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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [2]: Maître Pathelin et autres farces françaises
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ART DRAMATIQUE

MAITRE PATHELIN ET AUTRES FARCES FRANÇAISES

Ç^§*$jî\ UEL chef-d'œuvre que cette Farce de maître Pathelin
^PpM#'f et comme 'a Comédie-Française a bien fait de la
<§§arss£0 reprendre ! Voici tantôt huit ans que nous ne l'avions
vue, et le temps nous paraissait long, car nous sommes de ceux
qui la voudraient classer au répertoire courant comme la plus
haute expression du comique français au moyen âge.

Au point de vue spécial où nous nous plaçons, les fouilles
pratiquées par les érudits dans les siècles que Rabelais appelait
goths par opposition à ceux de la Renaissance, n'ont encore
amené à la surface du sol rien qui soit de taille à se mesurer
avec cette farce fameuse chez nos aïeux, rien qui ait cet air de
comédie, ce cachet d'observation ironique et amère arraché
aux entrailles mêmes de la vieille société gauloise. Petit à petit,
de patients et infatigables chercheurs déchirent le voile épais
qui nous cachait les essais dramatiques de nos pères; mais ce
qui a été découvert jusqu'ici n'a ni l'accent ni le développement
qui distinguent Maître Pathelin et je crois, avec les plus com-
pétents, qu'il faudra nous en tenir à cet échantillon pour
juger .de l'esprit singulièrement audacieux et frondeur qui
s'enveloppait des haillons de l'ancienne farce. M. Emile Picot
doit être compté parmi les érudits qui ont le plus et le mieux
travaillé à cette lente étude du génie national pendant la
période d'incubation. Tout récemment il a livré aux curieux
quatre pièces absolument inconnues qu'il a eu la bonne fortune
de dénicher bien loin de nos collections publiques, dans la
bibliothèque de Copenhague, et je veux vous en donner un
aperçu avant de toucher à celle qui obtient en ce moment la
haute faveur d'occuper sa place dans la maison de Molière.
Elles ont leurs grâces et leurs vices d'origine; comme tous les
produits du xv° siècle et des commencements du xvic, elles
sont souvent grossières en leur naïveté. Elles n'en constituent
pas moins un fond de comique bien autochthone, où les Italiens
n'ont rien à prétendre, et c'est là qu'est en majeure partie
l'intérêt. Voici, par exemple, la Farce de deux jeunes femmes
qui coiffèrent leurs maris par le conseil de maistre Antilus.
Incontestablement la situation est fort plate et platement
exprimée : un chaussetier et le couturier son voisin se plaignent
vertement de la légèreté de leurs femmes qui courent les rues
à la poursuite des galants et rentrent sous le toit conjugal avec
des queues crottées jusqu'à l'échiné. Il y a de quoi geindre;
aussi couturier et chaussetier envoient-ils ces coquines à tous
les diables. Sur ces entrefaites, arrivent nos deux commères qui
le prennent sur la haute gamme avec leurs maris, la querelle
s'envenime, et le bruit amène maître Antitus à la fenêtre.
Maître Antitus tranche le débat au bénéfice des femmes, en
homme aveugle et tolérant qu'il est, et leur conseille ouver-
tement de coiffer la misérable tête des maris. Le couturier
accepte d'assez bonne façon la sentence et termine la farce par
ce couplet final :

Quant à moy, je ne vois que rire
Nous en sommes pris par le nez
Puisqu'on nous a ainsy coiffez,
I.a chose n'est pas fort honneste
D'avoir des coiffes sur la teste;
Qui voudra rire, si en rie !
Prenez en gré, je vous en prie

plus détestable des solutions. Un siècle plus tard, lors de la
venue de la troupe des Gelosi au Petit-Bourbon de Paris, ce
type de Prudhomme à l'envers parut tout nouveau sous les
traits du dottore; vous voyez que nos vieux auteurs l'avaient
deviné et esquissé. C'est aussi un document capital que la
Farce joyeuse et récréative à deux personnages, c'est à sçavoir
le pèlerin, la pèlerine accompagnée de deux petits enfants : on
en connaît l'auteur; elle est d'un certain Claude Mermet, qui
fut notaire du duc de Savoie à Saint-Rambert et qui a laissé
divers ouvrages tant en vers qu'en prose, enfouis dans de
profondes oubliettes. Le pèlerin, ici qualifié au figuré, débute
par un monologue dolent dans lequel il expose les tristesses et
les déceptions du mariage, avec l'intention d'en détourner tous
ceux qu'il rencontrera sur la route. « Ha ! s'écrie-t-il :

Ha ! que trop coquin ou trop chiche
Se sent qui cherche femme riche 1
Je vois bien qu'en extrémité
Vertu n'a jamais habité !

Justement la pèlerine, avisant le pèlerin, l'accoste en le
priant de lui indiquer le droit chemin qui conduit au mariage;
le pèlerin la dissuade, la pèlerine s'entête et, pour se mettre
d'accord, les parties entonnent tour à tour une chanson, très
philosophique en sa licence, où les méchants hommes et les
mauvaises femmes sont crossés de la belle sorte, puis le
pèlerin reprend la parole pour résumer les débats : « Messieurs,
dit-il,

Messieurs, ne soyez étonnez
Si nous sommes abandonnez
De vous parler du mariage
En espouvantable langage...
Mais un tas de jeunes goulus
Qui font icy les résolus,
Pensans rencontrer femme sage,
Sans la regarder qu'au visage
Méritent bien d'être gurprins,
Car ils sont par trop mal apprins...
Les uns, d'avarice menez,
Pour argent sont prius par le nez;
Les autres par beauté de femme
Souvent peschent en eau infâme...
Par quoy, messieurs, pour abréger,
Veuillez vos espritz alléger,
Et celuy qui veut estre libre
Prenne femme de son calibre;
Vivant jusqu'à la mort, je croy
Qu'il aura autant que le roy.

Il y a, çà et là, dans cette farce, des leçons de morale
présentées non sans intelligence, et j'ai cité les vers qui
marquent le plus franchement, à défaut d'inspiration, le bon
sens pratique de Claude Mermet. La troisième pièce du manus-
crit de Copenhague, qui serait inédite sans M. Picot, est
intitulée la Présentation des joyaux; c'est un dialogue entre
un messager et le roi de la Sottie, Sa Majesté le Sot. L'auteur
l'a disposé avec une certaine originalité. La fiancée à laquelle
les présents sont destinés ne souffle mot, c'est un personnage
de figuration qu'on ne nomme même pas; tandis que le
messager égrène son long chapelet de cadeaux, un miroir, un
chapeau, des bagues d'or, une ceinture, un peigne et mille
« besongnettes », le Sot intervient, coupe le monologue par des
réflexions d'un goût bizarre et hardi, finit par s'adresser à la

Ainsi finit la comédie, et toutes les comédies du monde. Ce
est intéressant à relever dans cette basse farce, c'est le carac-
; du brave Antitus qui, consulté sur un cas de morale aussi
simple, opine manifestement, par faiblesse galante, pour la I se mêle de tout sans qu'on l'en prie et fatigue par ses sornettes;

qui est intéressant à relever dans cette basse farce, c'est le carac- ! fiancée elle-même et la force à rire, avec le public, de toutes
tère du brave Antitus qui, consulté sur un cas de morale aussi les folies qu'il débite. Ce sot, direz-vous, est un impertinent qui
 
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