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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Yriarte, Charles: Lettres de Milan, [2]
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https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0182

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LETTRES DE MILAN1

(suite)

II

Gian Giacomo Poldi Pej^oli d'Albertone. —Sa personnalité. —■
Le palais Poldi Pe^oli. — Conditions du legs. — Situation
créée à la municipalité par les clauses du testament. — Esprit
qui a présidé à la décoration des salles du musée. — Les
ouvriers d'art industriel à Milan. — Conditions spéciales qui
ont dicté le parti pris par le testateur pour la décoration des
salles du Musée.

En avril 1879 mourait à Milan le chevalier Gian Giacomo
Poldi Pezzoli, de famille noble, fils de D. Giuseppe Poldi
Pezzoli et de Donna Rosa, des marquis Trivulzio. C'est
évidemment de sa mère que Poldi Pezzoli tenait son goût
pour les arts; elle était née dans ce palais Trivulzio où l'un de
ses ancêtres, l'abbé Trivulzio, collectionneur passionné et
infatigable, avait patiemment rassemblé ces merveilles d'art
qui font de la maison un musée. Le possesseur actuel, le
marquis Gian Giacomo, connaît toute l'importance de ces
collections, il en sent tout le prix, et veut bien parfois en faire
les honneurs avec une parfaite courtoisie.

Les écrivains d'art et les gens du monde qui visitent habi-
tuellement Milan ont tous connu Poldi Pezzoli; c'était un
homme paisible, doux, et sûr, solide en amitié, un délicat, sans
être cependant un lettré. Il avait, avec un goût très prononcé
pour les belles œuvres de tout genre, un coup d'œil net et
rapide, au service d'un sang-froid imperturbable; et il savait,
encore que sa fortune fût assez considérable, faire patiem-
ment le siège des objets d'art qu'il convoitait et les acquérir
dans de bonnes conditions. Je ne saurais pas dire qu'en dehors
d'un goût incontestable dans le choix des œuvres d'art qu'il
ajoutait chaque jour à ses collections, il eût la même sûreté de
jugement et le même discernement en matière de travaux d'art
ou de direction à donner à un ouvrage commandé. Il devait
mourir jeune encore, réalisant, par son testament, le vœu qu'il
avait exprimé depuis bien des années, de léguer ses collections
à sa ville natale à la condition d'en former un musée spécial
qui porterait son nom.

Le testament est daté 3 août 1871, et, moins de dix années
après, le public prenait possession du legs fait à la ville sous
les conditions suivantes :

L'appartement occupé par le testateur dans son palais,
avec les collections de toute nature qui y seraient rassemblées
au moment de sa mort, constituerait une fondation artistique
ouverte au public, régie suivant les règles en pratique pour la
pinacothèque de Brera, et portant le nom de Poldi Pezzoli. La
même fondation, logée perpétuellement dans l'appartement
faisant partie du palais et entretenu par les héritiers, aurait
pour dot annuelle, afin de subvenir aux frais qu'elle entraine,
une rente de huit mille francs, dont deux mille pour l'adminis-
tration et six mille pour l'entretien et l'augmentation de ces
mêmes collections. Quant au palais lui-même et aux autres
biens, le testateur, qui ne s'était jamais marié, les léguait à
l'un de ses neveux, le plus jeune fils du marquis Gian Giacomo
Trivulzio.

Nous disons en France : « A cheval donné on ne regarde
point la bride » ; il est permis cependant, au nom de l'intérêt
général, de dire que les legs faits à une ville, à une adminis-
tration ou à un Etat avec ces conditions ou restrictions, sont
parfois embarrassants. S'ils remplissent le but que se propose

1. Voir l'Art, 70 année, tome III, page 113.

le testateur, ils ne sont pas toujours dictés par les vrais prin-
cipes qui doivent inspirer les fondateurs de musées d'Etat ou
grandes collections. En effet, la ville de Milan possède déjà
au Corso Venczia un musée municipal d'un certain intérêt,
contenant des collections de toute nature et spécialement une
galerie de tableaux, une série de bronzes, de sculptures, de
céramiques, de tapisseries, etc., etc., auxquels est venu
s'ajouter récemment un legs important : celui d'un membre de
la famille Taverna, riche surtout en médailles italiennes. L'em-
placement de ce musée municipal est vaste, il offre des res-
sources pour l'accroissement des galeries et, comme il importe
avant tout dans une ville de centraliser les objets d'art au lieu
de les disperser, il y avait, pour la municipalité milanaise, un
intérêt évident à joindre la fondation Poldi Pezzoli aux col-
lections du Salone, à moins qu'au contraire on ne préférât
acquérir de l'héritier de Poldi Pezzoli le palais de la Via del
Giardino, et y réunir le tout en un seul musée plus digne
encore de la ville, et dont l'administration eût été simplifiée par
le fait même de cette concentration, et dont l'avenir eût été-
plus fécond en fondant les deux budgets annuels en un seul.

On voit par les conditions du testament que le premier parti
pris est interdit. Il resterait à tenter le second; mais là encore,
en admettant que l'héritier se prêtât à ces vues de la municipa-
lité, on contreviendrait aux dispositions du testateur qui, il faut
bien le dire, a montré dans l'acte notarié la préoccupation de
léguer son nom à cette postérité relative dont un humain peut
disposer.

Ceci dit, et chacun comprendra qu'en le disant nous ne
parlons qu'au nom des principes, quelle est la valeur de cette
collection Poldi Pezzoli, en quoi consiste-t-elle, et le choix
des objets d'art qui la composent justifiait-il cette préoccupa-
tion personnelle du testateur ?

L'ensemble, réparti dans un appartement richement orné
— trop richement à notre gré —■ peut se diviser en dix séries :
les armes ; les bronzes; les marbres; les meubles; l'orfèvrerie;
la céramique; la peinture; la sculpture (marbres, terres cuites
et bois sculptés) ; les tissus; le verre, et enfin une dernière série
d'objets difficiles à classer, trop peu nombreux pour former un
catégorie : tels les émaux, les nielles, les pierres gravées, les
manuscrits, etc.

Poldi Pezzoli avait réparti le tout dans ses appartements
disposés en musée, et c'était, on le sait, une des conditions du
legs de respecter d'une façon absolue ces dispositions prises
par le testateur. On peut donc à la rigueur, en visitant le
musée, se croire dans l'appartement d'un amateur qui en a
permis l'entrée : voici sa salle de travail, sa bibliothèque, sa
chambre à coucher, son lit et son prie-Dieu, ses souvenirs de
famille, les portraits des proches, toiles animées de bonnes
intentions mais d'un caractère un peu banal. On a fait dis-
paraître seulement les objets familiers qui montrent, à côté de
l'apparat décoratif,.les humbles côtés de la vie et les faiblesses
de l'humanité. Il est bien certain qu'il y a là quelque chose de
touchant pour celui qui a connu le testateur, chacun de ces
objets lui parle de l'ami et du galant homme; mais peut-être
l'étranger, l'indifférent, qui vient du Nord ou du Midi, et qui
ne se préoccupe que de la valeur des objets, aimerait-il mieux
qu'on lui cachât ce lit extraordinaire, —effort prodigieux mais
absolument déplorable d'une industrie moderne qui mécon-
naît les lois de l'harmonie, méprise les nécessités pratiques et
 
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