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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Léris, G. de: A deux siècles de distance: à propos du livre de M. de Goncourt: La Maison d'un Artiste
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https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0215

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NOTRE BIBLIOTHÈQUE.

si ce n'était pas plutôt une maladie héréditaire, un cas sem-
blable à la transmission de la folie ou de la goutte. Alors je
me mettais à remonter ma famille... »

Et dans cette famille dont il fait un portrait si simple et si
charmant il s'arrête principalement, comme à l'initiatrice véri-
table, à une de ses tantes qui l'emmenait dans ses recherches,
le dimanche, alors qu'il était de sortie à la pension Goubaux.

o ... Vers les deux heures, après un souper qui était, je me
rappelle, toujours un goûter de framboises, les trois femmes
(sa mère, sa tante ét une autre belle-sœur de sa mère), habillées
de jolies robes de mousseline claire, et chaussées de ces petits
souliers de prunelle dont on voit les rubans se croiser autour
des chevilles, dans les dessins de Gavarni de « la Mode », des-
cendaient la montée (Ménilmontant), se dirigeaient vers
Paris...

« ... Et l'on gagnait le boulevard Beaumarchais et le fau-
bourg Saint-Antoine. Ma tante se trouvait être, à cette époque,
une des quatre ou cinq personnes de Paris, énamourées de
vieilleries, du beau des siècles passés, des verres de Venise,
des ivoires sculptés, des meubles de marqueterie, des velours
de Gênes, des points d'Alençon, des porcelaines de Saxe. Nous
arrivions chez les marchands de curiosités à l'heure où, se
disposant à partir pour aller dîner en quelque « tourne-bride »
près Vincennes, les volets étaient déjà fermés, et où la porte
seule, encore entre-baillée, mettait une filtrée de jour parmi
les ténèbres des amoncellements de choses précieuses. Alors
c'était, dans la demi-nuit de ce chaos vague et poussiéreux, un
farfouillement de trois femmes lumineuses, un farfouillement
hâtif et inquiet, faisant le bruit de souris trotte-menu dans
un tas de décombres, et des allongements, en des recoins
d'ombre, de mains gantées de frais, un peu peureuses
de salir leurs gants, et de coquets ramènements du bout des
pieds chaussés de prunelle, puis des poussées, à petits coups,
en pleine lumière, de morceaux de bronze doré ou de bois
sculpté, entassés à terre contre les murs...

« Et toujours au bout de la battue, quelque heureuse trou-
vaille, qu'on me mettait dans les bras, et que je portais comme
j'aurais porté le Saint-Sacrement, les yeux sur le bout de mes
pieds, et sur tout ce qui pouvait me faire tomber. Et le retour
avait lieu dans le premier et expansif bonheur de l'acquisition,
faisant tout heureux le dos de trois femmes, avec, de temps en
temps, le retournement de la tête de ma tante, qui me jetait
dans un sourire : « Edmond, fais bien attention de ne pas le
« casser ! »

« Ce sont certainement ces vieux dimanches qui ont fait
de moi le bibeloteur que j'ai été, que je suis, que je serai toute
ma vie. »

Nous n'avons pas cité ce passage pour le plaisir seul de

donner cette délicate description, mais il explique, et la passion
que M. de Concourt a pour le bibelot, et la manie qui nous
tient tous plus ou moins. Car tous ceux qui aiment fureter,
farfouiller, comme dit M. de Concourt, découvrir quelque
jolie pièce, se retrouveront dans le portrait de ces trois Pari-
siennes à la recherche d'un bronze ou d'une porcelaine fine.
Ces quelques lignes raviveront leurs joies, leur plaisir de la
découverte, quelquefois leur incertitude sur l'authenticité du
morceau aperçu, souvent leurs hésitations et leur remords de
ne pas s'en être emparés, puis leur anxiété de ne pas le
retrouver, leur bonheur quand il est là encore et, lorsqu'il
s'agit d'obtenir un prix modique, ce joli jeu d'indifférence
auquel le marchand ne se prend guère.

Dans notre vie actuelle si fébrile nous avons comme un
besoin d'accumuler les obligations, les occupations de toutes
sortes; nous voulons nous sentir pressés, forcés de faire vite;
cela nous devient une nécessité de sauter d'une chose à une
autre, sans trêve, sans répit, et par suite nous encombrons
notre vie, ce que nous appelons nos moments perdus, pour
nous faire illusion, comme nous encombrons nos maisons.

Car, il n'y a pas à dire, nous les encombrons; avec plus
ou moins de sentiment des nuances, avec un goût plus ou
moins parfait, mais la mode nous pousse. Et ce qui fait juste-
ment le charme profond de la Maison d'un artiste, c'est qu'on
sent, à côté de cette note attendrie du possesseur, qui écrit
bien plus pour lui, qu'on ne s'y trompe pas, que pour les
autres, cet amour de l'observation des tons divers, cette
science de rapprochement qui est en quelque sorte instinctive
et que le premier venu par exemple ne saurait obtenir, quand
même, le livre en main, il chercherait à se faire une seule salle
telle qu'elle se trouve dans la maison d'Auteuil. Dans sa des-
cription fidèle, M. de Goncourt nous a fait en réalité l'exposé
de son travail, de sa manière de composer. Dans son cabinet
et dans ses deux salons les livres et les manuscrits, les bronzes,
les dessins, les tapisseries, les porcelaines qui se complètent
mutuellement sont côte à côte. Trouve-t-il dans un ouvrage
du temps la description de quelque intérieur ? Veut-il la com-
pléter par cette vision de l'oeil qui fixe un ensemble dans la
mémoire? Il n'a qu'à jeter les yeux autour de lui. Le vase de
Sèvres à la mode en 1720 ou 1760 est à portée de sa main. La
gravure que contient un carton placé non loin lui rendra
fidèlement la scène que quelque auteur du temps lui a racontée
et dont il se rend compte alors dans ses moindres détails.

Le bibeloteur complète alors en quelque sorte l'écrivain.
L'un et l'autre se sont parfaits de compagnie.

Voilà un éloge qu'on ne pourrait adresser à Scudéry.

G. DE LÉRIS.

NOTRE BIBLIOTHÈQUE

CCLXIII

Les Imprimeurs lillois. Bibliographie des Imprimeurs lillois,
1595-1700, par Jules Houdov, Correspondant du Ministère
de l'Instruction Publique, Membre de la Société des Sciences
et des Arts de Lille. Paris, Damascène Morgand et Charles
Fatout, 35, passage des Panoramas, 1879. Grand in-8° de
391 pages.

Notre savant collaborateur qui, « dans de précédentes
publications, a cherché à montrer quel fut pendant les siècles
passés le rôle de la ville de Lille dans les arts et les industries
de luxe auxquelles l'art prête son concours », a voulu « ajouter

un trait nouveau au tableau de l'activité intellectuelle de cette
cité », et se faisant l'historien de ses imprimeurs, il a « dressé
la liste des publications sorties des presses lilloises, publications
dont la plus grande partie appartient à des auteurs indigènes »,
mais « c'est plutôt au point de vue de l'histoire qu'à celui de la
bibliographie proprement dite qu'il a conçu et exécuté son
travail ». Celui-ci débute par une très intéressante introduction
qui est suivie de l'histoire de l'imprimerie lilloise, à laquelle
succède l'histoire des imprimeurs, dont M. Houdoy reproduit
soigneusement les marques ; il nous donne aussi, en un excellent
spécimen de chromo-typographie, le sceau de Calart Danel
(1460) et les armes de Guillaume Danel, échevin de Saint-Omer
en 1637. Les Danel sont une des gloires de la typographie;
 
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