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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [1]: le Théatre Chez Madame
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Hymans, Henri: Un tableau de Pierre Coeck
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https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0030

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i8

L'ART.

la figure de Marton, avec une partenaire piquante sous les
traits d'Isabelle. M. Perrin nous prépare sans doute ce régal.

En attendant, et en dépit de quelques tours de langue un
peu lourds, le livre de M. Pailleron aura tous les lecteurs qu'il

voudra; l'esprit, d'où qu'il vienne, est la marotte de ce fou
magnifique qu'on appelle, en style international, le génie
français.

Arthur Heui.hard.

UN TABLEAU DE PIERRE COECK

|j^||^jÎERMETTEZ-Moi de dire un mot d'une très curieuse
k£* révélation dont je puise la source dans le Manuel de

'tQb&&ll l'amateur d'estampes de M. Dutuit. Il ne s'agit
de rien moins que de l'existence d'un tableau de Pierre
Cœck !

Pas un musée n'a, je pense, conservé une œuvre de cet
artiste éminent qui ne fut pas seulement le peintre de Charles-
Quint, mais, en même temps sculpteur, architecte, peintre-
verrier, auteur de cartons de tapisseries, peut-être graveur, et
avec tout cela le vulgarisateur contemporain des écrits de
Serlio, et un des apôtres les plus ardents de la Renaissance
aux. Pays-Bas, ce qui ne l'empêcha pas d'avoir pour élève le
joyeux Pierre Breughel.

On montre à l'hôtel de ville d'Anvers une magnifique
cheminée de Pierre Cœck à qui la ville de l'Escaut doit son
palladium, ie géant qu'on promène aux grands jours. Les
vitraux que le maître exécuta pour la cathédrale ont dès
longtemps cessé d'exister. Quelques cabinets d'estampes possè-
dent les planches de grand style que l'on qualifie, je ne sais
pourquoi, de Tapisseries de Charles-Qidnt. Mais enfin ces
œuvres suffiraient à donner la plus haute idée du talent de
l'auteur.

Dans l'œuvre de Goltzius, sous le ii° 3<j qui est également
celui de Bartsch, M. Dutuit mentionne une Cène, composition
assez développée qui a pris rang parmi les compositions per-
sonnelles que Bartsch donnait au graveur. R. Weigel, un
des annotateurs du Peintre - Graveur, faisait observer très
judicieusement que Goltzius s'était probablement inspiré d'un
ancien tableau. — Il disait même avoir vu un pareil tableau
qui était sinon d'Albert Durer, tout au moins d'un de ses
contemporains. Selon Rechberger, ce contemporain devait être
Pierre Cœck d'Alost. — Pourquoi Pierre Cœck, je l'ignore;
mais M. Dutuit nous apprend que sur l'épreuve qu'il possède
de la planche de Goltzius on lit, d'une très vieille écriture,
les mots : Pieter Van Aelst inventor.

Il se trouve maintenant qu'un tableau, absolument sem-
blable à celui gravé par Henri Goltzius, est entré au musée de
Bruxelles en i85y, sous le nom de Lambert Lombard, et y
figure sous le n° 20 du catalogue. — Ce tableau est daté
de 1531 ; il mesure o]",8o de large sur om,62 de haut. Si
l'œuvre émane de P. Cœck, elle a été peinte après le voyage
du maître en Italie, mais avant son voyage à Constantinople.
La composition trahit certainement un souvenir vivant de la
Cène de Léonard.

La planche de Goltzius est datée de 1 585, c'est-à-dire
qu'elle appartient à la manière intermédiaire de l'illustre graveur.
En la comparant au tableau — qu'elle rend en contre-partie
— on y constate des différences qui, même en l'absence d'une

date, viendraient prouver que Goltzius ne travaillait pas dans le
voisinage de l'auteur de la peinture. Il y a des choses omises,
par exemple les médaillons qui servent à orner la salle du
Repas et où l'on voit d'un côté le Meurtre d'Abel, de l'autre
David et Goliath. C'est sur un de ces médaillons que se lit la
date 1531, répétée d'ailleurs dans les arabesques de la fenêtre,
arabesques également omises dans la gravure, de même qu'une
corbeille de fruits qui paraît assez peu dans le goût du xvi° siècle
et que l'on voit au premier plan de la droite du tableau.
Goltzius déjà célèbre, et par conséquent assez libre, a pu
omettre ces détails. Le paysage qu'on voit par la fenêtre
ouverte est très différent dans la gravure de celui du tableau.
De part et d'autre, l'épisode représenté dans la campagne est
bien l'Entrée du Christ à Jérusalem, mais l'estampe lui donne
une importance plus grande. Il est vrai qu'à l'échelle de
l'estampe il eût été impossible de rendre le fond du tableau,
les figures étant à peine perceptibles déjà dans la peinture.
Autre particularité à noter : le serviteur à grande barbe que
l'on voit arriver par la gauche du fond, dans la peinture, n'a
plus de barbe du tout dans l'estampe. Plus d'une fois, en regar-
dant le tableau, je m'étais imaginé que l'auteur avait voulu se
peindre sous les traits de ce serviteur du Christ et des
apôtres; de tels exemples sont fréquents. Il serait difficile
de dire s'il s'agit de P. Cœck ou de Lambert Lombard.

Je ne connais pas le tableau identique à celui du musée de
Bruxelles qui, d'après une note du catalogue, fut vendu à
Cologne en 1862 à la vente Weyer. Il serait intéressant de
savoir si ce tableau est en tout point conforme à l'estampe de
Goltzius. J'ajouterai pourtant, à l'appui de l'attribution de
l'œuvre à Pierre Cœck, ce renseignement fourni par la très
remarquable histoire de l'école d'Anvers actuellement publiée
par M. F. J. Vandem Branden, qu'il existait à Anvers en 1544,
chez le peintre Pierre Lizaert, trois tableaux de Pierre Cœck :
« une petite Cène, un Saint Jérôme et une Vierge ». L'indi-
cation de petite donnée à cette Cène augmente encore la
vraisemblance de l'hypothèse de Rechberger justifiée par la
note de l'estampe de M. Dutuit.

Toutes ces circonstances permettent d'attribuer à Pierre
Cœck le tableau de Bruxelles; mais je doute que cette décou-
verte soit très productive d'autres déterminations.

Le tableau n'offre rien de bien caractéristique et se range
par le style, le type et le coloris, parmi les œuvres néo-italiennes
que notre pays vit éclore en si grand nombre sous l'influence
de Lambert Lombard et se multiplier dans les ateliers des
Floris et des Coxcie, pour ne finir, en somme, qu'à l'apparition
de Rubens.

Henri Hymans,

x Conservateur des estampes de la Bibliothèque royale
de Bruxelles.
 
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