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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 7.1881 (Teil 3)

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Faucon, Maurice: Exposition des envois de Rome à la Villa Médicis
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https://doi.org/10.11588/diglit.18879#0076

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EXFOS1TION DES ENVOIS DE ROME A LA VILLA MÉDICIS

PEINTRES ET GRAVEURS

M. Chartran (3° année) : une étude peinte, trois esquisses,
une copie. La Vénitienne, qui fait le sujet de la première étude,
n'est point une de ces beautés plantureuses, aux cheveux ardents,
à qui, depuis les maîtres du xvi° siècle, on accorde à tort
l'honneur de personnifier la race, mais la pauvre fille de la
lagune, aux traits accusés, aux cheveux bleuâtres, qui porte des
haillons sur sa peau dorée et, quand le pain de la journée a
été péniblement gagné, laisse monter sa rêverie vers des régions
plus consolantes. Telles on les rencontre le soir, devant les
portes, dans les quartiers reculés de Venise, au Canareggio,
à Quintavalle, ou à Chioggia, en Istrie et dans les îles voisines :
peut-être est-ce même le type indigène du pays. M. Chartran a
pénétré et traduit avec émotion la mélancolie particulière à
cette race. Aucun effet pittoresque de costume, de mise en
scène, d'accessoires : point de marche de palais, de tenture de
brocart qui arrête et amuse les yeux. Sur un ton orange très
rompu qui fait bleuir le voile sombre et valoir la matité des
chairs, elle se détache les mains jointes, la tête un peu inclinée,
comme une vierge sur un fond d'or. Ce fond éclatant vient
s'éteindre sur le devant dans une poussière de gris nacrés de
la plus grande délicatesse.

Saint Georges combattant le dragon. Fantaisie décorative
à la façon de Stevens. La scène est vue en hauteur; en bas,
contre la plinthe, le monstre qui se débat, couvert de sang;
puis la. vierge délivrée, mais craintive encore; au-dessus d'elle
le beau chevalier divin, paradant sur un de ces gigantesques
chevaux chers au quattrocentisti, se retournant sur sa croupe,
prêt à frapper encore l'ennemi qu'il affronte avec un sou-
rire. Décor tenant le milieu entre le fantastique et le réel :
une plage aride et déserte, à droite, sur un écueil, un châ-
teau inaccessible, la mer à gauche; le tout dans une teinte
blonde qui enveloppe l'action comme l'auréole d'une vision.
— La Prière sur la lagune, simple esquisse au bitume.
Au premier plan, une barque amarrée à un pilotis qui porte
l'image de la Madone. A la poupe, un giovinetto debout
découpe sur les lointains blanchissants de la mer et du ciel
une élégante silhouette ; deux hommes indiqués par quelques
traits de bistre sont agenouillés dans la barque. Ébauche
très caractéristique du talent plein de distinction et prodi-
gieusement aisé de M. Chartran; il n'y a presque rien sur
cette toile et tout s'y trouve. Il n'est pas jusqu'à l'uniformité
de la teinte qui ne semble l'effet de la nuit qui descend. Le
Léon XIII sur la Sedia Gestatoria n'est qu'une étude ■—
à vol d'oiseau — de tons et de valeurs dans une lumière dis-
crète et grise. — Quant à la copie obligatoire, M. Chartran a.
choisi le Mariage mystique de sainte Catherine, de Véronèse,
et nul ne nous semble plus apte à reproduire l'œuvre de ce
maître ; le rendu des étoffes du premier plan est parfait, la
vérité des attitudes irréprochable, la lumière et la vie circulent
dans cette scène et l'animent. Un peu de précipitation dans
l'exécution de certaines parties, le visage de la Vierge, par
exemple, de lourdeur dans le ciel et les anges de la partie
supérieure. Au surplus, ce n'est pas aux copies qu'on doit
mesurer les mérites d'un talent si prime-sautier, si éloigné de
l'académique et du conventionnel.

