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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Leroi, Paul: Le marquis Girolamo d' Adda
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Chronique française et étrangère
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https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0359

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CHRONIQUE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE.

3n

correspondant de l'Institut de France, le ridicule dont je me
couvrirais serait trop naturel et trop douloureux. Mes nerfs sont
trop agacés, et tout honnête homme, qui a un pied dans la
vieillesse et dont la santé est à moitié perdue, sans espoir, doit
éviter de se montrer en public au-delà du nécessaire.

« Pardon de ces raisonnements, de ces excuses qui sentent
l'apothicaire; mais mon langage, s'il est presque inconvenant
par la forme, dans les douloureuses circonstances où je me
retrouve, laisse peu à désirer sous le rapport de la clarté.

« J'espère que le renouveau me fera du bien; et je repren-
drai mon travail courageusement au printemps prochain, je
l'espère du moins. Les photographies, vous attendrez, n'est-ce
pas? vous attendrez pour les faire graver, parce que, dans
l'état où je me trouve, mes souffrances névralgiques pourraient
aussi m'empêcher tout à fait de tenir la plume pour recopier
ma prose? »

Le 8 avril, le mal a fait de terribles progrès, et M. d'Adda
m'en avertit dans cette lettre que suivra le 12 une lettre plus
navrante encore : « Je suis bien désolé de venir vous dire que
ma santé a tellement empiré qu'il m'est absolument de toute
impossibilité de donner la dernière main avant juin à tout ce
que je garde d'esquissé dans nies cartons.

« Les médecins m'ont défendu le travail de bureau et les
recherches dans les archives. Ma maladie, je l'espère, n'est
pas mortelle, mais elle m'enlève les forces morales et physiques.
Enfin, je ne saurais brûler la chandelle des deux bouts à la
fois, sans danger.

« Si mes névralgies me laissaient en paix, je serais à vous
et avec vous. »

Quatre jours plus tard, c'est à peine s'il lui reste encore
une illusion sur son état :

« Je n'ai plus rien à ajouter à ma dernière missive. Ma
santé a bien empiré depuis lors et mes médecins m'ont abso-
lument défendu tout travail de cerveau, me menaçant d'une
maladie pire que la mort : la folie. A soixante-six ans d'âge,
perclus de plusieurs membres, affaibli de toutes manières, j'ai
seulement l'intelligence de comprendre la gravité de la révolu-
tion de mon système nerveux.

« Je vous remercie de l'honneur que vous aviez voulu me
faire, mais je ne serais plus un homme honnête si j'acceptais
la perspective d'un devoir à remplir; mon état de santé serait
perdu et vous ne le voudriez pas.

« J'écrirai un de ces jours, si je puis reprendre quelques
forces, à notre ami Courajod, et je ramasse toutes les forces
dans la main droite offensée d'une achirographie nerveuse et
convulsive pour pouvoir m'imaginer que je vous serre les mains
à tous deux. »

Il faudrait n'avoir pas de cœur pour lire ces lettres sans
être profondément ému. Le débat suprême de cette admirable
intelligence est déchirant. Une seule pensée consolante se
présente : cet homme de bien, cette nature d'élite qui avait
tous les titres à une fin plus heureuse, emporte au moins avec
lui la certitude qu'il vivra parmi les plus chers, les plus pieux
souvenirs de tous ceux qui ont eu l'honneur de connaître et
d'apprécier « le marquis d'Adda, ce noble coeur, cet esprit
éminent ».

Paul Leroi.

CHRONIQUE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE

France. — Nous sommes heureux de pouvoir offrir à nos
abonnés une nouvelle et très remarquable eau-forte : la Rue
du Haut-Pavé, par M. Lucien Gautier, qui continue exclusive-
ment pour l'Art ses excellentes études parisiennes.

— Prochainement, le conseil municipal sera appelé à
statuer sur un vaste projet consistant à créer à Paris un
musée des arts décoratifs public, sur le modèle du musée de
South-Kensington.

En vue de cette création, on demandera aux Chambres
l'autorisation d'acquérir le musée déjà existant, établi par
l'initiative privée, d'abord au pavillon de Flore, puis au palais
des Champs-Elysées ; il renferme déjà des collections fort
intéressantes au point de vue de l'enseignement professionnel
de diverses industries artistiques. Une fois les crédits votés,
on demandera le concours de la ville de Paris pour l'installa-
tion délinitive du musée.

La ville céderait à cet effet l'emplacement des bâtiments
de l'hôpital, annexes de l'Hôtel-Dieu, quai Montebello,
destinés à être démolis dès que seront achevés les hôpitaux à
ériger sur certains points des fortifications ; sur cet emplace-
ment, on élèverait un magnifique édifice comprenant d'une
part le musée, et d'autre part l'Ecole nationale des arts déco-
ratifs (ancienne École nationale de dessin de la rue del'Ecole-
de-Médecine.)

— On a beaucoup parlé, à propos de la décoration de
M. Got, d'une lettre qu'il a écrite en 1870, pendant le siège,
pour protester contre une lecture des Châtiments sur la scène
de la Comédie-Française ; nous trouvons le texte de cette
lettre dans la Revue anecdotique; elle honore l'éminent doyen
de notre premier théâtre littéraire et elle peut servir de docu-
ment à l'appui du décret qui vient de le créer chevalier de la
Légion d'honneur.

La voici :

« A M. Charles Valois, membre du comité de la Société
des gens de lettres.

« Paris, 9 novembre 1870.

« Monsieur,

« Je descends de garde aux remparts et me hâte de répon-
dre à la demande que vous me faites l'honneur de m'adresser
au nom de la Société des gens de lettres.

« Je suis autant que personne admirateur des Châti-
ments.

« J'ai pour amis des amis intimes de M. Victor Hugo.

« Je serais fier et heureux de servir cette haute renommée
dans la mesure de mes forces.

« Et je puis dire enfin que si quelque artiste a droit de se
targuer d'indépendance, assurément je ne suis pas celui-là, je
suis du moins un des plus anciens et des plus convaincus.

« Eh bien, malgré tout, un sentiment que je ne puis pas
bien définir ici, mais que j'éprouve invinciblement au fond de
la conscience, m'empêche de venir m'associer à une lecture
publique des Châtiments sur une scène qui acceptait si béné-
volement, il y a quelques semaines, le titre de théâtre des
Comédiens ordinaires de l'Empereur.

« Les cadeaux, les dîners et les fêtes, et Compiègne, et
Fontainebleau, m'ont toujours soulevé le cœur. Je l'atteste et
on le sait; mais si j'étais un des rares opposants de la veille,
qu'on me permette aujourd'hui de me tenir encore à part des
trop nombreux fanfarons du lendemain.

« Veuillez agréer, etc.

« E. Got,

« De la Comédie-Française. »
 
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