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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [4]: concours du conservatiore: tragédie, comédie
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M. Got: chevalier de la légion d'honneur
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https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0185

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M. GOT.

167

Le concours de comédie, tout en accusant une honnête
moyenne d'études, n'a mis en relief aucun sujet transcendant.
J'ai parlé plus haut de la part plus ou moins brillante que
MM. Garnier et Duflos y ont prise. M. Galipaux a été porté
par l'enthousiasme des spectateurs aux suprêmes honneurs du
premier prix de comédie. Si par le mot : comédie, on entend
l'art d'occuper la scène, d'en imposer au public et de faire
réussir tous ses effets quels qu'ils soient, M. Galipaux méritait
sans conteste le glorieux exeat qu'il sollicitait du Conserva-
toire. A peine né à la vie des planches, M. Galipaux a un nom,
une popularité, que dis-je? une cour. Il peut revendiquer à son
adresse le vers du vieux satirique Perse : « Est pulchrum
digito monstrari et dicier : Hic est! Il est beau qu'on vous
indique du doigt en disant : Le voilà ! » Quand le héraut annon-
çait Galipaux, la salle entière témoignait une joie enfantine et
poussait des ah! qui dilataient toutes les poitrines. La raison
de ce délire général est que Galipaux a déjà paru sur diverses
scènes dans des monologues où il excelle et qu'il a un coquin
de physique à l'aspect duquel la gravité se retire piteusement
sous la tente. C'est un drôle de corps que ce petit bonhomme :
il a un aplomb infernal, une sécurité de jeu inouïe, une verve

tabarinique. Ses yeux, ses bras, ses jambes ont comme des
décharges électriques ; il va, il vient, il parle avec une agilité,
une volubilité de farceur du moyen âge, et, pour me résumer,
il ne me paraît point destiné à la haute comédie qu'on exploite
au Théâtre-Français. Au Palais-Royal ou dans la féerie, il
tiendra le public sous sa botte ou sous sa batte, comme il
voudra. Dans l'impromptu des Précieuses, il a désopilé plu-
sieurs rates.

Je suis loin de m'associer aux autres décisions du jury, en
ce qui concerne MM. Samary et Hamel, qui ont partagé un
second accessit, et M. Vast, qui en a obtenu un premier. Ces
jeunes gens ne relèvent pas encore de la critique.

C'est avec préméditation que je passe sous silence le concours
des femmes. Bien que des récompenses hautes et basses aient
été votées, il en est peu qui soient justifiées par le talent et la
vocation sincère. Nous reverrons sans doute au théâtre quel-
ques-unes de ces jeunes filles; si cette nouvelle épreuve ne
tourne pas à leur avantage, le foyer domestique et la machine
à coudre, et ce n'est déjà point tant sot ! les réclament énergi-
quement.

Arthur Heulhard.

M. GOT

CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR

e gouvernement a fini par se décider à décorer M. Got,
mais il n'a pas encore osé le décorer comme comédien.
« Une plus haute récompense, a dit M. le sous-

secrétaire aux Beaux-Arts, a été réservée à M. Got, professeur
de déclamation : il est fait chevalier de la Légion d'honneur.
C'est comme professeur au Conservatoire que M. Got obtient
cette haute récompense de ses services. »

Le fait seul d'avoir choisi, pour décorer l'illustre doyen de
la Comédie-Française, l'occasion de la distribution des prix aux
élèves du Conservatoire aurait suffi, sans cette double affirma-
tion, à déterminer la pensée qui avait présidé à la décision gou-
vernementale.

M. le sous-secrétaire d'Etat a donc dû se conformer à la
volonté formelle du ministère. Mais, une fois la déclaration
officielle achevée, M. Turquet a pris spirituellement sa revanche
en même temps que celle du bon sens et de la vérité, en ajou-
tant :

« Cependant, le gouvernement n'a pu oublier, en le déco-
rant, qu'il honorait en lui le doyen de la Comédie-Française,
un des artistes les plus éminents de cette grande maison, un
de ceux qui en conservent avec esprit les traditions, en y
apportant un talent original et un art consommé.

0 Lorsque des hommes comme M. Got, qui se sont rendus
illustres par l'interprétation des chefs-d'œuvre de notre littéra-
ture dramatique, joignent au talent le caractère, ils ont droit
aux distinctions qui sont accordées chez nous à tous les
hommes de talent et d'illustration. »

Plusieurs fois interrompues par des marques d'approbation
et par les bravos, ces paroles ont été suivies de plusieurs
salves d'applaudissements enthousiastes. M. Turquet a ôté
son ruban pour le mettre à la boutonnière du sympathique et
éminent artiste, auquel il a donné l'accolade.

Le doyen de la Comédie-Française a ensuite embrassé
M. Emile Perrin, le directeur de notre première scène, récem-
ment promu au grade de commandeur; tous les professeurs du
Conservatoire ont félicité le nouveau chevalier de la Légion
d'honneur.

Après avoir été fêté au Conservatoire, M. Got a été de
nouveau fêté à la Comédie-Française.

L'affiche du théâtre annonçait Cinna, et les Femmes
savantes avec M. Got dans le rôle de Trissotin.

Tous les artistes de la Comédie-Française en ce moment
à Paris étaient venus au théâtre ainsi que les élèves de Got.

Pendant l'entr'acte qui précède l'entrée en scène de Tris-
sotin, ils ont fait prier leur ami et professeur de descendre de
sa loge.

M. Got, grimé et costumé, est bientôt arrivé, et là il a reçu
une superbe couronne de roses et de jacinthes avec un ruban
portant ces mots : Au Chevalier Got la Comédie-Française.
En même temps ses camarades lui donnaient une très belle
croix en diamants, achetée à la dernière heure, et M. Delaunay
prenait la parole en ces termes :

« Tu as été toujours et tu es encore notre porte-drapeau.

« Il y a trente et un ans, le 3o juin i85o, nous nous ren-
contrions dans la salle du comité de lecture du théâtre. —
Tous deux élèves de Provost, nous venions d'être nommés
ensemble sociétaires de la Comédie-Française. — Tu me dis
alors en m'embrassant :

« — Puisque nous devons vivre ensemble, veux-tu que
nous nous tutoyons ?

« Permets qu'aujourd'hui je te tutoie encore et qu'au nom
de mes camarades je t'offre, avec ce souvenir, l'expression de
notre joie profonde.

« Tu es décoré, mon cher ami... Et si la Comédie-Fran-
çaise a le droit de revendiquer un peu de cette distinction
suprême, elle doit aussi en reporter l'honneur à ton talent, à
ton caractère et à ta haute probité. »

M. Got, profondément ému, a pu répondre seulement par
quelques mots de remerciements.

« Je regrette, dit-il, que nous n'ayons pas un buste monu-
mental de la Comédie-Française. - Cette énorme couronna
lui siérait mieux qu'à moi.

« C'est elle qu'on décore, je ne l'oublie pas.

« La distinction que je reçois passe au-dessus de ma tête. »
 
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