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Champfleury: Rapport: adressé à M. le sous-secrétaite d'état des Beaux-Arts
DOI Seite / Zitierlink: https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0239
RAPPORT
ADRESSE A M. LE SOUS-SECRETAIRE D'ETAT DES BEAUX-ARTS, PAR M. CHAMPFLEURY
CONSERVATEUR DU MUSÉE CÉRAMIQUE DE LA MANUFACTURE NATIONALE DE SEVRES
« Monsieur le sous-secrétaire d'État,
« J'ai accompli une partie de la mission dont j'avais été
antérieurement chargé par M. le ministre, pour l'étude des
musées de province qui réservent une section spéciale aux arts
céramiques de leur région.
« Trois expositions rétrospectives qui avaient lieu au
Mans, à Nevers, à Bruxelles, et que vous m'avez autorisé à
visiter, ont été étudiées en détail; elles m'ont permis de rendre
ma mission plus fructueuse.
« I. Exposition rétrospective et musée des antiquités du
Mans. — L'exposition rétrospective du Mans, comprenant tous
les arts du passé, recueillis principalement dans les collections
particulières du département de la Sarthe, avait été classée
aussi méthodiquement que le permet l'agglomération d'objets
d'art de diverses époques et de diverse nature.
« La céramique du xvne et du xvmc siècle, des centres les
plus célèbres, y tenait une grande place.
« Les poteries de la fabrique de Ligron, petite ville de la
Sarthe, étaient groupées dans des vitrines, et cet art naïf
poussera sans doute, grâce à cette exposition, un archéologue
du pays à en donner une monographie; elle manque à la série
des travaux sur Fart céramique de l'ancienne France. Ligron
était principalement réputé jusqu'ici par ses épis architecturaux
ornant le faîte des toits des anciennes maisons ; des vases à
reliefs, des sortes de reliquaires à figures en ronde bosse,
indiquent une production assez abondante.
« Il serait intéressant de connaître, avec l'histoire de l'ori-
gine de ces ateliers, à quelle source les potiers allaient
emprunter certaines de leurs figurines; elles sont le plus
souvent barbares ; cependant elles offrent parfois un reflet de
style.
« L'exposition du Mans n'eût-elle montré que ces spéci-
mens de poteries qu'elle aurait offert un résultat utile pour
l'histoire de l'art céramique en province.
« Je ne m'arrêterai pas sur les faïences de Rouen, de Nevers,
de Delft, exposées par les collectionneurs du département. Les
types, en général bien choisis, contribuent à répandre le goût
de l'art décoratif; ils feront naître vraisemblablement au jour
une école de décorateurs en même temps qu'un style per-
sonnel, non plus archaïque et de redite, mais national et
moderne.
« L'étude du musée d'antiquités de la ville du Mans avait
un intérêt plus direct avec la mission dont je suis chargé.
« Le savant conservateur de ce musée l'a classé avec intel-
ligence; de plus, l'étude des monuments est rendue facile par
un catalogue illustré de gravures d'après les principales
pièces.
« Les poteries gallo-romaines trouvées dans les fouilles aux
environs du Mans, les épis architecturaux des anciennes
maisons de la Sarthe, sont aussi bien montrés qu'il est possible ;
mais les soins du conservateur, ses efforts, n'ont pu parer au
fâcheux aménagement d'un musée d'antiquités relégué dans
une série de salles basses, sous le théâtre; les monuments, par
manque de place et d'élévation des voûtes, perdent notable-
ment à cet état de choses.
« II. Exposition rétrospective et musée céramique de
Nevers. — Les membres de la commission de l'exposition de
Nevers semblent avoir voulu donner une leçon de méthode
aux organisateurs des expositions futures en n'admettant que
des faïences nivernaises, depuis l'origine de la fabrication
jusqu'à nos jours. Un programme nettement tracé avertissait
les collectionneurs de ne présenter que des faïences de Nevers.
Il était facile ainsi de suivre le développement de ce centre de
fabrication provinciale, qui peut marcher de pair avec l'art
j céramique de Rouen, non pas sans doute avec tout l'éclat nor-
mand, mais avec d'autres recherches de décors italiens on
orientaux, qui ont également leur intérêt.
« Il serait fâcheux que le catalogue de cette exposition ne
fût pas publié ; il montrerait les étapes diverses de l'art céra-
mique nivernais, un des fleurons de l'ancienne industrie fran-
çaise.
