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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Véron, Eugène: Notre procès
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https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0153

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NOTRE PROCÈS

Dans le numéro du i5 mai, l'Art s'est permis de critiquer en termes asse{ vifs le laisser
aller avec lequel plusieurs des graveurs chargés d'illustrer le catalogue de la j'ente Beurnonville
se sont acquittés de leur mission. Nous avons en effet une habitude qui parait étrange à beaucoup
de gens, c'est de prendre au sérieux tout ce qui touche à l'art et de dire avec une franchise
inaccoutumée notre sentiment sur les œuvres des artistes.

Cette franchise a déplu à quelques-uns, qui ont cru devoir faire intervenir la Justice dans
leurs affaires et appeler le tribunal au secours de leur gloire. Ils demandaient 26,000 francs pour
le dommage porté à leur considération par les réflexions un peu rudes de notre collaborateur.
Les juges ont réduit ces prétentions au dixième et ont décidé que 2,400 francs suffiraient pour
panser les huit blessures. Nous ignorons si cette décision satisfait nos adversaires. Quant à nous,
nous voudrions pouvoir l'accepter, mais cela nous est impossible pour plusieurs raisons.

D'abord en fait ces gravures sont véritablement mauvaises, au moins autant que le sonnet
d'Oronte, et nous sommes absolument de l'avis d'Alceste :

Hors qu'un commandement exprès du roi ne vienne
De trouver bons les vers dont on se met en peine,
Nous soutiendrons, toujours, morbleu! qu'ils sont mauvais
Et qu'un homme est pendable après les avoir faits.

Ces gravures ont été jugées avec une égale sévérité par toutes les personnes qui les ont vues. Ou
m'assure que Mc Pillet, dont on ne contestera ■ pas, je suppose, la compétence artistique, n'a pu
réprimer un mouvement d'indignation en ouvrant le catalogue, et nous avons entre les mains une
lettre de M. le baron de Beurnonville, qui témoigne avec esprit de son étonnement que des
hommes qui se disent artistes tiennent « l'article soie et coton » comme de simples bonnetiers.

Il faut bien comprendre que quand un amateur vend sa collection et fait faire un
catalogue qui lui coûte i5 à 20,000 francs, c'est toujours plus ou moins dans la pensée que
les gravures qu'il met dans ce catalogue auront le double effet de faire acheter le livre par un
grand nombre de personnes pour sa valeur propre, et d'attirer le public à la vente de la collection
en donnant une idée avantageuse des œuvres qui la composent

Rien n'est plus légitime que ce calcul, et tout le monde sait que pour beaucoup de raisons
il était plus légitime que jamais à la vente du baron de Beurnonville.

Or l'effet produit a été directement inverse. Contrairement à l'habitude, le catalogue illustré
par ces messieurs ne s'est pas vendu, et les amateurs qui n'ont pas eu, pour juger de la valeur
des œuvres mises en vente, d'autres documents que les traductions qu'on leur offrait, ont dû
nécessairement croire inutile de se déranger pour aller voir de pareils chefs-d'œuvre.

Nous pouvons bien le dire ici, la sympathie qu'éprouvait l'auteur de l'article incriminé pour
le baron de Beurnonville suffirait à expliquer la vivacité de sa critique à l'égard de gravures qui,
sans des efforts faits d'un autre côté, auraient pu compromettre le succès de la j'ente annoncée.

La seconde raison qui ne nous permet pas de nous soumettre à la décision des juges de
première instance, c'est l'intérêt commun de tous les écrivains. Nous persistons à croire, comme
l'a magistralement démontré notre avocat, Me Émile Straus, que nous n'avons pas dépassé les
limites légales dit droit de la critique, et notre conviction à cet égard nous fait un devoir d'épuiser
tous les degrés de juridiction. Nous ne pouvons pas nous exposer au reproche d'avoir laissé
péricliter entre nos mains la cause dont nos adversaires nous ont constitués les représentants.

Lorsqu'il y a sept ans un groupe d'amateurs s'est décidé à hasarder dans la fondation de
cette revue des capitaux considérables, leur but a été précisément de réagir contre des habitudes
de critique molle et complaisante, qu'ils jugeaient dangereuses pour l'avenir de l'Ecole française.

Tome XXVI. 18
 
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