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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Enderlin, ...: Lettre de Florence
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https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0014

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4 L'ART.

« Pourquoi donc ce charme s'est-il rompu les jours suivants, et, comme une âme en peine,
trahi par mes illusions, ai-je couru par les rues tortueuses à la recherche des merveilles rêvées ?

« Admirateur de nos cathédrales du Nord, rêveur à l'ombre de leurs majestueuses silhouettes,
soit au milieu de leurs forêts de piliers où vaguement, dans un jeu plein de mystère et d'enchan-
tement, se reflète le coloris des vitraux, soit à l'aspect des hardis arcs-boutants et des peuples de
statues qui fourmillent du parvis au faite, j'espérais que les monuments de la Renaissance me
saisiraient comme la haute conception de l'architecture gothique, mais j'eus beau fouetter mon
enthousiasme, malgré ses façades de marbres multicolores, la Renaissance inachevée, hardie,
mélange de beautés et d'incorrections, ne put m'imposer une admiration sans réserve.

« Cependant, aujourd'hui que je suis plus familiarisé (et c'est avec une véritable joie que j'en
fais l'aveu), après avoir contemplé Florence des hauteurs environnantes, soit de Fiesole et Careggi,
sur la rive droite, soit de San Miniato, du Jardin Boboli, etc., sur la rive gauche de l'Arno, j'ai
été charmé par la grâce de sa disposition, par son Dôme et ses campaniles. Ce n'est plus Florence
en deuil ; ses silhouettes, vues de loin, produisent un effet plus vif et plus gracieux, sans perdre
de leur originalité; puis la ville se répand en villages innombrables, dans la plaine, sur les coteaux,
dans les vallées et loin dans les Apennins, au milieu d'un concert d'oliviers grisonnants et de
noirs cyprès.

« Fiesole tient du vertige, elle couronne merveilleusement le fond du panorama qu'on embrasse
du mont San Miniato ou de Boboli, ce dernier couvert de statues des plus beaux marbres,
véritable Ederi qui semble se prolonger à l'infini. Ici réside le génie de Dante, et je crois, en
réalité, relire les pages par lesquelles le poète nous introduit au séjour de Béatrice.

« Puis Florence elle-même s'imposant par l'initiative et l'ardeur, en un mot, par le génie
déployé dans ses murs, j'ai parcouru ses riches musées et galeries, enthousiasmé du grand nombre
de chefs-d'œuvre qui y sont répandus, aussi bien que dans les églises peintes à fresque. C'est un
livre qu'il faudrait ici pour énumérer tout ce que l'art florentin a produit de remarquable. Pour
l'architecture, Arnolfo di Lapo commence la belle série des Palais de Florence, —■ que de
tempéraments variés devaient le suivre, les Giotto, Orcagna, Brunellescho, San Gallo,
Michelozzi, etc. ! —■ En sculpture, le Florentin par excellence, Donatello a suivi la nouvelle
impulsion donnée et a brillé d'un éclat que Michel-Ange lui-même ne peut faire oublier. La
sculpture décorative avec Ghiberti, du premier coup, atteint les dernières limites. Les délia Robbia,
au moyen de la terre cuite, créent un art nouveau, comme devait faire Benvenuto de l'orfèvrerie.
Le plus vaste de tous est encore le champ de la peinture. Infini est le nombre des chefs-d'œuvre
accumulés dans les galeries ; mais plus grand encore est celui des œuvres remarquables dispersées
clans tous les monuments, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur, et jusque dans les plus
humbles maisons des carrefours les plus obscurs. Depuis Cimabue et les Giotto, la glorieuse
phalange des peintres va s'affirmant et trouve dans Andréa del Sarto un Raphaël florentin. Mais
ce que cette société, à la fois si impétueuse et si concentrée, produisit de plus colossal après
Dante, c'est incontestablement Michel-Ange.

« Cependant si l'étude des maîtres offre un charme et un aliment indispensable, il ne faut
pas oublier que l'artiste ne peut vivre et s'affirmer qu'avec l'aide de la nature elle-même, c'est là
un des besoins qui m'ont le plus tourmenté.

« Aussitôt qu'il m'a été possible, j'ai commencé une étude, cherchant un caractère qui me
permît de résumer mes observations. J'ai cru le trouver dans l'étude d'un buste de a Poveretta »
dont Florence offre des types fort curieux. C'est ce sujet en bronze que j'aurai l'honneur de vous
offrir pour la vente et dont le produit est destiné à couvrir les frais d'installation de notre atelier.
Ainsi les lauréats qui m'y succéderont y trouveront tout le nécessaire et n'auront plus à se
préoccuper de détails qui joignent à l'inconvénient d'être dispendieux celui de retarder leurs travaux.

« Recevez, Monsieur et cher Directeur, l'expression des meilleurs sentiments de votre bien
dévoué,

« Enderlin.

« Florence, 3i mai 1881, Santa Croce, via dei Malcontenti. »
 
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