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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Véron, Eugène: Notre procès
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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [3]: Théatre du gymnase: le Duel de Pierrot; théatre de campagne
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https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0155

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ART DRAMATIQUE. i3g

nous pourrions la dédaigner. Tous ceux qui nous connaissent sapent combien l'Art est étranger à
tout esprit de spéculation, avec quel soin jaloux il se défend de tout ce qui pourrait enchaîner
l'indépendance de ses jugements et de ses doctrines. Mais nous savons l'effet que peuvent produire
sur les esprits mal informés les insinuations de cette nature. Nous ferons donc observer que le
catalogue Beurnonville est imprimé depuis plus de trois mois et que, à ce moment, l'imprimerie
de FArt n'était pas encore fondée. Nous pouvons ajouter que, depuis sept années que l'Art existe,
il nous est passé entre les mains bien des catalogues de vente, que nous avons critiqué ceux-ci,
loué ceux-là, comme toutes autres publications artistiques, sans qu'il soit venu à l'esprit de personne
de chercher sous nos critiques ou nos éloges autre chose que l'expression de notre sentiment
esthétique. Dans l'article même qu'on incrimine, pour la sévérité avec laquelle nous avons jugé
les gravures du catalogue Beurnonville, nous avons loué sans restrictions celles du catalogue
Hartmann, que nous n'avons pourtant pas imprimé plus que l'autre.

Mais laissons ces questions secondaires. La question qui domine tout ce débat, c'est la dignité
de l'art, c'est le droit de la critique. Malgré un premier échec, nous la porterons avec confiance
devant la cour d'appel. Dans l'intérêt même de l'art et des artistes, il importe que la vérité
puisse être dite sans être à la merci des exagérations de quelques susceptibilités personnelles.

EUGÈNE VÉRON.

ART DRAMATIQUE

THÉÂTRE DU GYMNASE : LE DUEL DE PIERROT — THEATRE DE CAMPAGNE

dans las Enfants, nous voyons succomber une fille que son
se'ducteur abandonne avec la lâcheté' consacrée; un homme
surgit, au cœur simple et généreux, qui la sauve de la honte
et consent à reconnaître l'enfant, sachant pertinemment qu'il
n'y est pour rien. La morale qui ne perd jamais ses droits, du
moins au théâtre, réclame le châtiment du coupable. L'avenir
jouera le rôle du bourreau. L'enfant grandit et devient, dans
la fleur de ses vingt ans, amoureux fou d'une jeune fille, éga-
lement dans l'épanouissement de son printemps. L'intrigue com-
mande impérieusement que cet amour lui soit disputé, et par
qui? par son propre père qui, loin de se corriger, a continué
la même vie de désordre et de folie. Fils et père, sourds à la
voix du sang, se provoquent, et, sur le terrain, le (ils est blessé
par la flamberge paternelle. M. Gustave Haller a pensé qu'ha-
billée en pierrot, la fatalité prendrait un aspect à la fois plus
ironique et plus lugubre : hélas! il lui a fallu adoucir l'amer-
tume de ce violent contraste, et adresser, au cinquième acte,
un suprême appel aux âmes sensibles en leur montrant le fils
guéri de ses plaies et le père repentant de ses fautes. En dépit
des intentions charitables qui l'animent, le dénouement n'a
pas attendri la salle : elle était en humeur de rire, elle a ri.
Cette cérémonie exceptionnelle a manqué de prestige, et c'est
bien le cas de dire que M. Gustave Haller en a été pour ses
irais, puisque le théâtre et les acteurs sont loués et payés de
ses propres deniers, pendant tout le temps que durera le Duel
de Pierrot. Pauvre Pierrot! dans peu de jours trouveras-tu
deux spectateurs pour te servir de témoins !

Vers l'été de chaque année, il se publie un certain Théâtre
de campagne dont le répertoire ne comprend pas moins de
sept volumes en l'an de comète où nous sommes. Ce Théâtre

e pseudonyme masculin de Gustave Haller, sous
lequel le Duel de Pierrot vient d'être représenté au
y_; Gymnase, couvre une personnalité féminine particu-
lièrement en vedette dans le monde parisien. Bien qu'il soit
difficile de prévoir à quel point ce mystère intéressera la pos-
térité, il est bon que les contemporains sachent exactement le nom
et la qualité de l'auteur : M. Gustave Haller n'appartient point
au sexe dépositaire de la toute-puissance en vertu de la barbe :
ce monsieur est M""' Valérie, ancienne actrice du Théâtre-
Français, unie en justes noces à M. Gustave Fould. Mainte-
nant que nous voici en règle avec les registres de l'état civil, il
ne reste plus devant nous que l'auteur du Duel de Pierrot,
M. Gustave Haller, puisque Gustave Haller il y a. Ce pseudo-
nyme à moustaches nous offre au moins un avantage; il dégage
la critique de tout scrupule de galanterie et l'autorise à parler
un langage viril, un langage qui soit vrai, sans être brutal :
le Duel de Pierrot est une mauvaise comédie. J'ai déjà touché
deux mots de cette manie, affligeante pour les modernes, qui
consiste à aligner cinq actes en vue d'un simple trompe-l'ceil
reproduisant un tableau célèbre. Le lecteur a déjà deviné qu'il
s'agit ici de la toile de Gérome popularisée par la photo-
graphie, et il faut reconnaître que l'imitation qui en est faite
par la mise en scène est d'une vérité presque éloquente. Mal-
heureusement, et c'est ce qui nous rend peu indulgent pour
M. Gustave Haller, cette imitation est au point de vue du
théâtre la seule chose nouvelle à relever dans le Duel de
Pierrot. Le reste (c'est-à-dire la pièce tout entière) pourrait
être revendiqué, sans apparence de récrimination, par
M. Georges Richard, l'auteur des Enfants. Le Duel de Pierrot
de M. Gustave Haller c'est l'ouvrage de M. Georges Richard
avec un tableau vivant en plus. Dans le Duel de Pierrot comme
 
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