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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Heulhard, Arthur: Art dramatique, [2]: Maître Pathelin et autres farces françaises
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Fouqué, Octave: Art musical, [1]: Opéra: Robert le Diable
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https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0058

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44

L'ART.

mais qu'est-ce donc que le sot en question, sinon notre
compère de revue actuel? Le Nouveau et joyeux sermon conte-
nant le ménage et la cliarge de mariage pour jouer à une
nopce, à un personnage, est le quatrième morceau rendu à la
lumière par M. Picot; il s'en faut de beaucoup qu'il mérite la
même attention que les précédents ; d'ailleurs il n'a point été
écrit pour les tréteaux, et s'il est utile à consulter pour les
détails de mœurs et de coutumes qu'il renferme, en revanche, il
ne saurait servir à nous éclairer sur la marche de l'art drama-
tique en France dans les temps barbares.

Ainsi les découvertes les plus récentes, rapprochées de ce
que nous savions déjà, nous confirment pleinement dans l'idée
qu'entre tant de rivales la Farce de maître Pathelin avait seule
la complexion scénique assez robuste pour résister à l'outrage
des ans. Elle est à ce point forte et vivace qu'elle peut encore
étonner notre génération blasée sur tous les artifices du théâtre
le plus compliqué. Oui, toute surannée qu'elle paraisse à nos
boursiers d'à présent, cette intrigue de l'avocat dépenaillé qui
achète du drap à crédit, qui se soustrait au payement par tous
les moyens que lui suggère la pratique de la chicane et de la
friponnerie, qui plaide ensuite contre son créancier la cause
d'un autre voleur et trouve enfin plus voleur que soi dans un
simple berger, cette intrigue supporte vaillamment ses quatre

siècles à force de belle humeur et d'intensité burlesque. Le
premier et le troisième acte éclatent de verve et de fantaisie,
et s'il y a dans le troisième des expédients de carrefour, on y
trouve en compensation la prodigieuse scène des patois que
Pathelin oppose comme une barrière infranchissable aux
explications du drapier. Il faut dire que l'effet de cette scène
fantastique est exploité par Got avec un art qui en centuple la
portée. A ce moment, Got incarne en lui Villon. Allez le voir;
c'est dans le rôle de Pathelin qu'il m'a révélé toute la puissance
de son talent, toute la (inesse de sa perception archaïque, car
il faut savoir beaucoup et deviner plus encore pour jouer le
personnage avec la sublime drôlerie qu'il y montre. Au surplus,
Maître Pathelin est admirablement rendu par les seconds de
Got : Barré, qui fait le drapier, et Coquelin cadet, qui fait
Aignelet. Je ne sache pas non plus que Mllc Jouassin ait un
rôle mieux approprié à son physique et à ses moyens que celui
de Guillemette, l'épouse maligne et la complice dévouée de
Pathelin.

Comme le pauvre Edouard Fournier, que la mort nous a
enlevé trop tôt, eût été heureux d'entendre acclamer, l'autre
soir, sa version fidèle et discrète de la Vraie Farce de maître
Pathelin! Et comme il se fût senti récompensé de sa peine!

Arthur Heulhard.

ART MUSICAL

OPÉRA : ROBERT LE DIABLE

(fcjlpï^ouT le monde sait que le métier de directeur d'un
bM, 'Sèt théâtre lyrique consiste à ne rien faire, tout en ayant
gg^Jg^ l'air d'accomplir chaque jour des tâches surhumaines.
Il faut avouer que les administrateurs actuellement placés à la
tête de nos scènes subventionnées sont passés maîtres dans
leur art. Qui aurait jamais pensé que la reprise d'un opéra
comme Robert le Diable, que tous les provinciaux savent par
cœur, dût coûter tant de peine à l'Opéra de Paris? Il n'y a
pas deux ans que cet ouvrage avait quitté l'affiche : la mémoire
de nos artistes est-elle si courte que cet intervalle suffise à
leur faire oublier des chefs-d'œuvre qu'ils ont pratiqués plu-
sieurs années? M. Villaret chante le rôle de Robert depuis un
quart de siècle; voici bientôt dix ans que M. Boudouresque
nous est apparu sous la noire crinière de Bertram, brûlée aux
flammes éternelles. Ce n'est vraisemblablement pas la première
fois que M"e Defrane abordait le personnage de la touchante
Alice, et M. Dereims a dû interpréter souvent celui du benêt
Raimbaud. Deux débuts, et dans les rôles les moins importants,
étaient donc à compter dans cette interprétation de Robert
le Diable : ceux de M"c de Vère qui jouait Isabelle, et de
Mllc Riquetti dans le ballet.

Mais la direction de l'Opéra ne fait pas les choses comme
tout le monde ; d'ailleurs, vu la définition que nous risquions
tout à l'heure, il est tout naturel que, moins on travaille, plus
on veuille avoir l'air de pourfendre la besogne. M. Vaucorbeil,
qui n'est pas seulement un connaisseur très fin, mais un artiste
de mérite et un musicien consommé, songe à remettre sur
l'affiche l'œuvre de Meyerbeer : son premier soin est de se
faire apporter la partition d'orchestre. Il l'ouvre à la première
page, et qu'aperçoit-il, ô bonheur! en tête du catalogue des
morceaux ? Une note ainsi conçue :

« (Avis.) La durée de cet ouvrage surpassant celle des
spectacles ordinaires, l'auteur a indiqué dans la partition les
endroits que l'on peut abréger, ainsi que les morceaux qui

peuvent se retrancher. Les morceaux qui peuvent s'abréger
sont désignés par un f, et ceux que l'on peut retrancher par
deux ff. »

Évidemment, le ciel protège la direction de l'Opéra. Ce
simple avis ouvrait la porte à une série d'études, de conversa-
tions, de discussions; jamais pour la simple reprise d'un opéra
qui, d'ailleurs, n'a pas quitté ou n'aurait pas dû quitter le
répertoire, on n'aura autant réfléchi, consulté, délibéré. Mais
tout cela ne pouvait se faire sans qu'il en transpirât quelque
chose au dehors. Quelques personnes discrètes ont insinué
dans les journaux que des coupures allaient être pratiquées
dans l'œuvre de Meyerbeer. Aussitôt des cris d'indignation ont
éclaté de toutes parts. Quoi ! toucher à un pareil maître! pro-
faner une telle partition ! n'est-ce pas là un sacrilège commis,
circonstance aggravante, par ceux-là même qui ont la garde
du temple ? Heureusement, Meyerbeer et Scribe ne sont pas
morts tout entiers ; ils ont laissé des veuves, des neveux, des
petits-fils qui ne permettront pas que des mains indignes
violent ce dépôt sacré ! — Les familles des auteurs, consultées
chacune à leur tour, ont déclaré souscrire aux retranchements
proposés par la direction. Après quoi, le commissaire du
gouvernement a absous M. Vaucorbeil, et l'on a joué Robert.

La plupart des coupures dont il a été fait si grand bruit sont
de tradition à l'Opéra. Aussi n'y insisterons-nous pas davan-
tage. Mais la nouvelle direction ne s'est pas contentée de
retrancher; on peut dire même qu'elle n'a retranché d'un
côté que pour ajouter de l'autre. L'air de Bertram au cin-
quième acte :

Je t'ai trompé, je fus coupable,

un de ceux que Meyerbeer, dans sa partition, a marqués du
fatal astérisque double, avait été supprimé, d'après cette
indication du maître, il y a une quinzaine d'années. On vient
de le rétablir et avec grande raison, car, en même temps qu'il
 
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