M. Schommer (2e année) a rempli les termes du règlement
qui lui demande deux figures nues ou en partie drapées, au
moyen d'une légende brésilienne intitulée : le Baiser mortel.
Au fond d'une caverne mystérieuse, une femme jeune et
chaste est à demi couchée sur un lit de fourrures et de soies;

elle tient entre ses mains la tête d'un jeune homme et laisse
retomber ses blonds cheveux sur les siens. Or quiconque
affronte la caverne fatale et reçoit le fatal baiser voit arriver un
troisième personnage, imprévu, la Mort, sous sa forme consa-
crée du squelette : celle-ci le tire par son manteau et il exhale
son dernier souffle sur les lèvres de la sirène. Dans la demi-
teinte de la caverne les tons fauves de la pierre humide, les
chairs délicates de la jeune femme, les pourpres et les pelages
bigarrés de la couche se fondent avec harmonie ; seules les
jambes de la jeune fille sont éclairées par une lumière trop
vive, trop blanche ; le peintre en avait besoin peut-être pour
faire valoir par le contraste la sfumatura exquise du torse et
des bras; mais cette blancheur crue surprend et détonne. La
tête mourante du jeune homme est assez expressive pour
rendre inutile l'intervention quelque peu surannée du squelette ;
il ne faut pas abuser de l'allégorie, même dans les légendes.
L'ensemble de l'œuvre charme les yeux, autant qu'il émeut et
saisit les sens.

Ulxion de M. Bramtot (irc année), est une bonne et solide
étude de nu. Retenu par le règlement et ne pouvant composer
comme M. Delaunay un Ixion romantique, il a introduit dans
le sien, par le lien de la scène, par les accessoires, surtout par
une vigoureuse draperie noire sur laquelle s'enlève le corps du
supplicié, un élément de pittoresque qui promet d'excellentes
compositions quand M. Bramtot aura ses coudées franches.
Son dessin du Christ, saint Thomas et saint Magnus, d'après
Cima da Conegliano, est un bon choix; il reproduit fidèlement
le style expressif et ferme de l'original.

M. Deblois a gravé le portrait d'Angelo Doni, un des plus
beaux portraits d'homme — le plus beau peut-être — qu'ait
peints Raphaël. Témoignage convaincant de son goût et de
ses tendances. L'original a une dureté intelligente, bien saisie
par le graveur, mais exagérée peut-être par des tailles trop
vigoureuses dans les passages de l'ombre à la lumière. A côté,
M. Deblois expose un dessin de la Madonna del Sacco. Ceci
vraiment est une gravure nécessaire et dont il conviendrait que
l'Etat fît la commande. L'original est en voie de se perdre par
les fissures et l'humidité, le saint Joseph n'est déjà plus recon-
naissable; et nous n'avons que la gravure de Raphaël Morghen,
très inférieure sous le rapport du dessin, impuissante dans sa
sécheresse à exprimer cette souplesse enfumée du contour et
cette couleur légère des draperies, si charmantes dans l'œuvre
d'André del Sarto.

SCULPTEURS.

Nous ne craignons pas de dire que le groupe de M. Lan-
son (4° année) est une des plus puissantes œuvres que la
sculpture française ait produites depuis quarante ans. Un
homme des premiers, âges du monde, représentant l'Age de
fer, se tient debout, dominant un ennemi vaincu et terrassé
entre ses jambes. L'intelligence met sur son front une lueur
de la civilisation future; on sent qu'il a vaincu par elle plus
encore que par la force. La poitrine haletante, la narine gonflée,
la main gauche tendue et baissée sur l'ennemi avec une raideur
impérieuse, un javelot dans l'autre main, il ouvre librement
ses yeux sur le monde où désormais il ne connaît plus de
rival. M. Lanson a étudié longtemps Michel-Ange et lui a ravi
quelques-uns de ses secrets. Devant ce type où s'unissent à un
degré rare le caractère et le style, devant ces muscles modelés
avec ampleur et fermeté, on se reporte involontairement à ce
groupe du Bargello de Florence qui, destiné au tombeau de
Jules II, représente, croyons-nous, la Vertu terrassant le Vice.
 
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