400 UGO FOSCOLO.
ter le mieux au caractère et aux travaux de Foscolo. Byron, net et concis
dans son langage, formula son jugement sans prendre garde aux in-
terprétations auxquelles il pourrait donner lieu, ni au scandale qu’il
était exposé à provoquer à l’encontre de certaines gens, il se dit sans
doute : Foscolo, comme les anciens, s’instruisit par les voyages, et dans
ses écrits, s’il ne s’écarte pas tout à fait des règles suivies par ses con-
temporains, il prend encore plus conseil de la hardiesse de son génie.
11 conforme ses études aux besoins de son temps, et ce qu’il recherche
surtout, à l’exemple des anciens, c’est cette gloire que l’écrivain
acquiert en faisant office de citoyen. La révolution française éclata
et se propagea bientôt dans Venise; il vit là la réalisation de ses
rêves. Il s’attacha au fantôme, et, nouvel Alcée, mania avec la sincérité
et le courage d’un jeune homme la lyre et l’épée. L’expérience ne tarda
pas à lui montrer ce qu’il y avait d’illusoire et de trompeur dans ce
perpétuel changement de noms et de drapeaux, quand les hommes et
les mœurs restaient les mêmes. Il comprit son erreur, et, sans renier
les principes de sa vie, il passa dans la réalité de la confiance la plus
folle à une incrédulité désespérée. 11 se réfugia dans la littérature, et
répandit sur les pédants et les partisans obstinés de VIpse dixit la bile
qu’avaient amassée dans son âme tant de désenchantements éprouvés,
joints aux calomnies et aux outrages auxquels il s’était vu en butte.
Aux rêves succédèrent les déclamations, sincères du moins chez
lui, et pour remplir le vide causé par les mécomptes de la poli-
tique, il se lança en aveugle à travers tous les dangers, les agita-
tions, et, disons-le aussi, les blâmes de la vie : l’amour et le jeu, le
faste parfois aux dépens de la délicatesse, la haine de toute règle, de
toute dépendance, même raisonnable, tous les emportements, toutes
les excentricités. Son caractère se refléta dans ses écrits. Il suivit les
traces des maîtres; il les imita, mais à sa manière. Il tient surtout
d’Alfieri et de Parmi, avec un goût plus fin que le premier, plus de
vigueur et de fécondité que le second. Tantôt s’enfermant dans sa
chambre des mois entiers, tantôt pérorant dans les cafés, sur les places,
avec les militaires, tutoyant les grands seigneurs, et, à peine âgé de
vingt ans, écrivant à Bonaparte des avertissements, des éloges et des me-
naces. Par là aussi d’une franchise antique. Après la chute attendue du
trône impérial et royal, voulant conserver l’indépendance de ses actions
et de ses écrits, il passa les Alpes, puis la mer. Dans les travaux les plus
arides que la pauvreté lui fit entreprendre, il porta le même feu, la
même colère, la même obstination dans ses opinions, qui l’avaient rendu
singulier à une époque où la médiocrité elle-même, contrainte à ne rien
cacher, devenait singulière. Il est occupé sans cesse de la Grèce et de
l’Italie ; il en parle jusqu’à sa dernière heure ; jusqu’à sa dernière heure
il rêve de nouveaux voyages, de nouvelles entreprises. De son lit de
ter le mieux au caractère et aux travaux de Foscolo. Byron, net et concis
dans son langage, formula son jugement sans prendre garde aux in-
terprétations auxquelles il pourrait donner lieu, ni au scandale qu’il
était exposé à provoquer à l’encontre de certaines gens, il se dit sans
doute : Foscolo, comme les anciens, s’instruisit par les voyages, et dans
ses écrits, s’il ne s’écarte pas tout à fait des règles suivies par ses con-
temporains, il prend encore plus conseil de la hardiesse de son génie.
11 conforme ses études aux besoins de son temps, et ce qu’il recherche
surtout, à l’exemple des anciens, c’est cette gloire que l’écrivain
acquiert en faisant office de citoyen. La révolution française éclata
et se propagea bientôt dans Venise; il vit là la réalisation de ses
rêves. Il s’attacha au fantôme, et, nouvel Alcée, mania avec la sincérité
et le courage d’un jeune homme la lyre et l’épée. L’expérience ne tarda
pas à lui montrer ce qu’il y avait d’illusoire et de trompeur dans ce
perpétuel changement de noms et de drapeaux, quand les hommes et
les mœurs restaient les mêmes. Il comprit son erreur, et, sans renier
les principes de sa vie, il passa dans la réalité de la confiance la plus
folle à une incrédulité désespérée. 11 se réfugia dans la littérature, et
répandit sur les pédants et les partisans obstinés de VIpse dixit la bile
qu’avaient amassée dans son âme tant de désenchantements éprouvés,
joints aux calomnies et aux outrages auxquels il s’était vu en butte.
Aux rêves succédèrent les déclamations, sincères du moins chez
lui, et pour remplir le vide causé par les mécomptes de la poli-
tique, il se lança en aveugle à travers tous les dangers, les agita-
tions, et, disons-le aussi, les blâmes de la vie : l’amour et le jeu, le
faste parfois aux dépens de la délicatesse, la haine de toute règle, de
toute dépendance, même raisonnable, tous les emportements, toutes
les excentricités. Son caractère se refléta dans ses écrits. Il suivit les
traces des maîtres; il les imita, mais à sa manière. Il tient surtout
d’Alfieri et de Parmi, avec un goût plus fin que le premier, plus de
vigueur et de fécondité que le second. Tantôt s’enfermant dans sa
chambre des mois entiers, tantôt pérorant dans les cafés, sur les places,
avec les militaires, tutoyant les grands seigneurs, et, à peine âgé de
vingt ans, écrivant à Bonaparte des avertissements, des éloges et des me-
naces. Par là aussi d’une franchise antique. Après la chute attendue du
trône impérial et royal, voulant conserver l’indépendance de ses actions
et de ses écrits, il passa les Alpes, puis la mer. Dans les travaux les plus
arides que la pauvreté lui fit entreprendre, il porta le même feu, la
même colère, la même obstination dans ses opinions, qui l’avaient rendu
singulier à une époque où la médiocrité elle-même, contrainte à ne rien
cacher, devenait singulière. Il est occupé sans cesse de la Grèce et de
l’Italie ; il en parle jusqu’à sa dernière heure ; jusqu’à sa dernière heure
il rêve de nouveaux voyages, de nouvelles entreprises. De son lit de