« III. De l'aménagement des musées d'antiquités en
province. — Propositions d'échanges. — Il serait à souhaiter
qu'un vœu fût transmis aux rhunicipalités pour les pousser à
disposer de locaux mieux en harmonie avec les richesses d'art
que possèdent les départements.
« De grandes dépenses sont faites actuellement pour
l'organisation des écoles; mais les musées ne sont-ils pas un
moyen d'enseignement?
« Au musée d'antiquités de Chartres, que j'ai visité en me
rendant au Mans, plusieurs salles sont remplies de moulages
des principales sculptures de la cathédrale; le public ne peut
y être admis, et cependant il serait d'une grande utilité de
classer méthodiquement ces moulages, bien en vue, pour per-
mettre d'étudier à loisir ces remarquables morceaux de l'art
ancien français.
« Dans l'intérêt des musées nationaux et de département,
il me paraît également utile d'inviter les municipalités à con-
sentir à des échanges de leurs doubles. La ville de Rouen, la
ville de Dieppe l'ont fait avec le musée de Sèvres, et un échange
de même nature a été autorisé récemment avec le musée
archéologique du Mans.
« Les doubles du musée céramique de Sèvres, dont un
état méthodique est terminé, Vous ont été soumis, monsieur le
sous-secrétaire d'État, pour en proposer à M. le ministre
l'attribution à certains musées céramiques de province; les
dons de porcelaine de Sèvres faits par le Gouvernement de la
République aux municipalités pourraient, en outre, entrer en
ligne de compte pour ces échanges qui doivent servir à l'ins-
truction de tous.
« IV. Exposition céramique rétrospective de Bruxelles. —
Jamais jusqu'alors les faïences et les porcelaines de la Belgique
n'avaient été rassemblées à l'état de collection publique ; à
l'exception de deux courtes notices, déjà anciennes, aucune
monographie spéciale n'avait contribué à augmenter la série
des recherches historiques du même ordre; mais les familles
riches conservaient intacts des services de porcelaine de
Tournay, de Bruxelles à leurs armes; dans d'autres collec-
tions particulières étaient groupées des faïences de Bruxelles,
de Tervueren, d'Andenne, de Sept-Fontaines (Luxembourg),
de Bruges, de Namur, de Liège, et ces porcelaines, ces
faïences, qui ne pouvaient jusqu'ici être étudiées qu'incom-
plètement, fournirent des séries d'une certaine importance.
ADRESSE A M. LE SOUS-SECRETAIRE D'ETAT DES BEAUX-ARTS, PAR M. CHAMPFLEURY
CONSERVATEUR DU MUSÉE CÉRAMIQUE DE LA MANUFACTURE NATIONALE DE SEVRES
« Monsieur le sous-secrétaire d'État,
« J'ai accompli une partie de la mission dont j'avais été
antérieurement chargé par M. le ministre, pour l'étude des
musées de province qui réservent une section spéciale aux arts
céramiques de leur région.
« Trois expositions rétrospectives qui avaient lieu au
Mans, à Nevers, à Bruxelles, et que vous m'avez autorisé à
visiter, ont été étudiées en détail; elles m'ont permis de rendre
ma mission plus fructueuse.
« I. Exposition rétrospective et musée des antiquités du
Mans. — L'exposition rétrospective du Mans, comprenant tous
les arts du passé, recueillis principalement dans les collections
particulières du département de la Sarthe, avait été classée
aussi méthodiquement que le permet l'agglomération d'objets
d'art de diverses époques et de diverse nature.
« La céramique du xvne et du xvmc siècle, des centres les
plus célèbres, y tenait une grande place.
« Les poteries de la fabrique de Ligron, petite ville de la
Sarthe, étaient groupées dans des vitrines, et cet art naïf
poussera sans doute, grâce à cette exposition, un archéologue
du pays à en donner une monographie; elle manque à la série
des travaux sur Fart céramique de l'ancienne France. Ligron
était principalement réputé jusqu'ici par ses épis architecturaux
ornant le faîte des toits des anciennes maisons ; des vases à
reliefs, des sortes de reliquaires à figures en ronde bosse,
indiquent une production assez abondante.
« Il serait intéressant de connaître, avec l'histoire de l'ori-
gine de ces ateliers, à quelle source les potiers allaient
emprunter certaines de leurs figurines; elles sont le plus
souvent barbares ; cependant elles offrent parfois un reflet de
style.
« L'exposition du Mans n'eût-elle montré que ces spéci-
mens de poteries qu'elle aurait offert un résultat utile pour
l'histoire de l'art céramique en province.
