnet et voulut
lire lui-même la lettre, quoique son chancelier murmurât tout bas, et,
après l’avoir lue, il se tourna vers moi et me dit d’un air moqueur :
Seigneur Francesco Redi, mon ami, monsieur le comte Lorenzo Ma-
galotti vous conte des chansons.
« Allez, moi je vous ferai justice.
« Ici, je m’éveillai de colère et de honte, et, au lieu de me trouver
sur le mont Parnasse, je me trouvai couché tout de mon long dans mes
draps, et je m’aperçus que j’étais un sot comme devant, et comme vous
1 Sorte de caractère ancien entre le majuscule et le minuscule. {Note du traducteur.)