« Je ne m'arrêterai pas sur les faïences de Rouen, de Nevers,
de Delft, exposées par les collectionneurs du département. Les
types, en général bien choisis, contribuent à répandre le goût
de l'art décoratif; ils feront naître vraisemblablement au jour
une école de décorateurs en même temps qu'un style per-
sonnel, non plus archaïque et de redite, mais national et
moderne.
« L'étude du musée d'antiquités de la ville du Mans avait
un intérêt plus direct avec la mission dont je suis chargé.
« Le savant conservateur de ce musée l'a classé avec intel-
ligence; de plus, l'étude des monuments est rendue facile par
un catalogue illustré de gravures d'après les principales
pièces.
« Les poteries gallo-romaines trouvées dans les fouilles aux
environs du Mans, les épis architecturaux des anciennes
maisons de la Sarthe, sont aussi bien montrés qu'il est possible ;
mais les soins du conservateur, ses efforts, n'ont pu parer au
fâcheux aménagement d'un musée d'antiquités relégué dans
une série de salles basses, sous le théâtre; les monuments, par
manque de place et d'élévation des voûtes, perdent notable-
ment à cet état de choses.
« II. Exposition rétrospective et musée céramique de
Nevers. — Les membres de la commission de l'exposition de
Nevers semblent avoir voulu donner une leçon de méthode
aux organisateurs des expositions futures en n'admettant que
des faïences nivernaises, depuis l'origine de la fabrication
jusqu'à nos jours. Un programme nettement tracé avertissait
les collectionneurs de ne présenter que des faïences de Nevers.
Il était facile ainsi de suivre le développement de ce centre de
fabrication provinciale, qui peut marcher de pair avec l'art
j céramique de Rouen, non pas sans doute avec tout l'éclat nor-
mand, mais avec d'autres recherches de décors italiens on
orientaux, qui ont également leur intérêt.
« Il serait fâcheux que le catalogue de cette exposition ne
fût pas publié ; il montrerait les étapes diverses de l'art céra-
mique nivernais, un des fleurons de l'ancienne industrie fran-
çaise.
« III. De l'aménagement des musées d'antiquités en
province. — Propositions d'échanges. — Il serait à souhaiter
qu'un vœu fût transmis aux rhunicipalités pour les pousser à
disposer de locaux mieux en harmonie avec les richesses d'art
que possèdent les départements.
« De grandes dépenses sont faites actuellement pour
l'organisation des écoles; mais les musées ne sont-ils pas un
moyen d'enseignement?
« Au musée d'antiquités de Chartres, que j'ai visité en me
rendant au Mans, plusieurs salles sont remplies de moulages
des principales sculptures de la cathédrale; le public ne peut
y être admis, et cependant il serait d'une grande utilité de
classer méthodiquement ces moulages, bien en vue, pour per-
mettre d'étudier à loisir ces remarquables morceaux de l'art
ancien français.
« Dans l'intérêt des musées nationaux et de département,
il me paraît également utile d'inviter les municipalités à con-
sentir à des échanges de leurs doubles. La ville de Rouen, la
ville de Dieppe l'ont fait avec le musée de Sèvres, et un échange
de même nature a été autorisé récemment avec le musée
archéologique du Mans.
« Les doubles du musée céramique de Sèvres, dont un
état méthodique est terminé, Vous ont été soumis, monsieur le
sous-secrétaire d'État, pour en proposer à M. le ministre
l'attribution à certains musées céramiques de province; les
dons de porcelaine de Sèvres faits par le Gouvernement de la
République aux municipalités pourraient, en outre, entrer en
ligne de compte pour ces échanges qui doivent servir à l'ins-
truction de tous.
« IV. Exposition céramique rétrospective de Bruxelles. —
Jamais jusqu'alors les faïences et les porcelaines de la Belgique
n'avaient été rassemblées à l'état de collection publique ; à
l'exception de deux courtes notices, déjà anciennes, aucune
monographie spéciale n'avait contribué à augmenter la série
des recherches historiques du même ordre; mais les familles
riches conservaient intacts des services de porcelaine de
Tournay, de Bruxelles à leurs armes; dans d'autres collec-
tions particulières étaient groupées des faïences de Bruxelles,
de Tervueren, d'Andenne, de Sept-Fontaines (Luxembourg),
de Bruges, de Namur, de Liège, et ces porcelaines, ces
faïences, qui ne pouvaient jusqu'ici être étudiées qu'incom-
plètement, fournirent des séries d'une certaine importance.